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Nous ne voulons pas payer pour leur crise !

Publié le 13 novembre 2008

Vous pouvez regarder les infos de la télé, lire les journaux : les luttes sociales dans le monde ne font pas la première page, ni la deuxième. Y compris dans le milieu dit militant, les négateurs sont à l’oeuvre et les défaitistes sont à leur travail. Il y a ceux qui nous promettent qu’ils ne se passera rien et ceux qui voient systématiquement la main de la CIA (ou le risque néofasciste, au choix) derrière le moindre mouvement de collégiens. Rares sont ceux qui tentent de déchiffrer, dans ce monde en plein chamboulement, les signes d’une résistance sociale.

Pourtant, ce travail est d’importance. Car le capitalisme en déroute a besoin de temps pour se refaire une santé. Pour lui, il est primordial que tous ceux qui se battent sur cette planète soient inaudibles, car rien n’est plus contagieux que l’exemple de mouvements populaires : c’est pourquoi les médias ne feront jamais ce travail d’information pour nous, ni les politiciens.

Certes, on peut déduire de la victoire annoncée d’Obama aux USA, de la montée dans les sondages de Besançenot, qu’il se passe quelque chose sur cette planète qui ressemblerait à une inflexion idéologique, mais ces éléments d’infos largement affichés dans les médias ne le sont pas pour rien. L’un comme l’autre, ces politiciens et leurs semblables, s’ils ont en commun de se présenter comme porteurs d’espoirs, sont avant tout des pions de la stratégie de la bourgeoisie qui consiste à temporiser, à nous faire nous promener d’une illusion à une autre, à éviter tout passage des masses à l’action. Et cela se comprend car...

quand les ouvriers se battent, les patrons trinquent

Depuis des mois, les USA font les gros titres de l’info. Mais, bien peu de lignes sont consacrées à la grève massive chez Boeing ! Pourtant, le géant mondial de l’aéronautique est depuis le 6 septembre à ce jour (1er novembre) paralysé par une grève votée par 87 % de ses 27 000 ouvriers mécaniciens. Le syndicat des mécaniciens, l’International association of machinists and aerospace workers (IAM) exige des augmentations salariales de 13 % sur une durée de contrat de trois ans et refuse le recours de Boeing à la sous-traitance. La direction de la firme de Chicago ne veut pas aller au-delà d’une augmentation de 11 %, sans tenir compte de primes diverses. L’IAM n’est certainement pas révolutionnaire. Mais elle n’a pas hésité à mener une grève dure. Et sa base est motivée à faire cracher le morceau au patronat. En tout cas, la grève coûte cher à Boeing, et ça, c’est déjà positif : son bénéfice est tombé au troisième trimestre à 685 millions de dollars, soit 96 cents par action, contre 1,1 milliard (1,44 dollar) un an plus tôt. Les analystes estiment que chaque jour de grève représente 100 millions de dollars de chiffre d’affaires perdus.

Autre exemple de réaction ouvrière à une pression insupportable : en Inde. Bien que ce pays soit traversé par une multitude de conflits de classe, jamais une information globale n’est donnée par nos médias. C’est à travers ce qui est présenté comme un fait divers que l’on peut apprécier la température sociale. Elle a l’air chaude. Le 22 septembre dernier le conflit social affectant une entreprise de la banlieue industrielle de New Dehli a tourné à l’émeute. Le PDG a été lynché par 200 anciens employés furieux d’avoir été licenciés et touchés dans leur dignité. Ses ex-salariés d’une filiale indienne de l’équipementier automobile italien Graziano Transmissioni India avaient été conviés par leur ancien patron à une réunion de conciliation. En fait de conciliation, le patron demandait à chacun une lettre d’excuses. Le comble de l’insolence. Furieux, les travailleurs rassemblés devant l’usine s’y sont engouffrés lorsque les grilles se sont entrouvertes pour laisser passer une voiture. La foule a détruit les automobiles stationnées dans le parking, enfoncé les vigiles et frappé le PDG. Les heurts ont fait, en tout, un mort (le patron) et une quarantaine de blessés dont vingt-trois ont été hospitalisés en soins intensifs. Rendu probablement prudent par la vigueur de la réaction, le ministère indien du travail a déclaré qu’il conseillait aux patrons de ne pas trop exaspérer leurs exploités... On ne sait jamais en effet...

et quand la vague monte, les crétins voient du calme plat

Ainsi donc d’un bout à l’autre de la terre des ouvriers se battent, passent à l’offensive, infligent à leurs chefs pleins de morgue des pertes physiques et matérielles considérables. Mais nos vieux gauchistes continuent à tenter de bercer le bon peuple sur l’air de "inutile de faire quoi que ce soit, de toute façon, c’est perdu d’avance". Ainsi, l’un d’eux écrit : "Bref, il n’y aura ni chute finale du système, ni lutte finale qui l’abattra. Après une bonne purge dans les circuits financiers, ... des restructurations dans les milieux financiers, les choses vont redevenir comme avant. L’Etat se retirera peu à peu de l’économique... vont sagement retrouver leur rôle (rappelez-vous mai 68 !)... en préparant les prochaines élections et... en attendant la prochaine crise". Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché l’intéressé d’être un pilier de ces organisations pendant des années... mais, bon, on est bien obligé de les critiquer un peu maintenant, pour tenter d’être crédible !

