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L’EXPLOITATION LOCATIVE ET SES CONSEQUENCES

Publié le 6 octobre 2012

Depuis une décennie, les conditions d’habitat des pauvres ne
fait que se détériorer. La part des loyers dans le panier des
ménages les plus précaires ne cesse d’augmenter. Globalement, il
est évalué aujourd’hui autour d’un tiers des ressources. Une proportion
énorme, qui compresse les autres postes de dépenses
éventuelles.

Les premières « économies » se
font sur les loisirs et les vacances. Or,
bien plus qu’une simple distraction,
loisirs et vacances sont, dans un monde
stressant, une condition nécessaire à
l’équilibre des adultes et au développement
des plus jeunes. Mais, quand on a
payé le loyer, il ne reste souvent que la
TV et le décervelage que sa consommation
entraîne. Sans le sou pour pouvoir
sortir de chez soi, pas d’accès à la
culture, peu de rencontres avec autrui.
Le quotidien est celui d’un enfermement
entre le boulot - pour ceux qui en
ont -, et ce modeste chez soi, si durement
payé. Mais il ne suffit pas de faire
sauter les loisirs. Les restrictions sont
nombreuses sur les autres postes budgétaires.
L’habillement par exemple.
Pas facile, surtout avec quelques adolescents
dans la famille, d’habiller tout
le monde à peu près dignement et…
sauver les apparences. Au final, le budget
consacré à la nourriture n’échappe
pas non plus à une cure d’amaigrissement,
cela dans une période où le prix
des produits basiques ne cesse d’augmenter.
Comment se nourrir
convenablement dans ces conditions ?
La question est de plus en plus fréquente
dans les ménages.

Avec des loyers qui écrasent le budget,
avec ce gouffre sans fond dans
lequel disparait un tiers du salaire, la
réaction « naturelle » - vers laquelle on
est d’ailleurs largement « poussé » -
c’est d’aller vers l’accession à la propriété.
Banques et agences sont là pour
vous indiquer qu’il est préférable de
devenir propriétaire, certes en remboursant
un « petit » crédit. Si l’idée
semble à première vue judicieuse, si
elle fait rêver (et les marchands de rêve
ne manquent jamais), il ne faut néanmoins
pas négliger quelques points.

Tout d’abord, quand on n’a pas de
patrimoine, quand on n’a qu’un salaire,
bref, quand on est pauvre et que l’on
est reçu en cette « qualité » par les
banques, on ne se voit prêter que des
sommes plutôt faibles. Vu le prix de
l’immobilier, l’achat ne pourra se faire
qu’à distance du centre ville, en général
fort loin du lieu de travail. Et là, le rêve
commence à se transformer en cauchemar.
Outre le temps perdu dans les
embouteillages, outre le « charme » des
transports publics aux heures de
pointe, le budget « transports » va
flamber. Ainsi se vérifie l’adage que,
moins l’on possède d’argent, et plus on
paye.

Et puis, il y a le crédit en lui même.
N’oublions pas que les banques ne prêtent
que parce que cela leur rapporte.
En fonction de leurs divers calculs et
prévisions, elles vous vendront le crédit
qu’elles jugeront le plus avantageux
pour elles. L’ensemble des petits
emprunteurs se trouve essoré de façon
optimale. Il entre dans le calcul des
banques une bonne part de machiavélisme.
Elles savent qu’un certain nombre
d’emprunteurs rembourseront
pendant des années et puis, qu’un jour,
ils ne pourront plus. Mais, même en
cas de non-recouvrement partiel de
leurs prêts, elles resteront bénéficiaires,
les saisies étant là pour continuer à les
engraisser. Aussi n’hésitent-elles pas à
sacrifier quelques pauvres sur l’autel de
la rentabilité. Ce sont des manoeuvres
de ce type qui ont pour parti conduit à
la « crise » que nous connaissons
actuellement, et qui aprés avoir démarré
aux Etats-Unis, embrase maintenant
l’Espagne. Pour les banques, tout va
bien, puisque encore une fois, c’est le
contribuable, donc le pauvre, qui paye
l’addition.

Revenons-en aux loyers. Pour le
payer, encore faut-il trouver un logement.
Vite dit, pas vite fait ! Pour en
trouver un, de nos jours les conditions
sont telles que, même avec un salaire
correct mais unique, un adulte ne peut
se porter garant de lui-même pour prétendre
à un contrat locatif ! Ainsi,
même après avoir travaillé, dix ans,
vingt ans à un salaire raisonnable, nous
voilà infantilisés et obligés de demander
à nos proches de se porter caution
pour nous. Et encore faut-il avoir des
proches solvables…

Delà aussi, les « solutions » type collocation.
Cela peut paraître comme sympathique…
un temps. En fait, quand
on est contraint à la collocation parce
qu’on ne peut pas faire autrement, la
restriction de liberté, l’atteinte de
l’espace intime que cela suppose
devient vite pesant.

Le coût exorbitant des loyers, les
exigences des bayeurs en termes de
caution, tout ceci explique l’augmentation
du nombre de personnes qui, en
2012, n’ont pas de toit, ont été jetées à
la rue. Selon l’INSEE, il y avait en
France en 2001 près de 86 000 SDF, on
en dénombrait en 2011 près de
133 000, soit plus une hausse de plus
de la moitié en dix ans.

Après la stupéfaction, il y a la colère,
oui la colère quand on pense aux
nombres de logements vides,
« vacants » selon la terminologie
appropriée. Toujours selon l’INSEE, il
y en aurait plus de 2 millions ! D’un
côté des personnes, des familles qui
vivent dans la rue, dans des tentes de
camping, dans des bidonvilles, de l’autre,
des logements inoccupés. Des centaines
de milliers de logements inoccupés.
Encore ces chiffres ne prennent-ils
pas en compte les bâtiments administratifs
et publics laissés à l’abandon,
les locaux industriels ou commerciaux
vides qui fleurissent un peu partout
tant dans les cœurs de nos villes que
dans leur périphérie, autant de lieux
utilisables plutôt que d’être à la rue.
Mais les propriétaires ne l’entendent
pas de cette oreille, l’Etat non plus qui
maintient le système d’une main de fer.

Face à tout cela, il devient nécessaire
de trouver des réponses collectives.
Des actions concertées et solidaires
face à l’oppression spéculative il y en a
déjà eu. Un des exemples les plus
fameux à été « la grève des loyers » en
Italie dans les années 70. Ce n’est bien
sûr qu’un exemple. Aujourd’hui, il faudrait
en inventer – ou en réinventer -
d’autres.

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