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L’OBSCURANTISME EST TOUT SAUF RESPECTABLE/ RATIONALISME CONTRE FANATISME/ ATHÉE ET HEUREUX

Publié le 7 février 2015

  L’OBSCURANTISME EST TOUT SAUF RESPECTABLE

En 2009, à l’ occasion du bicentenaire de la naissance de Darwin, un sondage réalisé par l’institut Gallup aux États-Unis révélait que seulement 4 Américains sur 10 adhéraient à la théorie de l’évolution. En février 2014, on pouvait lire dans « Le Monde » l’information suivante : « Un quart des Américains (26 %) ignore que la Terre tourne autour du Soleil et plus de la moitié (52 %) ne sait pas que l’homme a évolué à partir d’espèces précédentes d’animaux » [1].

Cela n’est pas un hasard : aux États-Unis, la richissime fondation Templeton – et elle n’est pas la seule - mène depuis des décennies un formidable travail de confusion afin de délayer la science dans la religion. Les dossiers du CNRS indiquent que cette fondation « … distribue dans le monde entier des fonds aux projets scientifiques (astrophysique, biologie, médecine, psychologie…) qui visent au rapprochement entre « science et religion » et à une continuité entre sciences et théologie  » [2].

Un note de Wikipedia précise que son fondateur, John Templeton, «  devint milliardaire en étant un pionnier dans l’utilisation de fonds diversifiés à l’échelle mondiale. Son fonds d’investissement “Templeton Growth Ltd.”, créé en 1954, fut l’un des premiers à investir au Japon au milieu des années 1960. En 2006, il était à la 129e place dans la liste des personnes les plus riches du Sunday Times. ». En 2007, ce membre éminent de l’Eglise presbytérienne, « occupe la tête du classement des 100 personnalités les plus influentes du Time magazine dans la catégorie des pourvoyeurs d’influence » [3].

En France la fondation Templeton a soutenu l’Université Interdisciplinaire de Paris depuis 1995. L’UIP « est une reprise en mains de l’Université Européenne de Paris, elle-même anciennement Université Populaire de Paris qui organisait il y a plus de vingt ans, en des lieux luxueux, des conférences publiques sur le paranormal, la parapsychologie, l’astrologie, l’ésotérisme, etc. » [4]. L’UIP est actuellement financée - entre autres - par Assystem, Auchan, Nature et Découverte, France Télé, Salustro Reydel (Audit et Conseil) et a bénéficié de certains appuis dans les media [5].

Si cette «  Université Interdiscipli-naire de Paris » n’a plus donné de conférences depuis 2013, on retrouve sur sa page d’accueil internet des liens significatifs. Y figurent, outre la fondation Templeton, trois universités pontificales et l’université Al Akhawayn du Maroc. Cette dernière, créée grâce à la générosité de milliardaires musulmans saoudiens, fut inaugurée, également en 1995, par les défunts rois Hassan II et Abdallah (grands scientifiques et humanistes comme chacun sait ...) [6].

Devant l’avalanche de ressources financières dont bénéficient les confusionnistes, on ne s’étonnera pas qu’en 2007 de nombreux collèges, lycées ou universités, aient reçu un ouvrage intitulé « L’Atlas de la Création », qui tentait de réfuter, sur 770 pages, le darwinisme et la théorie de l’évolution. Écrit par le Turc Harun Yahya, ce luxueux ouvrage, expédié gratuitement à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires depuis la Turquie et l’Allemagne, se donne pour objectif de dénoncer « l’imposture des évolutionnistes, leurs affirmations trompeuses » et surtout « les liens occultes existant entre le darwinisme et les sanglantes idéologies telles que le fascisme et le communisme ». Pour Yahya, les théories de Charles Darwin seraient « la réelle source du terrorisme ». Voilà qui ne manque pas d’air !

Au fur et à mesure que la science avance, les religions vont de déconvenue en déconvenue. Ainsi, avant Copernic, la Terre était-elle au centre de l’univers, en toute conformité avec les croyances des trois religions dites du «  Livre » (par ordre d’apparition sur scène : judaïsme, christianisme, islam). Après Copernic, elle ne l’est plus. Avant Darwin, d’après ces mêmes croyances, l’homme est une création directe de Dieu. Après lui, il est le résultat de l’évolution. Deux révolutions intellectuelles majeures. Deux réalités insupportables pour la religion au pouvoir en Europe, qui, les deux fois ; a tenté d’écraser la connaissance en menant une propagande négationniste. Il lui fallait à tout prix, pour maintenir son pouvoir, entretenir l’illusion que l’homme occupait une place centrale dans l’univers, conformément à son « enseignement ».

