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POURQUOI L’HOMME N’EST PAS UN COCHON COMME LES AUTRES

Publié le 27 décembre 2017

Indéniable succès de communication, l’expression « balance ton porc » devrait aussi nous inciter à une réflexion de fond sur le comportement sexuel et l’origine de la domination masculine. Rappelons, tout d’abord, que, en matière de sexualité, l’évolution des espèces a connu plusieurs ponctuations : la reproduction sexuée, la viviparité (c’est-à-dire le portage de l’embryon par la femelle) et enfin, ce qui distingue l’« homo sapiens » du reste du règne animal, une conscience qui lui permet d’imaginer l’avenir de sa filiation. Si nous écartons les récentes options bio-technologiques (PMA, clônage, utérus artificiel, etc.), il s’agit là de trois invariants structurels ayant pesé lourdement dans la construction du rapport homme-femme.

Les deux premiers points sont communs à de nombreuses espèces animales, mais ils impliquent, déjà, de nombreuses contraintes comportementales. Ainsi, la reproduction sexuée confère, au désir et aux caractères sexuels secondaires, des avantages sélectifs ; la viviparité interdit un partage égal des tâches, comme ce peut être le cas pour les oiseaux chez lesquels le contenu du nid offre un accès partagé, à la fois, par le mâle et par la femelle. Le dernier point constitue, quant à lui, une rupture avec l’ensemble du règne animal. En effet, homo sapiens a la capacité de se projeter dans le futur lointain ; pour lui même, certes, mais aussi pour les autres et, en particulier, pour ses enfants.

A notre connaissance, homo sapiens est le seul qui puisse imaginer, pour son « oeuf », un avenir de président de la république. Comme l’a dit Françoise Héritier, c’est le « privilège exorbitant d’enfanter » qui, dès l’origine, a constitué chez homo sapiens le cœur de l’aliénation féminine ; les mâles ayant dû engager une véritable épreuve de force pour s’assurer le contrôle de cet œuf [1]. C’est pour cela que l’homme a inventé des mythes et des traditions qui, tous, auront comme but de lui permettre de se s’approprier une fécondité à laquelle il ne participe pas. La mystification du corps humain, la soumission et l’invisibilisation de la femme, la non-mixité et la répression du désir sexuel sont autant d’éléments qui se retrouvent dans différentes civilisations. Ils contribuent à l’élaboration d’un ordre moral ayant comme objet, sur le plan politique, de contrôler les ventres, c’est-à-dire, d’une part, la nécessité de renouveler le capital humain [2] et, d’autre part, celle de garantir la « pureté du sang », celle du lignage, comme le montre ce que fut l’institution des curateurs au ventre.

L’appropriation de la fécondité, par l’homme, s’est traduite par la codification des rôles sexuels. Il s’en est suivi que, dans les sociétés humaines, c’est l’homme qui doit être actif et conquérant ; la femme, au contraire, se doit d’être passive, réservée et prude. Profitons-en pour, ici, rendre justice au cochon lequel n’est pas un « porc » puisque, comme c’est souvent le cas dans le monde animal, c’est la femelle qui est la plus active et qui, au moment de l’oestrus, exprime un comportement sexuel caractéristique, avec une augmentation de l’activité et de la nervosité, ainsi qu’une attirance particulière pour les mâles [3].

  Pouvoir et sexualité

Le spectacle des « affaires sexuelles » est une mise en lumière de l’imbrication de la sexualité et du pouvoir. L’affaire Weinstein et celles qui ont suivi impliquent les villas de la jet-set, les boudoirs des prédicateurs, les bureaux de patrons, les couloirs des grands media, les salons des politiciens.

Il est intéressant de noter qu’il n’a pas été trouvé, par les media, d’expression générale pour désigner ces violences. En effet, quand il s’agit de la rue, ils n’hésitent pas à parler de « harcèlement de rue » faisant de tout homme de la rue l’agresseur potentiel. Pour les « affaires », là, ils individualisent les cas ; ils utilisent une sémantique opposée à celles qu’ils emploient contre l’homme de la rue et ils ne parlent pas de harcèlement des puissants ou de harcèlement du pouvoir.

