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SIVENS, LUCIDES ET DÉTERMINÉS

Publié le 7 décembre 2015

L’opposition au barrage de Sivens a été fortement réprimée. Les violences policières ont été considérables.

Rappelons-nous des lacrymos au quotidien, des arrestations arbitraires masquées derrière le faux témoignage de forces de l’ordre. Rappelons-nous l’homicide de Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive, et des nombreuses blessures par flash-ball. Rappelons-nous la répression des manifs d’indignation suite à la mort de ce jeune, et des flics infiltrés pour faire monter la sauce de la répression sous couvert des médias aux ordres. Rappelons-nous la charge des gendarmes contre de jeunes milant(e)s pacifiques enterrés, de la grenade lancée dans une caravane pour en déloger les occupants. Rappelons-nous des milices qui ont isolé, maltraité les occupants de la zone à défendre ainsi que des habitants du gaillacois sous le regard, avec l’approbation et le soutien des gendarmes de l’Etat. Rappelons-nous ce dossier bidon, aux données falsifiées, monté de toutes pièces par la CACG, validé par l’État et le Conseil départemental. Nous ne voulons pas oublier, nous voulons la justice.

Nous voulons ne rien lâcher, pour que la responsabilité de l’État et du Conseil départemental soit reconnue. Peu importe si nous sommes marginalisés, poursuivis en justice, condamnés et même abandonnés, trahis par nos compagnons de lutte. Nous sommes lucides et déterminés.

Lucides, car il ne faut pas s’étonner  : la collaboration, pour les réformistes, est intrinsèque à leur forme de pensée et d’organisation. Comme le mariage de la carpe et du lapin est contre nature, notre coordination des acteurs de la lutte s’est donc délitée, tout d’abord, par un travail de sape et de division du pouvoir (technique habituelle du «  Diviser pour mieux régner  »).

Puis le collectif Testet et la FNE (France Nature Environnement) ont aussi délaissé la lutte juridique. Alors que des membres juridiquement compétents demandent, depuis plus d’un an, au collectif Testet et à FNE de déposer un mémoire complémentaire, comprenant des éléments nouveaux (Rapport Forray et violation par l’Etat français de la Directive 2000/60/CE du Parlement européen) afin d’obtenir en justice l’annulation des arrêtés de DUP et de DIG, pour que toute cette histoire soit déclarée illégale ; ils ne l’ont pas fait. Ils ont préféré adhérer à la «  démarche participative  » initiée habilement par la ministre de l’Environnement. Ils ont déserté la vallée du Tescou pour se poser dans les salons du Conseil départemental. Le collectif Testet serait-il borgne  ? Le leurre des enquêtes d’utilité publique, les avis négatifs des experts bafoués ne sont-ils pas des preuves suffisantes du bluff de la participation  ? Il en redemande  !

Les partis politiques et notamment le résiduel PCF, idolâtre du grand soir et du programme commun, sont tout aussi «  naïfs  ». Ami comme cochon avec Carcenac (PS), Foissac (PCF) a été l’initiateur de la «  Charte de la participation  » que le Conseil départemental a adopté le 25 février 2011. La répression à Sivens a révélé ce qu’elle était véritablement : une coquille vide. Mais cela n’est pas encore assez probant : cocu une fois, cocu cent fois.

Ce n’est pas un manque de discernement, c’est leur choix, ils savent que la démocratie dite participative n’est qu’une excroissance de la démocratie représentative : sa vaseline. Ils savent que la démocratie participative, c’est comme la croissance, c’est une croyance. Ils connaissent la dérive de notre démocratie représentative, fabrique d’une oligarchie qui se contrefout de l’intérêt des populations.

Quel est leur intérêt de collaborer avec ces oligarques ? Veulent-ils simplement être des partenaires sociaux, qui au sens étymologique du mot, veut dire ceux qui se partagent le butin  ?
Et de quel butin s’agit-il  ? La cogestion de la ressource en eau sur la vallée du Tescou  ? Quelques places d’élus ou de conseillers  ? La validation de leur EGO surdimensionné  ?

En s’asseyant à la table de négociation, et en abandonnant le terrain, les associations, syndicats et partis politiques co-gestionnaires ont accepté de faire taire leur conscience. Comment s’asseoir à la même table que Gentilhomme, Carcenac et L’herm, qui ont commandité la répression et qui portent une lourde responsabilité dans la mort d’un être humain et dans la désespérance de la jeunesse ?

Les ressources de la planète sont pour nous un bien commun. Pour l’État et les multinationales c’est un marché.

L’État bureaucratique avec ses tables rondes, ses rapports, ses messes écologiques, n’est pas l’alternative au marché. C’est son enrobage.
L’État et le marché forment un couple infernal qui structure nos sociétés et organise nos existences.

Mais la table est mise, des couverts ont été rajoutés, il suffit de trouver l’assaisonnement pour souder tout ce petit monde  : à Sivens, ce sera le projet de territoire qui sera, disent-ils, un exemple national voire européen, de concertation et de réussite.

Des coquilles vides, il y en a eu d’autres, où les mêmes acteurs de l’environnement, les mêmes politicards étaient conviés  : le «  Grenelle de l’environnement  » sous Sarkozy et probablement la COP 21 sous Hollande… Des grandes messes durant lesquelles, sous des déguisements affriolants, se négocie la poursuite de la destruction de la planète, et à la marge, des places et des subventions pour la survie des écolos et citoyennistes de salon.

En ce qui nous concerne, nous n’avons pas délégué notre émancipation, ni à ceux qui détiennent le pouvoir, ni à ceux qui veulent le conquérir. Nous mènerons notre lutte aux côtés de la population dans laquelle résident les véritables capacités d’émancipation. Pour reprendre la formule de Camus, l’important, dans certaines périodes est d’aller «  de la résistance à la révolution  ». C’est ce passage qui est à l’œuvre : nous passons d’une phase de résistance au néolibéralisme à une phase d’expérimentations, de pratiques alternatives et de luttes politiques visant à « passer à autre chose ». Et nous allons passer à autre chose sans eux.
Des participants à la lutte de Sivens

«  La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil  » René Char

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