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BRIGADES INTERNATIONALES

Publié le 10 février 2013

Elles en ont fait rêver du monde, les Brigades internationales…
Encensées comme la fine fleur de l’antifascisme et de la solidarité
internationale ouvrière, leur réalité a été bien différente et bien à l’encontre
des motivations de la majorité de ceux qui s’y sont engagés.

Lorsqu’il s’engage dans les Brigades
internationales, Sygmunt Stein est un
cadre communiste aguerri, un de ces
nombreux militants qui ne vivent que
pour le « Parti ». Certes, le procès « des
16 » vient de faire sonner dans son
esprit une première note discordante [1],
mais pas assez pour remettre en cause
son stalinisme. En rejoignant ce qu’il
pense être un combat antifasciste, il
espère ressourcer son bolchevisme.
Stein ne connaît pratiquement rien de
l’Espagne et guère plus de l’anarchosyndicalisme
qui y imprègne la majeure part
des couches populaires actives. Une
telle ignorance explique des approximations,
des incompréhensions et un vide
sidéral pour tout ce qui touche à la
Révolution espagnole. Ainsi, les mots « 
collectivité » ou « socialisation » n’apparaissent
même pas. Stein est passé à côté
de la principale révolution autogestionnaire
de l’histoire sans même s’en rendre
compte. Il ignore également tout du
soulèvement populaire du 19 juillet 36
et va jusqu’à attribuer le début de la
résistance contre le franquisme au général
Miaja et aux décrets du ministère de
la Défense.

Certes, il a rencontré des anarchistes,
ils étaient vraiment trop nombreux
en Espagne pour qu’il en soit autrement.
Mais, en dehors du cas d’un anarchiste
allemand, dénommé Franz [2], il en
parle vraiment sans sympathie. Les allusions
qu’il fait à la CNT se résument
pratiquement à la gestion d’un bordel à
Barcelone et au cas d’un chauffeur de
taxi qui le laisse en plan – non sans raison
reconnaît-il – dans cette ville. Tout
juste observe-t-il que les matelots du
cargo qui le transporte sont majoritairement
de la CNT. Mais, quand il voit de
nombreux « bandeaux noir et rouge » il
les décrit comme portant « une tête de
mort » ( !!!). Manifestement, pour tout
ce qui concerne la révolution libertaire,
Stein est reparti d’Espagne comme il y
était entré : sans rien comprendre. A sa
décharge, il faut souligner qu’il n’a vécu
qu’entouré de cadres communistes et
qu’il ne parlait pas espagnol [3].
Et pourtant, pourtant, malgré ces
lacunes qui pourraient paraître rédhibitoires,
ce livre présente un intérêt
majeur. En effet, si Stein n’a pu saisir
l’essence de la situation espagnole, il a
parfaitement analysé le rôle du parti
communiste. Intellectuel marxiste,
expert en fonctionnement du parti, fondamentalement
honnête, il disposait
pour cela de toutes les « clefs » nécessaires.
Stein apporte ainsi une confirmation
irréfutable à ce que tout le monde
devrait savoir : non seulement les communistes
ont anéanti la Révolution mais
ils ont aussi, volontairement, coulé la
République. Son témoignage est d’une
force et d’une valeur exceptionnelles car
ses informations sortent du ventre
même de la bête.

Et pourtant, pourtant, malgré ces
lacunes qui pourraient paraître rédhibitoires,
ce livre présente un intérêt
majeur. En effet, si Stein n’a pu saisir
l’essence de la situation espagnole, il a
parfaitement analysé le rôle du parti
communiste. Intellectuel marxiste,
expert en fonctionnement du parti, fondamentalement
honnête, il disposait
pour cela de toutes les « clefs » nécessaires.
Stein apporte ainsi une confirmation
irréfutable à ce que tout le monde
devrait savoir : non seulement les communistes
ont anéanti la Révolution mais
ils ont aussi, volontairement, coulé la
République. Son témoignage est d’une
force et d’une valeur exceptionnelles car
ses informations sortent du ventre
même de la bête.