Mais lorsqu’elle a voulu juger Galilée, la « Sainte église catholique romaine » (celle que manage de nos jours le pape François premier [7]) s’est condamnée au ridicule devant l’histoire. Le 24 février 1616, le Saint-Office (l’instance de l’Église chargée de dire ce que les croyants sont obligés de croire) affirme sans rire  : « La première proposition, à savoir que le soleil est le centre, et ne tourne pas autour de la terre est ridicule, absurde, fausse en théologie, et hérétique, parce qu’expressément contraire à l’Écriture Sainte… La seconde proposition, à savoir que la terre n’est pas le centre mais tourne autour du soleil, est absurde, fausse en philosophie, et, au point de vue théologique tout au moins, contraire à la vraie foi » [8]. Galilée est condamné. L’Église ne reconnaîtra quelques erreurs de sa part que... trois siècles et demi après sa mort.

Depuis, l’obscurantisme a retenu la leçon. Fort d’une explication du monde à la fois simpliste et rassurante qui peut plus facilement toucher les esprits affaiblis par les désastres du capitalisme. Sa stratégie actuelle consiste à tout faire pour tenter de rendre crédible le credo et à réduire la démarche scientifique à un « savoir parmi d’autres ».

Comme dans toute méthode moderne de management, le discours tient une place essentielle. Je cite Bruno Latour, le directeur scientifique ( !) et directeur adjoint de Sciences Po Paris. Il déclare, en mai 2014, que «  Réduire la connaissance à sa seule dimension scientifique, c’est rendre mensongers tous les autres modes de connaissances. Le droit, la politique, l’art, la religion ou... le journalisme. Il nous faut apprendre à respecter les autres modes de connaissances qui nous sont tout aussi utiles. » [9].

En fait, il s’agit de rien de moins que de reprocher à la démarche scientifique d’avoir démontré l’aberration des dogmes religieux et, fort de ce reproche, d’établir une relation d’égalité de tous les modes de connaissance, qu’ils soient vrais ou faux, vérifiables ou non… Il nous faudrait apprendre à les « respectnt énoncée, la version moderne de l’obscurantisme. Invoquer ce « respect » est une façon bien plus efficace de neutraliser la pensée critique, la démarche scientifique que de dresser des bûchers. Et, miracle du mercenariat, loin de trouver des contradicteurs en nombre pour démasquer ces sophismes, on observe au contraire un cortège inépuisable de sociologues déversant leur pseudo-savoir dans les médias pour le décliner ad nauseam.

L’OMBRE SUR LA PLANÈTE

Ces 20 dernières années ont vu de puissants financiers (et « pétroliers ») de divers pays financer un certain nombre de « cadres intellectuels » pour qu’ils propagent une œuvre systématique d’obscurcissement des esprits. Et sur ce point, chrétiens et musulmans font front commun et unissent sans scrupule leurs efforts*10. Il ne faut donc pas s’y tromper, cette ombre qui s’étend sur la planète, que d’aucuns nomment « réapparition du fait religieux » n’est pas une réponse spontanée des populations à l’oppression, à la crise mondiale et aux désastreuses conséquences du capitalisme. Elle est avant tout le produit d’une stratégie mise en place par de nombreux dirigeants économiques et politiques.

C’est pourquoi de façon diverse, elle touche tous les continents et toutes les couches sociales. Les différents contextes socio-économiques et géopolitiques ne sont pour l’obscurantisme que des opportunités différentes de se développer.

En réalité ce constat ne fait que souligner une constante historique à savoir que la relation entre Pouvoir et Religion est consubstantielle [10]. Ainsi, Gibbon dans son célèbre ouvrage “The History of the Decline and Fall of the Roman Empire” écrivait que, avant l’ère chrétienne, « Les différents cultes admis dans l’Empire étaient considérés par le peuple comme également vrais, par les philosophes comme également faux, par les magistrats comme également utiles. »

L’invocation systématique du «  respect » dans le champ des idées, et de son corollaire l’offense, est à ce titre cruciale, parce qu’elle est tout simplement antinomique avec toute pensée critique. L’abolition de cette capacité vitale de discernement conduit à rendre possible toutes sortes de relations de domination pouvant conduire aux résultats spectaculaires qui abondent dans l’actualité, de la prolifération de thèses complotistes absolument délirantes jusqu’à l’abolition du Soi mental et physique au profit d’un guide. Ce à quoi nous assistons à chaque fois c’est à une défaite de la pensée et, avec elle, à une défaite de l’humanité. C’est pourquoi il faut résister au pouvoir conjugué de l’argent et de la religion et marteler sur tous les tons que l’obscurantisme, quelle qu’en soit la forme, est tout sauf respectable.

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