REVOLTE DANS LES CENTRES DE RETENTION
Publié le 15 avril 2008
Dans ce qu’il appelle les Centres de rétention administrative, et qui sont en fait des prisons, le pouvoir entasse des vieillards, femmes, hommes et enfants pour les expulser. Leur crime : ne pas avoir de papier. Fin décembre, des mouvements de protestation sont venus enrayer le bon fonctionnement de cette machine à broyer des vies.
20 DECEMBRE 2007
Des Sans-papiers, détenus au centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) entament un mouvement de protestation.
27 DECEMBRE 2007
Certains commencent une grève de la faim : "Nous refusons d’être traités comme des sous-hommes et appelons l’ensemble des gens qui pensent encore que nous sommes des êtres humains à dire Stop à cette politique raciste".
NUIT DU 28 AU 29 DECEMBRE 2007
150 CRS font irruption dans le centre de Vincennes pour forcer manu militari les détenus à rejoindre leurs chambres.
29 DECEMBRE 2007
Le mouvement s’étend dans les deux centres de Vincennes. Les CRS entrent à nouveau pour mater la révolte. Des prisonniers sont mis en isolement. Mais les grévistes continuent d’exprimer leur détermination à ne pas céder. Ce n’est pas une "amélioration des conditions de rétention" qu’ils veulent, mais bien la fermeture des centres eux-mêmes, car ceux-ci ne peuvent pas être humanisés.
30 DECEMBRE 2007
Témoignage au CRA de Vincennes : "Il y a à peu près un mois, un sans papier s’est évadé. Depuis les policiers sont particulièrement énervés et virulents envers les retenus. Ils font des fouilles à n’importe quelle heure de la nuit, ils font entre 8 à 10 rondes par 24 heures (au lieu de 3 habituellement), ils nous comptent tous les soirs pour vérifier qu’aucun Sans-papier ne s’est enfui. Avant hier, les retenus n’ont pas accepté de se faire comptabiliser comme du bétail et ont refusé de remonter dans leur chambre. Hier soir, routine. Les policiers accusent un homme en train de fumer d¹avoir fait entrer un briquet en rétention. Ils le menottent pour l’emmener en isolement. Les autres sans papiers jugent cet acte injustifié et interpellent à leur tour les policiers. Mouvement de masse, violences policières, au final, il y a trois blessés légers parmi les retenus.” Les CRS sont revenus en renfort et sont restés jusqu’à 4 heures du matin.
3 JANVIER 2008
Une manifestation rassemble 200 personnes devant le centre de rétention de Vincennes. La mobilisation prend de l’ampleur. Tous les jours des rassemblements ont lieu devant le centre.
05 janvier. Mille personnes manifestent devant le Centre de Vincennes. Les flics chargent et matraquent. A l’intérieur, ils "négocient" l’arrêt du mouvement contre une prochaine libération...
9 JANVIER 2008
A 19 heures, ne voyant aucune libération, les détenus refusent d’être comptés et de descendre au réfectoire.
13 JANVIER 2008
Un détenu témoigne : "Tous les matins on nous fouille. Ce midi, on nous a servi des haricots blancs périmés depuis le 5 janvier. Quand on l’a signalé, on nous a répondu qu’ils n’étaient pas là pour regarder les dates. Quand on se repose, les policiers viennent fouiller les chambres. La nuit, ils sont dans le couloir. Lorsque l’on doit se rendre aux toilettes, ils nous suivent et laissent la porte ouverte. Ils nous provoquent. Ils nous dérangent la nuit en mettant l’alarme entre minuit une heure, pour qu’on ne dorme pas."
19 JANVIER 2008
Journée d’action contre les centres de rétention et contre la directive européenne qui prévoit d’allonger la durée de rétention. 4 000 personnes ma-nifestent jusqu’au centre de rétention de Vincennes. "Près de 400-500 personnes rentrent sur le parking. Les flics tentent de les en empêcher. Gros pétards qui détonnent, caillasses, pots d’échappement, bouts de bois et cannettes commencent à voler sur les gardes mobiles et les keufs. De l’autre côté, loin derrière les différentes lignes de gardes mobiles, et derrières les barbelés du centre, les retenus sont là. Ils gueulent "Liberté", ils chantent, agitent des draps blancs ainsi que des banderoles". Des manifs ont lieu dans de nombreuses autres villes contre les centres de rétention : Angers, Nîmes, Lyon, Rennes ... A Toulouse, une personne enfermée crame son matelas au moment du rassemblement.
