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Un commando en plein coeur de Paris...

Publié le 14 juillet 2009

Alerte ! En plein Paris,
un commando de 50
néo-nazis, crânes rasés,
tenue de combat, fait
irruption sur le marché de
la Goutte d’Or et procède
à la "Libération" (c’est le
terme qu’ils osent employer
 !) de l’espace public
"occupé" indûment par
des dizaines de sanspapiers
et les métèques qui
les soutiennent... : des femmes
frappées à coup de
barre, des enfants de trois
ans gazés en plein visage à
la lacrymo, envoyés direct à
l’hôpital,... tout cela se passe
sous l’oeil complice des CRS
qui se gardent bien d’arrêter
un seul des agresseurs.

Scandaleux ! Incroyable...mais vrai. Vrai ?

Oui, il suffit de
remplacer le mot "néo-nazi" par le
mot "cégétiste" [1] et les mots
"marché de la Goutte d’or" par
ceux de "bourse du travail".

Une fois faites ces deux modifications
sémantiques minimes (puisqu’elles
ne changent rien au fond de l’affaire),
vous avez une description exacte
de ce qui s’est passé ce 24 juin
2009. Même le mot "libération" est
exact : c’est celui du titre du communiqué
vainqueur publié par la
"Commission administrative de la
Bourse du travail de Paris :
Libération de la Bourse du Travail
de Paris". Fallait oser évoquer la
Libération... pour ce qui ressemble
plus à du nettoyage ethnique qu’à
l’entrée des chars de la Division
Leclerc dans les rues de Paris.

LES ENJEUX

Pour les politiques de droite
comme de gauche ; pour les
patrons comme pour les syndicats,
les sans-papiers sont un enjeu
important. La droite, en les maintenant
dans leur condition, alimente
le discours nationaliste et renforce
celui sur "l’identité nationale",
base de ses performances électorales
 ; la gauche (qui les a aussi maintenus
dans cette condition) se
donne une apparence humaniste
en les soutenant du bout des lèvres
quand cela semble électoralement
payant. Les patrons les exploitent à
mort, les syndicats y voient une
masse de manoeuvre à s’approprier
(et, à travers eux, tous les salariés
issus de l’immigration). On comprendra
que personne (en dehors
des principaux intéressés) n’ait intérêt
à trouver une solution.

Dans ce contexte, il y a un véritable
pacte Sarkozo-cégétiste :
pendant qu’Hortefeux expulse, la
CGT dispose d’un quasi-monopole,
accordé Sarkozy, pour les dossiers
de régularisation. Ce sont le
deux mors d’une même pince.
De tous les côtés, les sanspapiers
sont donc appelés à la soumission
 : les patrons ont les mains
libres pour les licencier à la moindre
protestation, l’Etat pour les terroriser
à petit feu par les rafles, la
CGT pour les encarter moyennant
des promesses réalisées au compt
e - g o u t t e s .
"Tous ensemble,
tous
e n s e m b l e " ,
quand il s’agit
de contrôler les
sans-papiers et
d’éviter la
révolte des
damnés de la
terre, ils sont
vraiment "tous
ensemble" !

Dans ce
m é c a n i s m e
bien huilé, il y
avait à Paris un
gros grain de
sable : la
Coordination
Sans Papiers 75
(CSP 75), qui,
pour se faire entendre du pouvoir et dénoncer le
monopole cégétiste occupait l’annexe
Varlin de la Bourse du travail
depuis le 2 mai 2008.
C’est cette opposition que la
CGT, avec la complicité unanime
des autres syndicats, de la Mairie
de Paris et du gouvernement, a
cherché à abattre en organisant
une ratonnade.

LA COUPABLE

Courageuse quand il s’agit
d’envoyer un Kommando aux
méthodes fascistes frapper des
femmes et des enfants, la CGT l’est
moins quand il s’agit de s’expliquer.
"Nous n’avons pas été avisés"
tente de faire croire, sans rire, la
direction nationale cégétiste.
D’après elle, la décision aurait été
prise au niveau départemental,
sans que la tête cégétiste nationale
soit informée. Il faudrait vraiment
mal connaître la CGT, dont le fonctionnement
stalinien est une caractéristique
forte, pour accepter un
tel bobard : rien de la moindre
importance ne se décide à la CGT
sans que la hiérarchie n’en soit
informée. La technique de défense utilisée aujourd’hui n’est pas franchement
nouvelle. C’est celle du
"mur du silence", comme au plus
beau temps du goulag (quand les
cégétistes n’en parlaient pas, puisqu’ils
n’avaient pas été informés
non plus).

