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Pourquoi nous n’employons pas le slogan "Pas...

Publié le 10 avril 2022

Pourquoi nous n’employons pas le slogan "Pas de guerre entre les peuples" ...
Il y aurait beaucoup à dire à propos de ces phrases, sensées résumer une "pensée", qui fleurissent en fonction des moments. Ce phénomène de réduction de la pensée passe par des phrases chocs, destinées à faire le « buzz » en 140 caractères, a explosé avec les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et autre...

Une de ces "punchlines" – comme on dit pour faire tendance - refait surface à cause de la guerre en Ukraine :
"Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes".

Quelle connerie !

En effet, cette phrase signifie deux choses :
Primo, que la guerre en Ukraine serait une guerre du peuple russe contre le peuple ukrainien, ce qui en plus d’être stupide est dangereux.
Stupide, car ce ne sont pas les populations qui ont déclaré la guerre, mais les dirigeants politiques. Poutine ce n’est pas "les Russes". Les courageux manifestants qui ont osé sortir dans la rue et braver la répression pour crier "non à la guerre" à Moscou, Saint Petersbourg et dans plus de 50 villes russes montrent bien que tous les Russes ne sont pas derrière Poutine. De même, Zelensky ne représente pas tous les Ukrainiens, mais uniquement les bourgeois ukrainiens, qui ont mis leur famille à l’abri à l’étranger une semaine avant l’invasion, tout en appelant les travailleurs, infirmières, mineurs, ..., tous ceux dont ils refusaient hier d’entendre les revendications sociales face à une misère noire, à aller aujourd’hui verser leur sang pour "la terre sacrée de la patrie.

Deusio, ce slogan affirme que les peuples existent. C’est clairement une affirmation identitaire (reconnaître un peuple "russe" ou "ukrainien" homogène, c’est reconnaitre de la même façon la validité du concept de « peuple français » …). Or qu’est-ce que la notion de peuple, à part un moyen de séparer les gens pour les écarter de leurs intérêts communs ? L’histoire, la culture, la langue même, des Russes et des Ukrainiens sont intimement mêlés depuis toujours. Le mot "russe" désignait à l’origine le royaume de Kiev au 9ᵉ siècle ! 30% des « russes » ont de la famille en Ukraine. Kroutchev, un des dirigeants soviétiques de l’URSS, était ukrainien. Certains Ukrainiens – sur lesquels tombent les bombes russes - sont russophones !
De nouveau, comme hier en Yougoslavie ou au Rwanda, les nationalistes attisent les différences, voire les créent artificiellement en imposant l’usage exclusif d’une seule langue au détriment du multilinguisme, pour que ceux qui étaient hier encore cousins ou voisins, aillent s’entretuer.

Dans cette folie ambiante, il nous revient à nous, anarchistes, anarchosyndicalistes, d’essayer de garder la tête froide et de rappeler que cette guerre, comme celle qui a cours au Tigré en Éthiopie depuis bientôt deux ans -mais qui ne fait pas la une des journaux- comme toutes les guerres, a pour cause les intérêts économiques de ceux qui ont le pouvoir : gaz, céréales…

Et puisqu’il est question de l’Ukraine, souvenons-nous des insurgés de l’armée noire qui - de 1918 à 1921 -se sont battus pour la Liberté des Humains, sans considération ni de leur origine ni de leur croyance :
"D’une façon générale, les insurgés makhnovistes – et aussi toute la population de la région insurgée et même au-delà – ne faisaient aucun cas de la nationalité des travailleurs. Formé par les exploités et fondu en une seule force par l’union naturelle des travailleurs, le mouvement makhnoviste fut imprégné, dès ses débuts, d’un sentiment profond de fraternité de tous les peuples (ukrainiens, russes, polonais, allemands, grecs, juifs, arméniens, …). Pas un instant, il ne fit appel aux sentiments nationaux ou « patriotiques ». Toute la lutte des makhnovistes contre le bolchevisme fut menée uniquement au nom des droits et des intérêts du Travail. Les préjugés nationaux n’avaient aucune prise sur la Makhnovtchina. Jamais personne ne s’intéressa à la nationalité de tel ou tel combattant, ni ne s’en inquiéta. » [1]

Paix entre nous, guerre aux tyrans !
Ou comme le disent les antimilitaristes de Russie et d’Ukraine : paix aux chaumières, guerres aux palais !

Un sang mêlé.

1. D’après un texte des compagnons anarchistes ukrainiens du groupe Drapeau noir, publié le 19 février sur leur page facebook

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