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FAUT-IL CONTINUER A VENDRE DE L’ALCOOL DANS LES FETES DE SOUTIEN ?

Publié le 17 avril 2016

Par cet article, nous rendons publique la décision que nous avons prise sur la manière dont nous voulons affronter le processus répressif lancé en 2012 contre des compagnons pour faits de participation à la grève générale du 29 mars de cette année là et aux mouvements sociaux.

Nous aimerions que ce texte, ainsi que ceux qui viendront s’y ajouter au fur et à mesure du développement de la campagne, serve de base à un débat collectif sur la manière dont nous faisons face à la vague répressive qui touche des personnes qui, dans un contexte de conflictivité sociale, participent activement à la lutte.

En tant que personnes réprimées, nous affirmons que la seule façon de faire face à l’Etat et de mener la lutte antirépressive est de mettre en avant le contenu politique des actions pour lesquelles nous subissons la répression et de leur donner une dimension collective.

Concrètement, ce texte se centre sur le financement de la lutte par la vente d’alcool lors de fêtes de soutien destinées à couvrir les frais que génèrent les procédures judiciaires. Il ne fait pas de doute que l’alcool qui se vend dans ces fêtes remplit cette fonction.

Il en découlerait que nous ne pourrions parler d’éthique, de concordance des moyens et des fins dans le cadre d’une pratique véritablement révolutionnaire. Il semblerait que nous ne puissions questionner les fêtes et les consommations d’alcool sans passer pour des moralistes, des puritains, des ingénus ou des personnes éloignées de la réalité.

L’alcool, nous répond-on, est l’étai qui soutien le financement du mouvement. Un point c’est tout, il n’y aurait pas, actuellement, d’alternative. « Nous avons des prisonnières, des personnes persécutées, qu’on ne vienne pas, - nous disent en quelque sorte certains - nous chanter des romances puritaines, car la réalité matérielle nous oblige à continuer ainsi ».

Faut-il pour autant promouvoir le loisir aliéné, l’alcoolisation et ses dynamiques comme axe central du mouvement de solidarité ?

Pour notre part, nous doutons du caractère révolutionnaire ou transformateur de telles fêtes, entre autres raisons du fait qu’elles génèrent une dynamique aliénante et parce qu’elles sont, dans la plupart des cas, vides de tout contenu politique.

Il est certain que nous avons tous parallèlement à notre militantisme un quotidien et, bien entendu des contradictions entre ce quotidien et notre militantisme. Mais nous ne portons aucune de ces contradictions comme un drapeau et n’en faisons pas des références pour notre mouvement ! Il en va autrement avec l’alcoolisation, c’est quelque chose de tellement intégré, normalisé, socialisé, accepté du fait de sa nécessité présumée qu’il est fréquent de voir dans des quartiers ou villages des affiches politiques qui favorisent ce type de « loisir ».

Nous ne sommes ni contre le plaisir ni contre les fêtes. Nous croyons qu’il doit y avoir des espaces et des temps pour tout. Si bien il est possible parfois de réunir festivités et revendications, nous entendons aussi qu’en certaines occasions cela ne peut se faire. Dans le cas qui nous occupe ici, nous croyons qu’il y a incompatibilité et nous disons non à l’argent qui vient de la vente d’alcool. Nous ne voulons pas que notre lutte se confonde avec l’oisiveté aliénante et aliénée.

Arrivés à ce point il devient utile de poser des questions telles que : comment pourrions-nous mettre en lumière les aspects politiques d’une fête ? Comment faire la fête sans tomber dans l’alcoolisation ? Mais aussi : quel type de loisirs les mouvements sociaux et les organisations politiques qui organisent ces événements favorisent-ils ou devraient-ils favoriser ? Dans quelle mesure, les fêtes alternatives peuvent-elles prétendre encore être alternatives  ? Quelle alternative offrent-elles ?

Les « fêtes libertaires » n’ont le plus souvent pas grand-chose d’alternatif : elles n’offrent pas d’alternatives de socialisation, de consommation, de loisir… Elles ne sont pas porteuses de l’essence même de la pratique révolutionnaire, tout au contraire. Il y a beaucoup de choses qui peuvent révolutionner l’individu : la culture, la conscience, la pratique révolutionnaire… Par contre, les drogues, les loisirs aliénés endorment les consciences. C’est leur fonction. Ce sont des mécanismes de fuite (et non de confrontation), des outils de contrôle social qui entrent en collision, de plein fouet, avec les idées pour lesquelles nous luttons, pour lesquelles nous tombons.

La nécessité de réunir de l’argent qui sert d’excuse à la vente d’alcool est un argument qui tombe de lui-même ; tout simplement car il n’est pas vrai qu’il « n’y a pas d’argent » : il y en a dès qu’il s’agit de boire ! C’est sûr, pour attirer certaines personnes et augmenter les bénéfices, il est plus facile d’avoir recours à ce produit de consommation courante, de le relooker en lui collant une étiquette politique, que de travailler à renforcer une véritable solidarité autour de ceux qui luttent. C’est, d’évidence, une voie rapide ; mais ce n’est pas la seule et nous la rejetons pour cela, car nous croyons en la nécessité de créer des réseaux de soutien libres de tout alcoolisme. Toutes les dynamiques collectives et sociales sont difficiles, c’est pour cela que nous y passons du temps et de l’énergie. Mais nous savons aussi qu’il n’y a pas meilleure façon de prendre conscience, de se transformer, que la pratique, le militantisme. C’est la meilleure façon d’impulser les changements et c’est pour cela que nous avons décidé de ne pas accepter l’argent provenant de la vente d’alcool pour faire face à la répression. Nous ne voulons pas contribuer au développement de dynamiques collectives que nous croyons pernicieuses pour notre mouvement.

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