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Etat et violence

Publié le 13 juillet 2019

Pour en finir avec le mouvement des gilets jaunes, l’état utilise des moyens répressifs totalement disproportionnés et nombreuses sont les personnes scandalisées par cette transgression des règles constitutionnelles protégeant la liberté des citoyens.

Ici, c’est une personne qui est inculpée pour avoir affiché des dessins humoristiques, là c’est un journaliste qu’on empêche d’exercer son métier, ailleurs ce sont des centaines de manifestants qui sont incarcérés, partout, des manifestations pacifiques sont violemment réprimées par la police, les blessés, amputés, éborgnés se comptent par centaines, les amendes pleuvent.
On ne peut qu’être scandalisé par un tel étalage de violences policières : comment pourrait-on les justifier ?

Pourtant, du point de vue de l’état, il n’y a rien d’anormal dans les manières policières, les forces de répression agissent - nous dit le gouvernement - dans le respect de la loi et de son point de vue, ce qui est étonnant, c’est que des gens s’étonnent ! A peu près tout le monde s’accorde pour reconnaître comme normal que l’état détienne le monopole de la violence légale et pourtant, cette idée reçue qui signifie que lui seul détient le privilège de pouvoir user de la violence sans enfreindre la loi permet tous les excès.
Les populations lui accordent ce monopole parce que sa fonction principale est de protéger la société et de lutter contre toutes les menaces intérieures ou extérieures qui pourraient mettre en danger l’ordre existant c’est à dire la propriété, les institutions et les rapports de classe et de personnes.

En clair, cela veut dire que l’état est libre d’utiliser la violence pour faire en sorte que rien ne change et il est libre de moduler à sa guise le niveau « utile » de violence en fonction de l’importance des menaces. Lui seul est à même de définir et d’identifier la menace puis de quantifier son degré.
Si les citoyens ont le sentiment qu’ils étaient plus libres autrefois qu’aujourd’hui, si ils considèrent que leurs droits fondamentaux se restreignent sans cesse, si ils se sentent surveillés, écoutés, fichés en permanence, c’est aux dires de l’état « pour leur bien », parce que les menaces pesant sur la société augmentent. Cette diminution de leurs libertés est le prix qu’ils doivent payer pour que rien ne change, pour que les riches continuent à jouir tranquillement de leur richesse et pour que les pauvres se laissent exploiter.

Alors, bien sûr, on se demande jusqu’où peuvent aller les exigences de l’état ? Quelles sont les limites ? Un simple regard sur l’histoire du XXe suffit à nous renseigner. C’est pour protéger la race aryenne que l’état nazi a exterminé des millions de juifs, slaves, tziganes et autres ennemis du régime hitlérien ; c’est pour se défendre des contre révolutionnaires que les états soviétique, chinois, nord coréens ... ont exterminé des millions de leurs compatriotes, que partout dans le monde des états ont à un moment ou l’autre emprisonné, blessé voire massacré simplement parce que l’ordre social était menacé …

Les exemples d’atrocités commises par des états pour défendre l’ordre social existant sont multiples et il n’est nul besoin d’aller bien loin : 30 000 parisiens fusillés en 1871 parce qu’ils rêvaient d’un monde plus juste, des centaines de milliers d’algériens, vietnamiens, malgaches, africains massacrés par les troupes françaises aux ordres de gouvernements républicains inventeurs par ailleurs de mesures sociales (ex la sécurité sociale) parce qu’ils ne supportaient plus le colonialisme.
Combien de grévistes, de manifestants, assassinés par les forces de l’ordre simplement parce qu’ils réclamaient plus de justice ? Et tout récemment, la France de Mitterrand a très probablement aidé à massacrer 800 000 rwandais.
L’état est prêt à tout pour remplir sa mission, faire en sorte que rien ne change, protéger l’ordre social existant et dans nos démocraties presque personne ne conteste son droit d’user et d’abuser de la force.

Cette aberration paraît naturelle et la majorité trouve normal que depuis 70 ans l’humanité soit à la merci de quelques chefs d’état qui peuvent déclencher une apocalypse nucléaire soi disant pour défendre les intérêts de leurs peuples.
N’est-il pas étonnant que des gens scandalisés parce que des forces de l’ordre utilisent des gaz lacrymogènes pour mater des manifestants acceptent sans problème que des chefs d’état disposent de ce pouvoir effrayant ? C’est que l’état fascine.
Tous les moyens sont utilisés pour le faire apparaître comme indispensable. Les pires mensonges, les plus monstrueuses falsifications de l’histoire, l’éducation, la propagande, les médias ...sont bons pour obtenir la soumission des individus, pour qu’ils pensent qu’un monde sans état est une horreur absolue.

Dès le XVIe siècle, Etienne de la Boétie a montré que le système ne perdure que parce que nous sommes y soumis, parce que nous acceptons les injonctions de l’état et donc celles de la classe dominante. Et si à la suite d’une guerre, d’une révolution ou d’une invasion, la classe dominante est remplacée par une autre, les nouveaux maîtres s’emparent de l’appareil d’état pour assurer leur domination.

