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LES UNS ET LES AUTRES

Publié le 10 juillet 2007

Ils sont pour la plupart déçus, dépités, outrés, indignés, apeurés, découragés. Les plus hardis sont en colère, les plus sincères ont la rage. Après les anti-fachos, ces folkloriques chasseurs de F-haine, voici les anti-sarkos, et, parmi eux, le noyau dur, celui des défenseurs-citoyens de la démocratie parlementaire. Ceux-là ont hurlé à la liberté par les urnes, sillonné les banlieues et envahi les ondes en poussant les jeunes à aller s’inscrire sur les listes électorales. Ils n’avaient à la bouche que les gros mots de "citoyens", de "droit de vote", de "majorité populaire" et finalement, ils ne parlaient que d’élections.

L’abstentionniste était un paria, un irresponsable, un traître, un complice du sarko-fachisme. A leur appel, le peuple black-blanc-beur allait faire barrage au petit facho. Et patatras ! Sarko et sa clique ramassent la mise et haut la main ! Une majorité de votards préfère une France policée, capitaliste, raciste et inhumaine. Dure réalité qu’on avait soigneusement cachée aux néophytes. Et si les plus sincères se révoltent ; ne pensez pas que les démocrates de la belle gauche soient pantois ! Le discours de peur, celui par lequel ils ont rabattu l’électeur potentiel vers les urnes avait certes pour objectif de "gagner" une élection. Mais ils savent que, même quad leur parti a perdu, du moment que l’électeur s’est déplacé, le système a gagné.

Car, même s’ils sont allés ensuite aux législatives la silhouette voûtée, la mine défaite, et la main toujours docile pour parachever leur défaite, ils espèrent bien que ces nouveaux électeurs, resteront les braves citoyens humanistes et naïfs par commodité. Certes, après le plus fort taux de votants, ils ont enregistré, un moins après, le plus faible. Mais, ils feront tout pour que ceux qui ont entrevu, l’espace d’un instant, que la social-démocratie n’a rien à voir avec la liberté et la fraternité, oublieront cet instant de lucidité. Qu’ayant fait le premier pas, celui qui est le plus difficile, ils recommenceront, qu’en leur insufflant de nouvelles craintes, ils se résigneront la prochaine fois à sauver "leur gauche", celle qui promet des militaires dans les écoles, la chasse au sexe, le flicage des familles, le travail obligatoire et la carte d’identité pour les chiens.

Alors, remettons les points sur les "i". Ceux qui ont eu une pulsion de révolte après avoir voté l’ont ressentie parce que, confusément ou pas, ils ont compris qu’ils se sont fait manipuler. Ne laissons pas tourner leur colère dans le vide. Apportons-leur des arguments qui leur permettent d’avancer.

En premier lieu, rappelons que les hommes politiques dans une telle démocratie ne sont pas des décideurs, mais les employés dociles et avides de la classe dominante. En quelque sorte, ils sont un peu des DRH (Directeurs des ressources humaines) des sociétés capitalistes blanches occidentales. Comme l’a dit sans rire Laurence Parisot, matrone du Medef, "Votez comme vous voulez, puisque les deux candidats sont favorables à une économie de marché". Leur fonction véritable : assurer l’ordre social nécessaire au bon fonctionnement du marché. Ni plus, ni moins. Dans le monde de la marchandise, la démocratie parlementaire est avant tout un moyen de police permettant de façon économe et efficace de faire fonctionner le vaste marché des citoyens / producteurs / consommateurs. Elle offre le spectacle de la démocratie pour donner à l’individu l’illusion de choisir sa vie, mais elle est une force de répression omniprésente, au nom même de cette parodie de démocratie menacée. Voilà la réalité de ce monde.

En second lieu, il est utile, quoiqu’un peu dérisoire, de rappeler que cette gauche que ses électeurs - frustrés ou pas - appelaient tant de leurs vœux, pardon de leur vote, a été dans le domaine de la domestication des peuples et de la glorification du profit individuel tout aussi performante que la droite. Rappelez-vous, sous le règne de François 1er dans les années 1980, on parlait de la décennie "fric". Comme le disait Tapie, le célèbre miterrando-sarkosiste, "En dessous de 100 patates, t’es rien !". L’abolition de la peine de mort ou la mise en place de la CMU n’ont jamais pu cacher, sauf aux bobos, l’âpreté au gain et le cynisme affairiste des socialistes. Blair en Angleterre, Zapatero en Espagne, ou même le lobby démocrate américain, tous ces clans se drapant de "socialisme", d’idées dites de gauche ou de démocratie, ne sont en fait que des cliques d’arrivistes prônant chacun à sa manière le maintien de l’ordre des choses dans ce vieux monde blanc finissant. La manière forte et provocatrice d’un Sarko ne doit pas faire oublier la façon sournoise et servile, mais tout aussi liberticide, d’une Ségo pour garantir à la bourgeoisie le maintien voire l’accroissement de ses privilèges.

Enfin, histoire de provoquer un peu, de mettre le doigt sur les limites de la soi-disant indignation des bien-pensants, il serait plaisant de faire un petit cours d’histoire, de rappeler que les changements radicaux de société ne se sont jamais faits dans les urnes, mais dans les rues, que la pratique de la démocratie, si c’est de ça qu’on veut parler, ne se limite pas à la fréquentation des bureaux de vote, mais exige un engagement bien plus grand, et plus constant. La désobéissance civile, le sabotage, la réappropriation, les comités de lutte, les assemblées populaires, les grèves générales et non corporatistes, les réseaux de solidarités, voilà des chemins de démocratie, voilà des armes aiguisées pour abattre la classe dominante.

Alors, laissons passer la caravane majoritaire des anti-sarkosistes, ceux qui s’indignent mais qui ne veulent pas changer de monde mais seulement de maître ; et ouvrons la porte à ceux d’entre eux qui, au-delà de la personne, ont commencé à comprendre que c’est tout un système qui est en cause."

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