Bref, ce à quoi nous assistons dans ce pays, du grand silence des syndicats jusqu’aux discours les plus creux, n’est pas autre chose que la tentative de provoquer le découragement de tous ceux et celles qui, aujourd’hui, sentent que c’est le moment de porter des coups de boutoirs à un système qui trébuche. Pas de perspective de lutte ? Plus près de nous encore, en Grèce, voici, transmis par des copains de là-bas, ce qui s’est passé le 21 octobre dernier :

"La réponse de la population grecque à la crise sociale fut déjà immédiate l’année passée, de grandes manifestations ont eu lieu et beaucoup d’anarchistes y ont participés activement. Cette année la lutte continue. Le 21 octobre grève des services publics et privés, ... les transports publics ne fonctionnent que pour permettre de se rendre à la manifestation et les hôpitaux acceptent seulement des cas d’urgence. Les couches moyennes elles-mêmes se sont mises en grève le 22 octobre, sous le slogan "On ferme pour qu’ils ne nous ferment pas".La manifestation, qui a eu lieu le 21 octobre, a attiré beaucoup de monde, même les retraités, qui sont tellement touchés par la crise. La présence des lycéennes et des collégiennes sous le panneau "C’est pas les livres, c’est pas les notes, ce qu’ils nous volent c’est notre vie" était dynamique, 150 lycées et collèges sont en grève depuis le début d’octobre. Les étudiants et les ouvriers étaient également très vindicatifs. La manif commence et des anarchistes entrent dans une banque, qui normalement devait être en grève, ils font sortir tout le monde et ensuite ils détruisent les ordinateurs, l’ATM, les vitrines et ils y jettent un cocktail molotof, la réaction des jeunes qui étaient dehors, étaient assez encourageante, ils criaient contre les briseurs de grève et plusieurs d’entre eux stimulaient les anarchistes à sortir l’argent et à le distribuer".

En Italie, fait symptomatique, c’est autour de ce même mot d’ordre "Nous ne voulons pas payer leur crise", que grandit un énorme mouvement de masse, ce qui fait écrire à un internaute sur le forum de la CNT-AIT Caen : "Ce qui se passe en Italie est très important. Cela rappelle ce qui a été fait en France lors du mouvement anti CPE. Comme en France, il y a une très grosse mobilisation nationale, toutes les villes sont touchées par des mouvements, des grèves et des occupations. Il y a dans ces manifestations non seulement des étudiants et des lycéens, mais aussi des professeurs et apparemment des gens qui n’appartiennent pas à l’éducation mais sont solidaires avec ce mouvement. D’après ce que j’ai pu lire en italien, et de ce que j’ai pu comprendre, s’organisent des meetings ou des centaines d’étudiants discutent et débattent pour savoir comment développer la mobilisation. Ces assemblées ont lieu dans des endroits publics et sont ouvertes à tous. Bien sûr ce mouvement se situe dans un contexte différent de la France de 2006, à savoir qu’outre la grosse attaque qui est menée (réduction massive de financement de l’éducation, réduction massive du personnel, on parle de 87 000 suppressions de postes) il y a tout le poids de la crise financière qui s’est invitée. Beaucoup de manifestants ont scandé "Nous ne voulons pas payer la crise". La jeune génération est dans la rue, inquiète de son avenir, et il est encore plus sombre avec les perspectives de récession qui sont devant nous. Ce mouvement a été très peu médiatisé en France. En fait la bourgeoisie française a peur d’en faire la publicité et que cela réveille les souvenirs du printemps 2006. Depuis 2003 les ouvriers reprennent une dynamique mondiale de luttes ; dans le contexte de crise actuelle, ces luttes vont se développer. On est encore loin de la révolution, mais toutes ces luttes de résistance contre les mesures que vont de plus en plus prendre tous les Etats du monde sont nécessaires pour que se développe la conscience que ce système est pourri, qu’il ne peut plus rien apporter et qu’il faut le détruire."

Alors, les amis, ne baissons pas les bras. Si chacun prend ses responsabilités, non seulement nous ne payerons pas leur crise mais eux payeront pour leurs crimes. Haut les coeurs !
J.-C.