Toutes les célébrités mises en cause ont abusé de leur position dominante pour arriver à leurs fins avec des femmes, des hommes ou des enfants. Pourtant, ce qui a fragilisé les victimes (femmes, hommes ou enfants) dans ces affaires, c’est bien leur position de subordonnés spirituels ou sociaux par rapport à leurs prédateurs. Ce sont bien les hiérarchies qui ont favorisé ces agressions et ces viols et ce sont bien ces hiérarchies que le pouvoir, tout anti-sexiste qu’il puisse se réclamer, préserve et défend. Cela devrait, pour le moins, le rendre circonspect et dubitatif quant à son intervention pour régler les problèmes qu’il a engendrés.

Nous notons que, dans le discours du président de la république, lors de la journée contre les violences faites aux femmes, la plupart des mesures prises étaient d’ordre répressif et ne visaient que « le harcèlement de rue ». De la sorte, le pouvoir fait d’une pierre deux coups. D’un côté, il renforce le rôle passif de la femme au bénéfice de celui de l’État et, de l’autre, il estompe l’effet désastreux des « affaires ». De façon tout aussi arbitraire, la loi ne distinguera pas plus entre la trivialité et la passion. A ce sujet, certains feraient bien de se souvenir du suicide, en 1969, de Gabrielle Russier, cette jeune#enseignante de 32 ans condamnée à de la prison pour avoir eu une relation amoureuse avec un de ses élèves, jeune homme de 16 ans. Ce drame contribua à amplifier la contestation de cette morale bourgeoise et hypocrite que l’on veut nous resservir maintenant.

  Quelques pistes pour ne pas se perdre …

L’inversion des rôles sexuels chez l’humain, c’est-à-dire le passage du matriarcat au patriarcat, apparaît comme un caractère culturel acquis et transmissible de l’espèce et il a également pour conséquence d’introduire nombre de frustrations très utiles pour augmenter l’agressivité des guerriers ou bien pour créer un très rentable marché du sexe. La domination masculine et le sexisme ont des causes biologiques et des raisons politiques qui ont créé des habitudes sociologiques qui perdurent depuis l’aube du néolithique. Ce n’est pas avec des lois anti-sexistes, des associations subventionnées ou des gadgets orthographiques que nous ferons reculer le problème, si ce n’est, tout au plus, que de façon artificielle ; et encore, cela se fera au prix de l’augmentation de l’état névrotique de la population. Le combat est, donc, plus intime que cela ; il est culturel. Les progrès de la connaissance scientifique, puis les mouvements de libération de la femme pour la mixité et la libération des mœurs, ont contribué à des avancées notables de la condition féminine. Ce qui, aujourd’hui, met en péril cette difficile démarche émancipatrice, face au poids des traditions, c’est le retour en force de l’obscurantisme sous toutes ses formes ainsi que les nouveaux appels à la censure et à la non-mixité, lesquels contribuent à renforcer l’ordre moral.

Les curateurs au ventre, une institution patriarcale tombée en désuétude.

Depuis Aristote, l’homme pensait que, par sa semence, il injectait son homoncule et que le ventre de la mère n’avait qu’un rôle nourricier. A partir du XIX° siècle, les progrès de la génétique allaient changer les mentalités. Avec la découverte des gamètes et du mécanisme embryologique, la fin des peurs ancestrales autour de la procréation allaient, peu a peu, reléguer dans l’oubli l’institution des curateurs au ventre, cet édifiant exemple du contrôle de la fécondité et de sa morale. Le cas le plus connu est celui de la reine Clémence de Hongrie, veuve de Louis X, mais voici encore, dans sa forme atténuée, ce que nous pouvons lire dans un traité de droit civil de 1833 :

  • 583. Le curateur au ventre est celui qui est préposé à surveillance de la grossesse d’une femme enceinte au décès de son mari
  • 584. Si lors du décès du mari, la femme est enceinte, porte l’article 393 du code civil, il sera nommé un curateur au ventre par le conseil de famille
  • 585. La légitimité d’un enfant posthume est indépendante de l’institution du curateur au ventre, … mais dans son intérêt moral la femme enceinte doit elle même provoquer sa nomination. Par cette précaution elle préviendra les chagrins d’une malignité offensante
  • 588. Le curateur doit donc veiller à l’événement de la grossesse. Il n’a point d’autorité sur la mère. Son caractère ne lui donne pas le pouvoir de la suivre partout, de critiquer ses actions, et de lui prescrire une règle de conduite ; mais il a le droit de faire des visites à son domicile, de prendre des renseignements, d’examiner ses démarches, d’assister à l’accouchement

L’institution des curateurs au ventre disparaîtra définitivement en 1964.

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