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Grève en Grande-Bretagne

Publié le 18 octobre 2022

Traduction d’un texte de nos compagnons de la section de l’AIT en Grande-Bretagne, sur la vague actuelle de grèves sauvages qui enflamme le Royaume-Uni, qui est tout à fait transposable à la situation en France.

Partout au Royaume Uni, il y a maintenant un regain d’optimisme et un alignement public avec le mouvement pour l’augmentation des droits des travailleurs, des droits syndicaux, des augmenta-tions de salaire et des améliorations générales des conditions de travail. Alors que, pour la grande majorité des gens dans le pays, les salaires et rémunérations non seulement stagnent mais même font face à une véritable réduction de salaire, les 1% les plus riches sont le seul groupe dont la position économique augmente. Mais c’est toujours ainsi – c’est ainsi que fonctionne le Capitalisme – en particulier le modèle de Capitalisme financiarisé et néolibéral dans lequel nous vivons aujourd’hui, qui restreint les droits de négociation des travailleurs, détruit le secteur public et tend vers une société dystopique où tous les services, toutes les relations sociales et toutes les idées sont marchandisées – ce que les politiciens de toute tendance, qu’ils soient conservateurs, libéraux démocrates ou « travaillistes » (de gauche) appellent la « modernisation ».

Des mesures sont prises ou sont proposées par les travailleurs et leurs syndicats dans les secteurs des transports (RMT, ASLEF), de la santé (BMA, Unison), de l’éducation (NEU, NASUWT), des travailleurs du Conseil, de la Poste (Royal Mail), des travailleurs d’Open Reach/Broadband, liste qui s’agrandit au fil du temps car les conditions s’aggravent sans aucune négociation offerte. Certaines des pires réductions de salaire en termes réels montrent que les médecins juniors subissent une réduction de salaire de 22% depuis 2008-2009, ainsi que les infirmières encore moins bien payées. Ces dernières ont annoncé qu’elles partiront si leur demande d’augmentation de salaire de 5% en plus de l’inflation n’est pas accordée. « Mais – selon le journal The Independent – le gouvernement a jusqu’à présent demandé de plafonner toute augmentation de salaire pour 2022-2023 à 3% ».Cela illustre la collaboration essentielle entre l’État et ses alliés capitalistes, tous deux dépendants l’un de l’autre pour le maintien et la poursuite de la néolibéralisation de la société.

Cette « crise du coût de la vie » n’est pas nouvelle – pour la grande majorité des gens il y a toujours eu une crise du coût de la vie sous le capitalisme. Les membres des classes moyennes et supérieures n’ont pas vécu le fait de devoir choisir entre « se chauffer ou manger » comme un choix existentiel terrifiant auquel vous êtes confrontés au quotidien. Cependant, il est vrai que les choses empirent de façon exponentielle pour les travailleurs – à la fois en raison de facteurs imprévus tels que la pandémie et la perturbation des chaînes d’approvisionnement pour les produits essentiels que la guerre en Ukraine entraîne, mais aussi, plus important encore, d’efforts concertés et ciblés par la classe dirigeante et le système politique dont ils tirent profit et qu’ils exploitent, pour aggraver encore la situation des travailleurs. En refusant les droits à l’action collective contre les employeurs, en dé-finançant les services sociaux, ils appliquent les « classiques » du livre des commandements thatchériens.

C’est la compréhension fondamentale de tout travailleur anticapitaliste ou ayant une conscience de classe que « Partout vous trouverez que la richesse des riches jaillit de la pauvreté des pauvres » (Pierre Kropotkine)
L’anarcho-communiste russe Kropotkine a écrit ces mots en 1892, et tandis que de nombreux aspects du Capitalisme ont changé depuis lors, les fondamentaux restent les mêmes : l’existence de la pauvreté et la position subsidiaire de la classe ouvrière par rapport à la classe dirigeante est entretenus par leur exploitation.

Et donc aujourd’hui, nous voyons que la classe dirigeante chauffe ses piques de fer afin de percer la classe ouvrière et son mouvement pour des salaires décents, des conditions et des droits démocratiques fondamentaux. Il n’est pas surprenant que les nouveaux premiers ministres non élus qui seront choisis par les membres du Parti Conservateur [pour remplacer Boris Johnson] soutiennent tous deux l’interdiction des grèves dans les services essentiels tels que les transports et la santé, juste au moment où la plus grande vague de grèves depuis des décennies se propage rapidement parmi les travailleurs du pays. . Si une telle législation réussit, cela signifie que l’ensemble du mouvement pour les droits des travailleurs et les syndicats seront poussés à des actions de grève non officielles, à opérer en dehors des limites déjà draconiennes, restreintes et antidémocratiques de ce que l’État britannique juge acceptable. La législation sur les droits des travailleurs est conçue pour annuler la solidarité des travailleurs et de la société avec les conflits. Par exemple, la grève en solidarité avec un autre lieu de travail exploité est illégale, alors qu’augmente la légalisation et l’utilisation accrue des briseurs de grève, tout cela pour diviser et régner sur le mouvement ouvrier, pour détruire les conflits dans leur déroulement. L’action non officielle, face à un système de plus en plus autoritaire et ouvertement pro-bourgeois, devient la seule mesure efficace contre le contrôle croissant de l’État capitaliste.