Si vraiment "ils ne savaient pas",
maintenant qu’ils savent, qu’est-ce
qu’ils attendent pour dire ce qu’ils
en pensent ?
Le silence pesant de Bernard
Thibault et de toute la hiérarchie
est l’aveux le plus explicite qui soit.
On peut en conclure que non seulement
"ils savaient", mais que
c’est probablement eux qui ont
décidé. C’est donc la CGT dans
son ensemble qui porte la responsabilité
de cette exaction.

LES COMPLICES

La Bourse du travail de Paris
appartient à la Mairie. Elle est
gérée par une commission administrative
composée des organisations
syndicales suivantes : CFDT, CGT,
FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA,
Solidaires (SUD). Toutes ces organisations
ne contestent pas avoir
donné leur accord au matraquage
et gazage des sans-papiers, sauf
une : SUD qui dit... ne pas avoir été
avisé (curieux, tous ces gens qu’on
aurait "oubliés"...), et qui vendredi
26 juin 2009, s’est même fendu
d’un communiqué prétendant
que :
"Cette expulsion n’a pas été
décidée par la Commission
Administrative de la Bourse dont
fait partie Solidaires Paris." Ah !,
bon ? Mais alors pourquoi, le 5
février 2009, SUD, participant à la
Séance plénière de la dite
Commission administrative a-t-il
adopté, avec l’ensemble des complices,
un communiqué dénonçant
"Cette occupation, [qui] empêche
le fonctionnement normal des syndicats
parisiens : CGT, CFDT, FO,
CFTC, CGC, UNSA, Solidaires qui
ne peuvent plus accéder aux salles
de réunions et aux services de ce
bâtiment" et se concluant par la
menace très claire : "Dans ce
contexte, l’outil Bourse du Travail
doit redevenir disponible pour les
salariés afin qu’ils puissent se
défendre, avec leurs syndicats,
contre tous les mauvais coups.". Et
pour "redevenir" l’outil disponible
des syndicats, la Bourse n’avait
besoin que d’un bon nettoyage au
Karcher. C’était écrit depuis le 5
février, date à laquelle l’opération
militaire contre les sans-papiers
était manifestement en route. [2]

LES HYPOCRITES

Sud mal à l’aise s’en sort en
mentant, d’autres en tentant un
double jeu. Ainsi, les "élus Verts de
Paris" dénoncent une "violence
injustifiable" et le "Nouveau parti
anticapitaliste" (le fameux NPA de
Besançenot), "des méthodes brutales".
Mais, on ne peut pas dire
qu’ils en tirent les conclusions qui
s’imposent : les Verts restent dans
la majorité de la mairie de Paris,
laquelle n’a pas nié avoir prêté
main forte aux nervis,... Bref, c’est
une protestation toute platonique,
pour la façade. Comme celle de
Besançenot : ses militants sont pratiquement
tous adhérents à la CGT,
à SUD, ou à une des autres organisations
complices. On n’a pas
entendu qu’ils aient massivement
déchiré leur carte... Les trotskistes
disent une chose (dénoncer des
méthodes brutales) tout en... participant
à fond aux organisations qui
commettent ce qu’ils viennent de
dénoncer...

Ça s’appelle de la politique.
C’est pas franchement ni
anticapitaliste ni nouveau...
La remarque précédente vaut
aussi pour certains libertaires : ceux
d’Alternative libertaire, de la F.A.
ou autres groupes sont généralement
encartés dans un des syndicats
mentionnés ci-dessus ? Ça ne
les gêne pas non plus ? Ils ne voient
pas le lien ? Il faut qu’on leur
explique davantage ?
Elle vaudra aussi pour les organisations
qui prétendent soutenir
les sans-papiers et co-signeront
des textes avec la CGT.
Maintenant, elles savent !

Enfin, l’hypocrisie finale revient
à l’Etat, ce fameux Etat de Droit
que tous nous intiment de respecter.
Figurez-vous que sur le plan du
Droit justement s’il y a une chose
qui est bien interdite, c’est de se
faire justice soi-même, de faire sa
police soi-même. L’opération
Kommando de la CGT et des syndicats
était donc parfaitement illégale.
Elle tombe sous le coup
d’une foultitude d’articles du Code
pénal tous plus graves les uns que
les autres (allant du droit commun
comme des coups et blessures sur
mineur de moins de 15 ans, à la
violence en réunion et même à la
constitution de fait d’une bande
armée...).

Or, tout ceci s’est passé
sous les yeux de dizaines d’officiers
de police judiciaire qui n’ont rien
vu, rien constaté. Aucun Procureur
de la République non plus ne s’est
saisi de l’affaire pourtant devenue
de notoriété publique (ce qui leur
permet de s’en saisir, sans même
qu’une plainte soit déposée) [3].
S’il fallait une illustration qu’il y a
bien une alliance objective entre la
CGT, les autres syndicats et le pouvoir
sarkozyste, cette cécité juridico-
policière en offre une magnifique
illustration.

M.

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