22 JANVIER 2008
Depuis le matin, 20 sans-papiers (sur les 30 présents) retenus au Centre de Palaiseau sont en grève de la faim pour obtenir leur libération. À minuit, à Vincennes, les détenus ont refusé d’être comptés et de rentrer dans leurs chambres. Ils ont essayé de dormir dehors. Les CRS sont intervenus pour les obliger à réintégrer leurs chambres. Tout le monde criait L-I-B-E-R-T-É.
23 JANVIER 2008
A Vincennes, des détenus ont mis le feu à leur chambre, en brûlant des papiers. Ambiance extrêmement tendue. 6 personnes en grève de la faim au centre de rétention de Nantes.
24 janvier. Certains détenus ont refusé de manger et ont jeté la nourriture sur le sol.
25 JANVIER 2008
Depuis 18h30, les sans-papiers du centre de rétention de Vincennes se battent contre la police. Une chambre a déjà été incendiée. Sur place, on parle d’émeutes. A Nantes, un des grévistes de la faim est libéré. Un autre considéré comme un des meneurs est envoyé sur Rennes.
26 JANVIER 2008
Entre 16H et 20H, une trentaine de personnes se rassemblent en solidarité devant le centre de Vincennes. Fort déploiement de flics qui tentent de canaliser le rassemblement loin des grilles, mais à deux reprises des parloirs sauvages s’improvisent. Compte rendu de détenus : "Un premier feu a pris dans les toilettes. Ensuite, deux chambres ont brûlé. On a refusé de manger. On a empêché l’accès au réfectoire en bloquant les portes".
27 JANVIER 2008
La tension ne cesse de monter depuis hier soir au centre de Vincennes. Les familles ont attendu en vain de pouvoir rendre visite à leur proche. Les affrontements directs entre Sans-papiers et policiers ont repris dès cet après-midi. Deux départs de feux.
28 JANVIER 2008
Rassemblement d’une vingtaine de personnes à Nantes (commissariat Waldeck-Rousseau), où un détenu continue la grève de la faim entamée le 20 janvier. Des slogans sont lancés au rythme des tôles ondulées du chantier. A Rennes, une grève de la faim a également débuté. A Vincennes, l’ambiance est extrêmement tendue. Trois tentatives de suicide. Quatre détenus sont mis en isolement : motif, ils parlent trop avec les "agitateurs " de l’extérieur, ou ils se sont mis en colère pour une visite supprimée.
29 JANVIER 2008
A l’issue de la garde à vue, deux des personnes sont relâchées et ne sont pas ramenées en centre de rétention. Deux autres détenus qui ont fait une tentative de suicide sont libérés.
30 JANVIER 2008
Les deux autres personnes placées en garde à vue, sont transférées au dépôt. Pour l’une d’entre elles, le dossier est directement classé par le procureur faute d’éléments, elle est relâchée. La deuxième passe en comparution immédiate. La qualification retenue est "incendie involontaire avec une cigarette oubliée allumée". Il prend deux mois avec sursis mais est immédiatement libéré. Les quatre sont donc libres. Au Centre de Vincennes, deux nouvelles tentatives de suicide.
1° FEVRIER 2008
Une quinzaine de détenus déchirent leurs cartes (qui servent à la fois à avoir accès à la bouffe, au médecin, à la Cimade, mais aussi à vous contrôler à chaque instant et à vous compter à minuit).
3 FEVRIER 2008
De nombreuses personnes sont en grève de la faim, tous les jours il y a des tentatives de suicides (par pendaison, médocs ou en se tailladant les veines). Un détenu dit que des bagarres éclatent régulièrement avec les flics et que ces derniers flippent qu’ils foutent le feu.