Pour de nombreux membres du mouvement ouvrier « mainstream » (officiel / institutionnel) ou réformiste, agir en dehors de la légalité, cela est impensable. Pour eux, en particulier les bureaucrates et les aspirants militants, tout doit être fait par les voies officielles, en demandant à leurs oppresseurs la permission de manifester ou en montrant du respect à des institutions et des personnes archaïques, à des institutions et des processus que ce système semi-féodal, de classe, élitiste et fondamentalement raciste reproduit et protège.

Les travailleurs n’obtiennent pas d’augmentation de salaire, tandis que la classe dirigeante obtient une augmentation de ses revenus, alors les travailleurs réagissent en se mobilisant et en s’unissant. La classe dirigeante réagit en limitant leurs droits à un niveau si extrême que même les dirigeants de républiques bananières de droite en rougiraient. Ceci, c’est la guerre des classes, pure et simple. C’est la guerre de classes maintenant, c’était déjà la guerre des classes depuis les années d’après-guerre, et ça a toujours été la guerre des classes dès les premiers jours du capitalisme proprement dit.

A la Solfed-AIT (Solidarity Federation, Fédération Solidarité, section de l’AIT en Grande-Bretagne), en tant qu’anarchosyndicalistes, ce que nous ferons comme nous l’avons toujours fait, c’est de soutenir les contestations que les syndicats et leurs travailleurs opposent à leurs employeurs. Nous ne pensons pas que le modèle actuel des syndicats, organisé de façon hiérarchique et basé sur le leadership de quelques militants, est le plus efficace – car tout mouvement ou organisation qui reproduit les mêmes divisions de pouvoir inégalitaires que la société capitaliste est condamné à reproduire ses conditions sociales inégalitaires. Comme l’a dit un compagnon au sein de SolFed : « Les dirigeants syndicaux sont impuissants à moins que les membres n’organisent une action non officielle de la base ».

La gauche doit prendre conscience de cela. Nous n’avons pas obtenu les droits que nous avons maintenant à cause d’actions revendicatives légales ou pacifiques. Les lois ont été mises en place pour ARRÊTER l’action non officielle, c’est la seule raison pour laquelle les dirigeants syndicaux ont le pouvoir de médiateurs : le Pouvoir attend d’eux qu’ils agissent comme des ralentisseurs de l’action directe des travailleurs.

Tant que nous dépendrons d’une action légalisée pour gagner, le gouvernement supprimera ces droits à la seconde où nous commencerons à les utiliser efficacement.

En Grande-Bretagne, l’obligation faite aux syndicats d’organiser un vote préalablement au déclenchement d’une grève, et les restrictions légales à cette organisation,(nombre de participants, majorité, …) tout cela n’était que le début [pour entraver la résistance des travailleurs]. Au minimum, même les actions officielles doivent être coordonnées par la base. Le gouvernement nous oblige à voter avant de faire la grève ? Alors en réponse, nous devrions exiger d’avoir les mêmes seuils de participation lorsqu’il s’agit de retourner au travail ! Si la décision de mettre fin à une grève et de retourner au travail devait être votée lors de réunions de masse, cela nous donnerait l’expérience nécessaire pour pouvoir retirer ces choses lorsque nos syndicats seront rendus illégaux. Les dirigeants syndicaux ne vont pas simplement nous céder leur pouvoir, mais même eux doivent voir que sans ce genre de mesure, leurs jours de permanents syndicaux rémunérés sont comptés
Comme point de départ, apprenez à organiser des actions non officielles. Découvrez le type de méthodes que nous utilisions – la grève éclair, le ralentissement du travail, la marche sur le patron … un bon moyen d’y parvenir est de participer aux formations organisées par SolFed pour les organisateurs d’action sur le lieu de travail.

Par conséquent, nous soutenons tous les travailleurs dans leur lutte pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions et, à long terme, la libération de l’exploitation. Nous pouvons voir qu’il est vital de mener un effort concerté du mouvement ouvrier pour unir tous les secteurs, en particulier contre le duo pole entreprise-gouvernement et contre l’appel quasi fasciste de notre prochain Premier ministre potentiel à interdire les grèves dans les services essentiels. Le parti « travailliste » (de gauche donc) interdit à ses représentants de soutenir des lignes de piquets de grève ou même de chuchoter des mots comme « socialisme » ou « négociation collective ». Nous savons que la politique des partis et toute l’idéologie consistant à compter sur les puissants et les fonctionnaires pour protéger nos droits et nos moyens de subsistance est une imposture.
Nous avons besoin d’une grève générale, une grève générale pour paralyser la dynamique du pouvoir du capitalisme néolibéral en phase terminale. Nous avons besoin d’une mobilisation massive des travailleurs dans des mouvements libres et non hiérarchiques de travailleurs, qui réussissent grâce à leur autonomie vis-à-vis des représentants syndicaux, des chefs de parti, etc. La SolFed-AIT offre son plein soutien et sa solidarité aux travailleurs de tout le pays qui luttent pour de meilleurs droits, un meilleur travail et un meilleur salaire.

Source : http://solfed.org.uk/bristol/solidarity-with-workers-on-strike