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La police tue, tue de plus en plus

Publié le 1er octobre 2023

Depuis la loi de 2017, j’ai eu l’occasion de dire, dans de très nombreux échanges ici, qu’il y a eu moins de tirs et (...) moins de cas mortels qu’avant 2017 », lance ce 27 juin 2023,le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, devant l’Assemblée nationale !

Autrement dit, malgré la loi 2017, instituant le permis de tuer du quidam pour la police et l’armée, les forces de répression n’en ont pas trop abusé, comme le montre le recensement de Basta ! En effet, 52 tués en 2021, soit, en moyenne, un par semaine, ce serait donc, juste normal, banal en république démocratique.
Nous voilà donc, rassurés !

Depuis l’assassinat de Nahel, qui a déjà fait oublier celui d’Alhoussein, 19 ans, tué ce 14 juin par la police à Angoulême, alors qu’il se rendait à son travail sur une base d’Intermarché, la majorité des politiques fait unanimement porter la responsabilité des émeutes sur les seuls « émeutiers » et leurs familles, puisque ces
émeutiers seraient majoritairement des ados.

Le nombre de morts liées à une intervention policière a atteint un pic en 2021 - Basta !

Les médias relaient les éléments de langage du gouvernement ainsi que la demande des syndicats de police qui, manquant de munitions, attendent plus de « balles en caoutchouc ». Et, oui, aujourd’hui, c’est comme ça qu’on nomme les munitions de LBD, armes de guerre, utilisées en France, pour réprimer les mouvements sociaux, et qui ont déjà tué et mutilé ! Ils sont forts, ou, ils n’ont pas de chance : ils arrivent à tuer et mutiler juste avec des balles en caoutchouc. Dans la tête de tous ceux qui entendent « balle en caoutchouc », on a l’image d’une balle à chien ou d’une balle pour enfant ! Rien de dangereux, donc.
L’Ordre Républicain est dans toutes leurs bouches jusqu’à ma nausée !

En réalité, les mandats de Macron pourraient s’intituler, Chronique des meurtres d’État annoncés, tant son seul programme consiste à mettre au pas une population exsangue et fatiguée de payer toutes les casses sociales que ses gouvernements organisent encore plus vite, encore plus fort que celles de ses prédécesseurs, au profit du capitalisme le plus décomplexé, cynique et meurtrier que j’ai vécu. J’ai 69 ans.
Depuis le 29 juin 2023 au 2 juillet donc, 2905 interpellations auraient eu lieu (intérieur.gouv). Aussi incroyable que cela paraisse, je n’arrive pas à retrouver le nombre de morts par tir létal policier, depuis janvier 2023. Dans ma tête, donc, de mémoire, je suis à 13/14, (en incluant la mort « collatérale de Cayenne), mais, sans garantie de source. C’est d’autant plus inquiétant que cela prouve que la banalisation fonctionne, même sur des personnes attentives ! J’aurais dû ouvrir un tableau !
Je m’attendais à ce que les formations syndicales et politiques qui ont participé, je devrais dire, balisé, encadrée, la défaite du mouvement social contre les retraites, s’expriment et dénoncent ce gouvernement meurtrier, tant par ses lois que par sa répression.

Je m’attendais à de grands rassemblements exigeant la justice, exigeant le retrait de cette loi, exigeant un audit et à minimum une réforme sur la politique de « sécurité » et des pratiques des « forces de l’ordre » … Je m’attendais à des analyses reprenant les raisons de la colère, pauvreté, précarité, indignité de conditions de vie, stigmatisation du prolétariat et du sous-prolétariat bien plus coloré d’ailleurs que les autres classes. Je m’attendais à ce que ces mêmes personnes qui briguent ou ont des mandats de représentation (élus), nalysent combien, en 6 ans, l’éducation nationale a été totalement déchiquetée. Comment, son rôle essentiel pour que chacun apprenne à organiser sa pensée avec celle de l’autre, a été remplacé par une assignation à « bien penser », c’est-à-dire à se conformer à ce que l’ordre gouvernemental, ce qui n’est pas très républicain, exige pour préparer la soumission totale de la future population active.
Bref, j’espérais ! Naïvement, bêtement, j’espérais ! Un sursaut de conscience collective ? Politique ?
Rien !

Alors, les ados sont sortis, sortent. Sans conscience collective, puisque ça fait quelques années qu’on les aiguille sur la pensée post-moderne, communautaire (les uns contre les autres), au lieu de leur apprendre à
comprendre la force de la solidarité, de l’entraide. Et, on s’étonne que ces « sans rien », « sans perspective », si ce n’est l’appartenance à un clan, pillent, cassent sans grande discrimination ? Ils sortent « à brut », avec l’émotion de leur colère, de leur souffrance, sans les mots pour avancer collectivement, hors cadre des mots du clan. C’est facile pour les militants d’extrême droite, de les pousser à la violence qui lui permettra de demander toujours plus de répression et d’encadrement de la population, et, pour les « appellistes » de les pousser à la violence inutile, l’autodestruction, protégeant ainsi ce qui devrait être, au moins symboliquement, cassé : l’état/le gouvernement à la solde du capital, responsables de la violence première.

Cette colère, je la reconnais. Elle fut mienne aussi. Contre une famille non-protectrice parce que trop soumise à la bien-pensance socialisante, contre un pouvoir utilisant une école formatante à la soumission « à l’ordre républicain » déjà ! Sauf que moi, dans mon village, j’avais les mots ! Dans ma chambre, il y avait des affiches-maison : « la propriété, c’est le vol », le poème « la chasse à l’enfant » de Prévert, des dessins de Une de Charlie… J’écoutais Férré… Bref, j’étais très privilégiée et je ne le savais pas.

Eux, sont très défavorisés, et ils ne le savent que trop ! Par contre, ce qu’ils ne savent pas, ce n’est qu’ils peuvent penser ensemble et s’auto-organiser autrement !

Qu’on ne compte pas sur moi pour dénoncer ces jeunes ! Ils sont le produit de 65 ans de 5ᵉ république et de l’accélération macroniste de sa longue agonie, particulièrement féroce pour les populations. La seule question, aujourd’hui, est, est-ce que le post-fascisme en cours peut s’enraciner avec l’aide active de tous les « Lacombe Lucien » que cette république fabrique ou est-ce que cette jeunesse en souffrance saura construire de la solidarité opposable à la violence d’état et de ses sbires.

PS : pour ceux qui s’offusquent des écoles détériorées, l’école est le premier lieu de la rencontre avec la discrimination, l’inégalité et surtout le mensonge d’état de la méritocratie dite républicaine !

Josette Montauban, enseignante retraitée 02/07/2023