3 FEVRIER 2008
"Hier, une quinzaine de personnes ont déchiré leur carte et les ont jetées dans le couloir... Les refus de comptage, je dirais que c’est presque tous les jours. Parfois, on refuse un peu. Parfois, on refuse beaucoup".
5 FEVRIER 2008
"Il n’y a toujours pas de chauffage. Le soir, il fait froid dans les chambres. Ça fait 11 jours que je suis ici. C’est la première fois que je rentre dans un centre de rétention. C’est une prison, ça rend les gens dépressifs. Moi, je ne m’alimente pas depuis 11 jours. Hier soir, les flics ont éteint la télé. Un jeune a demandé aux flics de la rallumer. La policière lui a répondu : "Va te faire enculer !" Il lui a sauté dessus. Ils se sont battus. Ils l’ont placé en isolement. On a manifesté pendant 20 minutes pour qu’il en sorte. Ils l’ont sorti de l’isolement. Aujourd’hui, il a été libéré".
8 FEVRIER 2008.
"Il y a un peu de calme. La plupart des anciens, les plus combattants ont été libérés. Il y a beaucoup de nouveaux. Il ne peuvent pas tout de suite se mettre à protester. Il faut qu’ils voient et qu’ils comprennent".
9 FEVRIER 2008
Nous appelons depuis le rassemblement devant le centre de Vincennes : "On vous entend. Nous aussi, on a manifesté à l’intérieur pour vous accompagner. Une personne a été mise en isolement. On discute de ce que l’on peut faire dans les prochains jours. Il faut que vous restiez mobilisés".
11 FEVRIER 2008
"Les gens n’ont pas le moral. Plus personne ne descend dans les salles communes. Le réfectoire et la salle télé sont vides. Les gens restent dans leur chambre. On sort s’asseoir dehors entre 14 et 16 heures quand il y a du soleil. Je suis là depuis 18 jours et je suis fatigué. J’ai envie de sortir".
12 FEVRIER 2008
"Tout a commencé vers 11H30 suite à une provocation de la police. Nous étions dans la télé. La police a éteint la télé sans rien dire, sans explication. On a demandé qu’ils la rallument. Ils n’ont pas voulu. Le ton est monté très vite. Ils ont voulu prendre une personne pour la mettre en isolement. On a empêché la police de le prendre. Ils nous ont demandé de monter dans les chambres pour le comptage, on a refusé. Alors, ils sont revenus en nombre. Ils étaient plus de 50. Ils y avaient des CRS et des policiers. Ils nous ont séparés en deux groupes puis ils nous ont tabassés dans l’escalier, dans le couloir dans les chambres. Je dirais qu’il y a cinq personnes blessées dont deux graves. L’un semble avoir le bras cassé, l’autre le nez cassé".
CORNEBARIEU : MANIF POUR LA LIBERTE
Samedi 19 janvier, j’étais présente devant le centre de rétention de Toulouse Cornebarrieu. Il y avait un appel à se rassembler devant ce lieu en solidarité avec les personnes "retenues". Retenues ? En fait, nous étions devant une prison et des gens qui y sont enfermés. Dedans, il y avait même des enfants. Ils pleuraient et criaient "Libérez-nous ! Faites-nous sortir d’ici". Ils avaient 11 et 13 ans. C’était horrible, et nous ne pouvions rien faire car ce camp est entouré de barbelés et gardé par des hommes d’armes en uniforme.
Cette situation a été pour nous tous un véritable cauchemar qui nous a rappelé les heures les plus sombres de notre histoire.
Alexia
SETE : TOUS LES DETENUS LIBERES
Tous les Sans-papiers détenus au Centre de rétention de Sète (34) ont été libérés. Non, la révolution n’a pas eu lieu, mais il y a eu une épidémie de gale. Incapables de traiter les personnes touchées et craignant une contamination pour les flics qui les surveillent, la préfecture a jugé plus prudent de libérer tout le monde. Cette épidémie en dit long sur les conditions d’hygiène dans les camps de rétention.