Stein, nous l’avons dit, a été un
cadre communiste. Il y croyait. Il aurait
probablement été un « pur et dur » s’il
n’avait eu ce que les communistes considèrent
comme une grave faiblesse : une
tendance certaine à penser par soimême.
Au départ choyé par son parti,
nommé commissaire politique, responsable
d’une section de propagande à
Albacete – centre nerveux des Brigades
internationales – il est au coeur de la
machinerie perverse mise en place par
les staliniens pour prendre le contrôle
des Brigades internationales et briser
tout élan révolutionnaire dans celles-ci
et hors de celles-ci. Et là, il voit tout.
Son témoignage est celui de sa dessillation
jour après jour. Il pointe les crimes
du parti communiste. La dénonciation
calomnieuse des meilleurs militants qui
précède de peu leur meurtre [4]. La liste
est longue. Il décrit aussi les liquidations
en masse et la conduite volontairement
désastreuse de la guerre. L’anéantissement
du bataillon Botwin en un seul
combat par exemple [5]. Et l’exploitation
politique de tout, le mensonge permanent,
le retournement de la vérité. Ainsi,
les victimes non consentantes du
bataillon Botwin deviennent-elles des
combattants mythiques (ce qui permet
de « faire cracher au bassinet » toute la
communauté juive) et le nom des militants
abattus par le parti sert à galvaniser
les foules communistes auxquelles
on annonce une mort héroïque face aux
fascistes. A quoi s’ajoutent les fausses
lettres de soutien adressées au PC par
les prétendus pères des victimes. Une
ambiance glauque. La crainte, l’anxiété
suintant de partout.

Premières victimes de cette machine
à détruire, les idéalistes venus combattre
le fascisme dans les Brigades. Ils
comprennent petit à petit qu’ils sont
englués dans un piège, qu’ils participent
à une manipulation criminelle sans précédent.
Même les petits leaders du
moment ne sont pas à l’abri. A Moscou,
il y a des procès, à Albacete, des balles
dans la nuque au fond d’une cave. A
tout moment, les purges peuvent survenir.
Elles sont méthodiquement en préparation,
les unes après les autres. Le
parti fait régner la terreur partout où il
prend le pouvoir. C’est sa méthode de
management. Exemple typique de la
brute sanguinaire un temps aux manettes
 : André Marty. L’ancien mutin de la
Mer Noire, devenu par la suite dirigeant
respectable du parti communiste français,
restera dans l’histoire pour ce qu’il
a été : le « boucher d’Albacete ».

LE BOUCHER D’ALBACETE

Son seul nom provoquait une épouvante
contagieuse dans les rangs des
Brigades. Les militants communistes les
plus aguerris tremblaient devant lui, car
cet assassin était capable de loger publiquement
une balle en plein cœur à qui
lui déplaisait ou de faire fusiller par ses
gendarmes des groupes entiers de combattants
parmi les plus valeureux. Stein
rapporte des exemples accablants. Autre
personnalité de l’époque : Dolores
Ibarruri, dite « la Pasionaria ». Si Marty
était une brute sanguinaire, Ibarruri
était avant tout une imbécile.
Pratiquement analphabète, inculte à un
point inimaginable – au point qu’elle
croyait que les Juifs avaient disparus aux
temps bibliques [6].

Autre grand mensonge dénoncé
avec vigueur par Stein : l’aide soviétique.
Stein montre que l’URSS, loin de servir
la république espagnole s’est servie d’elle.
A la fois pour les besoins de sa propagande
(une façon de contrebalancer
l’effet déplorable des procès soviétiques)
mais aussi financièrement (en
vendant fort cher aux Espagnols des
produits – militaires ou alimentaires –
totalement hors d’usage). Le lecteur
trouvera dans ces pages de multiples
exemples vécus.

A l’heure du bilan, que reste-t-il des
Brigades internationales ? Son expérience
en profondeur conduit Stein à reprend
à son compte l’analyse que fait
Franz (l’anarchiste allemand cité plus
haut) : « Je ne pense pas que ceux qui
sont venus rejoindre les brigades internationales
avaient de mauvaises intentions.
Nombre d’entre eux étaient des idéalistes
authentiques. Mais à quoi bon leur idéalisme
 ? Vous êtes tous devenus ici les
instruments des assassins les plus féroces
de l’histoire
 ».

Francesito

RÉFÉRENCES :
Sygmunt Stein, Ma guerre
d’Espagne. Brigades internationales
 : la fin d’un mythe. Traduit du
yiddish par Marina Alexeeva-
Antipov, préface de Jean-Jacques
Marie, Éditions du Seuil, mai 2012,
266 pages

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