Accueil > Société > Écologie > ENTRE IMPOSTURES ET ILLUSIONS

ENTRE IMPOSTURES ET ILLUSIONS

Publié le 27 décembre 2017

Il existe, depuis un certain nombre d’années, un intérêt palpable et croissant du public pour les conséquences écologiques et sanitaires liées à la production et à l’utilisation de molécules de synthèse (herbicides, insecticides, etc). Nous prenons maintenant conscience des répercussions universelles et catastrophiques que l’utilisation de ces produits fait peser sur l’humanité toute entière. Le progrès technologique permanent tant vanté jusqu’ici et qui a justifié qu’on lui sacrifie tout, au motif qu’il prétend être à même de trouver des solutions techniques à tous les problèmes créés, semble tout à coup avoir perdu de son attrait au point d’avoir disparu du discours dominant remplacé par le concept d’innovation – terme qui, socialement, apparaît comme moins engagé. En même temps, la désinformation s’appuie sur l’idée que le travail et la lutte contre le chômage primeraient sur tout, rendant, encore et toujours, la croissance indispensable.

L’opinion publique, bien que de façon parcellaire, se sent de plus en plus concernée et se mobilise autour des sujets sanitaires. Cette prise de conscience amène les populations à chercher plus loin pour trouver une solution et aboutira forcément à une remise en cause du système capitaliste lui même. Pour éviter d’en arriver là, les classes dirigeantes, à travers leurs serviles administrateurs, tentent de donner de l’espoir en essayant d’entrer en résonance avec les initiatives qui naissent un peu partout ; surtout si l’orientation de celles-ci est d’en appeler aux États et aux firmes pour trouver une solution. Le cas du tribunal Monsanto en est un exemple récent. C’est d’ailleurs ici que le concept d’écocide tente de prendre racine ; à côté de celui de la violation des droits humains fondamentaux. Mais comme c’est souvent le cas, en droit international, les décisions de ce tribunal ne sont pas contraignantes et, de fait, en appellent au pouvoir des États pour qu’elles soient suivies d’effets. Par ailleurs, nous pouvons, également, noter que le courant moraliste qui souffle depuis quelques années tend à créer la réceptivité nécessaire à intégrer un discours conformiste.

« L’assemblée des peuples », qui s’est tenue en parallèle de ce tribunal, a déclaré vouloir mettre en place des stratégies contre les problèmes causés par l’agriculture industrielle afin de travailler pour un développement vraiment durable. Même, le très capitaliste Nicolas Hulot a encouragé l’initiative. Ce vertueux soutien en dit long quant à la complaisance de la démarche vis-à-vis du capitalisme. L’un des objectifs déclarés du tribunal est de mettre à la disposition des populations des moyens légaux et conformes pour poursuivre les multinationales présumées coupables, selon elles, d’écocide.

Créer le crime - avec ses sanctions - dans le droit servira à sauver la face et à moraliser le capitalisme. La démarche, qui serait d’inciter les États, dans leur ensemble, à imposer des législations contraignantes, se calque sur celle de l’État de droit, lequel serait hautement moral car subordonnant la puissance publique à des règles juridiques. Nous savons, aujourd’hui, ce qu’il en est en matière d’État de droit puisqu’il se confond désormais avec l’état d’urgence permanent. Il est clair, et nous l’écrivons régulièrement dans nos articles, que les États sont, depuis toujours, à la botte du patronat et de ses intérêts – que celui-ci apparaisse, aujourd’hui, sous les noms de multinationales ou d’entreprises, cela n’y change rien.

Nous sommes bien conscients que malgré la bienveillance apparente de la démarche, celle-ci est, par nature, trompeuse. En effet, la légalité est seulement un leurre qui aidera les multinationales incriminées à s’adapter à de nouvelles règles pour mieux survivre en tant que telles ; et se consolider, au besoin, à coups de généreuses subventions de "bon" argent public. Nous ne doutons pas que le prix à payer pour la mise en conformité du capitalisme avec de nouveaux standards se traduira par la création de nouveaux marchés qui généreront, en plus de l’aggravation de la plupart de ceux qui existent déjà, d’autres problèmes. Créer le crime dans le droit est simplement l’aveu que le crime continuera d’exister mais que, à l’avenir, la morale légale veillera à punir les méchants. Le capitalisme crée les conditions qui rendent le crime possible et seule une révolution sociale est à même de créer les conditions permettant de régler les problèmes que crée le capitalisme ; et pas seulement en matière sanitaire et environnementale. Une révolution sociale est un devoir pour l’Humanité ;tous les États la craignent car elle signerait leur disparition ; mais c’est, pourtant là, et uniquement là, que réside la solution. Face aux coûts exorbitants, humains mais surtout financiers, qui se profilent à l’horizon, les dirigeants et leurs sbires prennent conscience que cela risque de les mettre dans une impasse dont ils soupçonnent qu’elle pourrait bien leur être fatale. Ils sont donc condamnés à (ré)agir pour sauver leurs privilèges. Les initiatives, telle que celle du tribunal Monsanto, devraient donc forcément finir par les séduire puisqu’elles leur permettront de consolider et de recycler leur pouvoir. Du moins, ainsi l’espèrent-ils.

Contact


Envoyer un message