ETHNO-REGIONALISME

Publié le 17 avril 2016

A la suite de l’article « Un essentialisme méridional » (n°148), nous avons reçu plusieurs courriers. Il ne nous est matériellement pas possible de les publier tous. Par ailleurs, certains points soulevés méritant approfondissement, nous avons également sollicité des compléments. Nous poursuivrons donc, sous une forme ou une autre, le débat sur le sujet. Dans un premier temps, nous publions la contribution de compagnons landais.
Les articles du journal n°148 de février-mars 2016 ont, à nos yeux, un niveau intéressant. Les positions nous paraissent fondamentalement justes. Sur l’article concernant le régionalisme, peut-être plus centré vers les régions méridionales qu’à l’ouest, voici quelques points de vue complémentaires.
patois interdit à l’école : bonne chose ?

Le problème du patois, c’était une localisation historique de la langue pour se comprendre à l’échelle de la zone de vie (habitat et zone de déplacement possible). Et le fait que c’était la seule manière de se comprendre par les mots sur une zone définie et restreinte. Le but premier d’une langue consiste bien à se comprendre les un(e)s les autres.

L’augmentation de l’efficacité des moyens de déplacement et de communication, l’extension de la zone géographique de communication a juxtaposé des dialectes plus ou moins incompatibles à la compréhension mutuelle sur la zone géographique plus étendue. Donc, non le patois n’est pas forcément une bonne chose suite au développement de l’environnement technique et humain.

Après, à voir comment et pourquoi l’évolution des parlers est traitée par les pouvoirs. Marche naturelle des choses ou bien répressions/promotions (école, administrations,...) ?

Cause de la disparition des patois ?

Le développement progressif de véhicules, des transports, du commerce, des télécommunications ont pesé, à nos yeux, très lourd dans la disparition des patois. Et il est bien nécessaire de reconnaître que le pouvoir nationaliste institué a utilisé la répression au moyen de l’institution scolaire pour faire disparaître, dans l’école, l’usage du patois entre les jeunes générations.

Il nous faut aussi reconnaître, que, dans certaines régions, malgré tout, le patois a continué longtemps à être parlé dans les maisons, bien au-delà de l’installation du français, notamment en milieu rural, sur les marchés, dans les petites localités, les quartiers et en famille. Jusqu’à aujourd’hui, d’ailleurs dans certains coins de France.

On peut aussi constater qu’avec la mise en place de la « décentralisation émanant de l’Etat français », les nouvelles féodalités départementales et régionales, encore plus celles dirigées par les politiciens de gauche, ont fortement surfé sur les idéologies régionalistes pour renforcer leur pouvoir départemental et régional. A coup de subventions prélevées sur les contribuables.

j.m. déguignet (1834-1905),
libéré de la langue bretonne

Selon la citation en page 11 du numéro 148 d’A ! On pourrait s’amuser à caricaturer en remplaçant dans son texte, les mots « régionalistes » et «  coquins » par l’expression « nationalistes » pour se rendre compte qu’on peut transposer exactement le même raisonnement fait au niveau du territoire régional (breton ou autres) vers un raisonnement agrandi au niveau du territoire de la France entière (ou autres nations). Ce qui donne ceci :

« (...) ces nationalistes (...) travaillent (...) à parquer les exploités en s’efforçant, en recommandant à leurs sous-ordres, petits curés et petits maîtres d’écoles, de maintenir parmi les enfants, petits et grands, la langue [nationale] et les vieilles moeurs [nationales] dans ces moeurs sauvages, et tant qu’ils ne pourront lire que des livres [nationo-phones] (...) ceux-ci resteront dans l’abrutissement, dans l’avachissement et dans l’imbécilité, c’est-à-dire dans les meilleures conditions possibles pour être exploités sous toutes les coutures. » Voilà qui ne s’appliquerait plus seulement aux régionalistes.

l’imposition de la langue unique, nationale, à l’échelle d’un territoire : une bonne chose ?

Le problème d’une langue nationale comme le français ou autres, c’est aussi qu’elle constitue un outil au service du pouvoir et du nationalisme. Sur un territoire limité : le territoire national. Si la nécessité de se comprendre est résolue au niveau d’un territoire plus étendu (par rapport à celui du patois), le problème regrettable de la centralisation du pouvoir grâce à la langue et le problème louable de se comprendre au niveau de la planète, n’en sont pas pour autant résolu.

Ajoutons : est-ce que l’utilisation de la langue nationaliste anglo-américaine au sein d’organisations antiautoritaires, anarchosyndicalistes, révolutionnaires est cohérente, dans la mesure où cette langue qui s’autodéclare internationale, pour exercer son influence nationale et imposer son système économique national et son pouvoir national au monde, constitue vraiment une solution de communication anationale qui puisse repousser l’utilisation d’une langue au profit des tenants du pouvoir de décider à la place des autres ? Alors qu’il existe des solutions alternatives ayant fait leurs preuves anationales.

l’intérêt d’une langue, c’est quoi ?

C’est de se constituer en outil pour établir la communication horizontale entre tous les êtres humains. Sans que des aspirants au pouvoir n’exploitent l’outil à leur profit. Alors, comment on fait concrètement, englués que nous sommes dans l’utilisation de la langue française et anglo-américaine ? C’est-à-dire englués dans les mêmes mécanismes que les régionalistes... au niveau de la nation française, dans une dérive identitaire, au moins linguistique, par rapport à d’autres nations, dérives toute aussi dangereuse que les dérives régionalistes. Alors qu’il existe des solutions linguistiques permettant d’éviter le problème nationaliste.

Le raisonnement peut aussi être transposé à celles et ceux qui utilisent un système informatique, propriété privée de puissantes sociétés capitalistes, dotés de secrets commerciaux, alors qu’il existe des systèmes informatiques libres hors des buts lucratifs, dont le code source est ouvert et public pour éviter les entourloupes techniques.

manipulés, manipulateurs ?

Certain(e)s régionalistes qui font ce choix, le font par rejet du nationalisme institué à l’échelle d’un territoire. Soit sans se rendre compte des tenants et aboutissants (manipulé/e/s) car ils sont centrés sur la recherche d’une convivialité et d’une liberté de proximité, sans se rendre compte qu’ils vont contribuer à reconstituer à l’échelle de leur région ce qu’ils rejettent à l’échelle de la nation instituée. Soit en toute connaissance de cause (manipulateurs-trices), dans un vrai esprit nationaliste régional avec conquête du pouvoir régional indépendant (indépendantiste ou pas) du pouvoir national institué.

Le problème, chez les autres (les régionalistes), n’est donc pas aussi simpliste qu’il y paraît. Surtout si l’on se tourne un peu vers nos propres comportements d’anarchosyndicalistes.
patrimoine historique humain :

Par ailleurs, les langues anciennes, les patois, les dialectes inventés par l’humain ne possèdent-ils pas une valeur historique utile à conserver en mémoire (humaine ou autres supports) pour une meilleure compréhension de l’histoire par nous-mêmes ? Ou encore pour une compréhension par les générations futures ? Si oui, il est quand même utile de le préciser, sauf à vouloir faire table rase du passé au risque de générer l’ignorance.

24/02/2016

interco.landes@free.fr