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SIVENS : REFLEXIONS SUR LA LUTTE

Publié le 9 avril 2015

Pendant plus d’un an, la lutte pour la conservation de la zone humide du Testet a mobilisé des centaines de personnes , réunies tout à la fois pour refuser la destruction d’un espace naturel et la forme d’agriculture industrielle liée à ce projet.

Aujourd’hui que les « forces du désordre » ont investi le site en chassant les zadistes, que les tribunaux ont jugé et condamné opposants et manifestants (amendes pour certains, prison pour d’autres), un certain nombre de questions restent en suspens : il est donc nécessaire de procéder à une évaluation de la lutte. Parce que la lutte du Testet, comme toutes les luttes est riche d’enseignements, nous publions de larges extraits du courrier d’un lecteur qui a participé à l’intégralité de ce combat et qui, nous semble-t-il, reflète des sentiments largement ressentis :
« J’ai décidé de prendre du recul par rapport à mon engagement à Sivens… Je suis convaincu que les forces en présence (collectif Testet, collectif des Bouilles, occupants de la ZAD et voisins solidaires) ne poursuivent pas les mêmes objectifs fondamentaux mais que cela reste opaque. Peut-être n’avons-nous jamais eu les mêmes objectifs, ni sur le fond, ni sur la forme.

Tant que la forêt était debout, cela n’était pas visible (la défense de la forêt et de sa biodiversité faisant tronc commun) mais cela couvait et déjà différents clivages existaient (action légale/occupation illégale, action violente/action non violente, démocratie directe/démocratie représentative, réformateurs/radicaux). Le pouvoir a identifié ces clivages et a su en jouer. Cela a commencé le jour du barrage des enterrés [1] lorsque S. Royal a pris le dossier en mains. A ce moment- là, nous aurions dû avoir un débat sur nos clivages, réfléchir sur comment ils pouvaient ou allaient être instrumentalisés…. Mais dès lors, chaque entité a joué sa partition dans son coin et dans chaque entité, il y a eu aussi des partitions différentes, le tout masqué derrière une grande illusion groupale… Au débat s’est substitué un discours lénifiant du style : « tous différents, tous solidaires ». … Enfin, croire que dans notre lutte, il n’y avait pas de pouvoir et de courant majoritaire est un leurre.

Dans notre lutte, il s’est passé ce qui se passe en politique : les majorités invitent les minorités à la participation pour mieux les phagocyter et les faire disparaître (c’est le syndrome de l’écologie gouvernementale : un Grenelle de l’environnement à droite, une conférence pour le climat à gauche ; au total des coquilles vides)… La première des conditions pour cheminer ensemble, c’est la confiance, et la confiance est possible quand les points de vue et les actes sont clairement énoncés et visibles. Et ce ne sont pas ceux qui ont posé ces conditions qui ont divisé le mouvement, mais ceux qui sont restés dans les non-dits, le silence , l’absence ou se sont cachés derrière leur organisation pyramidale (c’est le CA qui décide). Et la coordination a été la coquille vide énoncée plus haut. La coordination n’a pas été une instance de décision ; elle a fait illusion groupale et a participé à son insu au renforcement des non-dits.

Pourquoi, par exemple, les ordre du jour étaient-ils si longs et pourquoi les débats sur la lutte en cours étaient-ils abordés à une heure si tardive, quand la salle se vidait ? J’aurais aimé qu’il y ait un débat permanent sur nos objectifs communs, les moyens à mettre en œuvre, notre stratégie, notre tactique et l’évaluation permanente de notre implication individuelle et collective. Faute d’avoir voulu faire ce travail, nous avons laissé le pouvoir mettre en place une stratégie du pourrissement. La stratégie du pourrissement employée par le pouvoir socialiste est une vieille recette et tout a été bien pensé, bien organisé, bien ficelé… Mais la stratégie du pourrissement n’a pas été cautionnée que par le pouvoir, elle avait aussi ses adeptes dans nos rangs : ceux qui souhaitaient le départ des occupants de la ZAD ; ceux qui ne souhaitaient pas une installation durable ; ceux qui ne venaient sur zone qu’en présence des journalistes ; ceux qui, quand les milices ont fait le blocus de la ZAD, ont été absents et silencieux ; tous ceux qui sur tous ces points ont été absents et silencieux.  »

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