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MOUVEMENT SOCIAL ?

Publié le 17 avril 2013

De la « Manifestation pour tous » - qui est en réalité
une manifestation contre certains – à la
balade du 5 mars contre l’ANI, on ne peut pas dire
que les revendications actuelles dans la rue soient
prometteuses d’un grand avenir. Si nous savons très
bien qu’aucun changement social ne viendra de ce
gouvernement - ni d’un autre d’ailleurs –, si nous
savons tout autant que l’agitation de la droite n’a
pour objet que d’augmenter l’oppression, nous
savons également que rien de positif n’est à attendre
des mouvements pilotés par les centrales syndicales.
Pourtant, nous avons tellement à dire… alors
ne nous en privons pas !

Commençons par les
manifestations des culsbénis,
ceux qui prétendent
qu’il faut impérativement
un papa et une maman
(mais un seul de chaque) car
deux (d’un même genre), ça
ferait trop et ça perturberait
l’Enfant (avec un grand E).
Il faut dire, à leur décharge,
que le seul cas qu’ils
connaissent (un certain
Jésus qui avait, comme tout
le monde le sait, deux papas
 [1]) a effectivement mal
tourné. Mais de là à prendre
ce cas particulier pour
une généralité… Bon, laissons-
les à leurs convictions
délirantes mais remarquons
tout de même que, gênés
aux entournures par la
débilité de leur raisonnement,
ils se sont massivement
rabattus sur une nouvelle
idée, un nouveau
credo, un nouveau slogan « 
C’est pas le mariage homo, c’est
du boulot qu’il nous faut ! » [2].
Ne voyez pas là une divine
inspiration mais bien un
sombre calcul pour tenter
de donner une surface
sociale à une revendication
.rétrograde.

Déjà, question boulot,
comme tous ces manifestants
utilisent les services
de « gens de maison », ils
pourraient commencer par
améliorer les conditions de
travail et les salaires de ce
« petit personnel ». Ensuite,
puisque le sujet les intéresse
tant, ils devraient soutenir
les chômeurs. L’histoire suivante
montre qu’ils n’ont
pas le minimum de respect
envers ces derniers. C’était
le 16 février 2013. Trois
jours auparavant, le 13, un
chômeur désespéré,
Djamal CHAAB, s’était
immolé par le feu devant un
Pôle-Emploi de Nantes. Un
drame. Le 16 février, dans
cette ville, à la fois pour lui
rendre hommage, pour
porter une revendication de
dignité et pour exiger que
les chômeurs et exclus
soient traités comme des
êtres humains, un rassemblement,
suivi d’une marche
silencieuse, était organisé.
400 personnes s’étaient
mobilisées. Le même jour,
la réaction organisait une
manif locale contre le
mariage gay. Il se trouve
que les deux cortèges ont
eu un bout de trajet en
commun, avec pour toute
séparation une rangée de
CRS. Que croyez-vous qu’il
arriva ? Une explosion de
mépris. Comme la marche
des chômeurs était silencieuse,
les traumatisés de la
famille se mirent à leur lancer
des insultes, à faire le
plus de bruit possible avec
leurs klaxons ridicules.
Quand une marcheuse
silencieuse, amie ou parente
de Djamal, s’avança vers
eux pour leur demander de
respecter leur douleur, ce
fut pire. Elle fut violemment
repoussée par les CRS
sous les quolibets des intégristes. Ils ne trouvèrent pas anormal
que la police sorte ses matraques contre
les chômeurs, eux qui ont la peau si sensible
et que le moindre coup de
matraque fait crier au meurtre.

Les 400 personnes rassemblées pour
Djamal ont dû se sentir bien seules…
Nous étions nous aussi environ 400
pour une autre manifestation, cette foisci
à Toulouse. C’était pour soutenir le
CREA (Collectif pour la réquisition
l’entraide et l’autogestion), une structure
perpétuellement soumise à des pressions
policières et à des expulsions car il
commet ce crime manifestement insupportable
dans notre société : donner un
toit (un squat) à des familles qui n’en
ont pas, à des femmes, enfants, hommes
et vieillards, qui sans cela dormiraient
dans la rue.

Quand aux « syndicalistes », ceux
qui se retrouvent régulièrement autour
des table de négociations et signent
accord sur accord avec le MEDEF, ils
n’existent que pour faire avaler l’exploitation
aux travailleurs. Comme ils
étaient contents de voir venir leur
François (pas le pape, l’autre) devant l’usine
d’Arcelor-Mittal, de le recevoir
comme le sauveur, de sortir la bouteille
de champagne lors de son élection ! Le
champagne a dû s’éventer un peu
depuis... La visite à Arcelor, c’était une
opération de communication comme
tant d’autres… pour cacher l’essentiel.
Chaque fois que les syndicats s’assoient
autour d’une table avec les patrons,
nous avons tout à craindre du résultat
de ce petit
tête-à-tête
entre amis.
Tout pourrait
se
régler très
vite entre
eux. Mais,
comme il y
a toujours
un risque
que la
contestation surgisse,
que ça
dérape, le
mieux pour
eux est de
prendre les
devants en se partageant les rôles.
Pendant que certains syndicats approuvent
directement, d’autres font mine
d’être contre et organisent la protestation
pour mieux l’étouffer. Une « grande
manifestation pour dire non à ANI
 »
est donc organisée.

L’idée est donc double. La première,
c’est que, s’il y a des travailleurs révoltés
par le scandale que constitue l’ANI, ils
viennent, ils gueulent… en étant bien
encadrés. La deuxième, c’est de ne surtout
pas faire trop de bruit, de faire
semblant de mobiliser. Aussi,pour la
« grande manifestation » du 5 mars, l’appel
ne sera même pas placardé dans les
grandes entreprises de la région…
comme ça, pas de risque de mobilisation
massive. Comme cette stratégie qui
dure depuis bien longtemps a tout de
même décrédibilisé les syndicats (se traduisant
par une chute libre du nombre
d’adhérents), diverses opérations de
redorure sont en cours. L’une d’elles,
sous le nom de Comité syndicaliste révolutionnaire,
entend regrouper « tous les militant-
e-s syndicalistes honnêtes » de la CGT
(si en plus il faut qu’ils soient critiques
envers la direction, ça va pas faire beaucoup
de monde…) et en glaner dans les
autres centrales. C’est une façon de
reprendre les même, de rebattre un peu
les cartes, de relooker l’étiquette, de
durcir le vocabulaire… pour continuer
le même type de fonctionnement avec
le même type de « résultat ».

Tout ne tourne pas rond sur cette
terre c’est sûr. Alors combien faudra-t-il
de Djamal, pour que les opprimés se
soulèvent, s’organisent par eux-mêmes
et se battent contre ces injustices de
plus en plus flagrantes que l’on peut
voir à longueur de temps ?
L’immolation est un acte extrêmement
violent, c’est la mort assurée dans d’atroces
souffrances. Ce geste de désespoir
veut dire qu’il est devenu plus
difficile de vivre que de mourir. Pour
passer un message, un message aussi
fort, tellement fort que beaucoup ne
comprendrons pas ou n’entendrons pas,
le suicide n’est pas la solution. Se battre
pour la vie, se battre pour la dignité,
transformer cette détresse en combat,
ce sont nos réponses pour le quotidien
et pour le futur. Sortons de l’isolement,
sortons de la culpabilité, rencontrons
d’autres personnes qui se battent déjà
en dehors des structures du système.
Ayons les idées claires et non sombres !

S.

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