Dans son roman, « 1984 », George Orwell nous parle d’un monde dans lequel un parti totalitaire occupe tous les postes de l’appareil d’état. Le parti se confond donc avec l’état et il décrit ainsi son rôle : « Le parti (l’état) ne s’occupe pas de perpétuer son sang, mais de se perpétuer lui-même. Il n’est pas important de savoir qui détient le pouvoir, pourvu que la structure hiérarchique demeure toujours la même. Les croyances, habitudes, goûts, émotions, attitudes mentales qui caractérisent notre époque, sont destinées à soutenir la mystique du parti (de l’état) et à empêcher que ne soit perçue la vraie nature de la société actuelle. »

L’état est lié à un mode de domination, l’exploitation d’une classe par une autre,il est toujours au service de la classe dominante peu importe laquelle. Il faut qu’il y ait une classe dominante pour qu’il y ait un état et il faut qu’il y ait un état pour qu’il y ait une classe dominante. Et quand, suite à un événement extraordinaire, révolution, invasion ou guerre une classe perd sa position dominante, la classe qui prend la relève reconstruit très vite un état en réinsérant les anciens fonctionnaires car eux seuls maitrisent les techniques.

Ainsi en 1918 , les bolcheviks se sont très vite emparés de l’appareil d’état tsariste pour leur profit exclusif et les mêmes fonctionnaires qui pourchassaient les ennemis du tsar ont persécuté avec la même conscience professionnelle les ennemis des bolcheviks. Et avec le cynisme qui le caractérisait, Staline accusat Trotsky de trahison parce qu’il avait nommé à la tête de l’armée rouge des anciens officiers tsaristes. À en croire les défenseurs de l’état, les atteintes aux droits de l’homme et autres violations des droits des personnes seraient le fait de certaines catégories d’état : états totalitaires, dictatoriaux, non-démocratiques ou autoritaires.

Si l’on doit reconnaître que les états démocratiques font généralement preuve de retenue quand il s’agit de réprimer des mouvements d’humeur de leurs citoyens, (cette retenue est parfois très relative), dés qu’il s’agit de lutter contre des menaces exogènes, ces états affichent leur vraie nature et si l’on fait le bilan comparatif des exactions commises par les phares de la démocratie, France, Grande-Bretagne, États-Unis, Allemagne non hitlérienne depuis 1850 , il n’est pas certain que les crimes des états totalitaires ou dictatoriaux (Allemagne nazie, Italie fasciste, URSS , Chine maoïste, etc) soient en qualité ou quantité largement inférieurs.

Par ailleurs, tous les états -quels que soient les qualificatifs qu’on leur accole- sont mus par le même ressort qui est de croître sans cesse, d’être toujours plus grand, plus riche, plus puissant. C’est pour satisfaire cette volonté de puissance, sous le prétexte égoïste de la défense des intérêts de ses citoyens que tout état -du plus petit au plus grand- cherche sans cesse à augmenter son poids démographique, sa puissance militaire, ses forces économiques et commerciales. Et c’est bien parce qu’ils ont tous la même ambition, que les états se retrouvent parfois ennemis les uns des autres, même quand ils sont alliés concurrents. C’est cette logique infernale, parce qu’ils ne veulent pas risquer d’être distancés par leurs ennemis ou leurs alliés, qui rend si difficile tout accord international même lorsque la survie de l’humanité est en jeu.

La puissance d’un état se mesure à la force de ses armées, à l’importance de ses industries, à la force de son agriculture. Renoncer à la fabrication et à la vente d’armements, à l’utilisation de produits destructeurs de l’environnement, à la croissance démographique, à la course à la productivité, à tout ce qui participe de la puissance militaire et économique de l’état, c’est prendre le risque que des états concurrents ou ennemis vous dépassent, c’est mettre un bémol aux fiertés nationalistes, c’est proprement nier l’état.

Tant pis si le prix à payer est la destruction de la biodiversité, le changement climatique, l’épuisement des ressources et finalement la mise en danger de tous les équilibres du vivant. Pour assurer sa fonction l’état, ce monstre froid, n’a jamais hésité à recourir aux pires ignominies. Qu’importe pour lui la disparition de larges pans de l’humanité si à la fin, le modèle de domination auquel il est étroitement lié subsiste.

En résumé, l’état a une fonction : protéger l’ordre social existant contre toutes les menaces intérieures ou extérieures, réelles ou imaginaires. Pour qu’il puisse remplir cette fonction, les populations lui concèdent le monopole de la violence légale. Sa fonction consiste d’abord à identifier les menaces et à les qualifier : c’est lui seul qui détermine les ennemis ou les amis et les désigne comme tels aux populations et ensuite à déterminer les moyens et le niveau de violence adaptés pour répondre. Les peuples mettent à sa disposition une large panoplie d’instruments qui va de la simple contravention jusqu’à l’arme nucléaire. Étant d’abord au service du maintien d’un ordre social et de la domination d’une classe, l’état va définir comme une menace tout ce qui s’oppose à cette classe. L’histoire montre que tout état -même le plus démocratique - peut ,lorsque les circonstances l’exigent, devenir un bourreau.
Les populations sont donc folles de se soumettre à ses diktats. Tous les humains qui aspirent à une vie libre, à une société égalitaire et démocratique n’ont pas d’autre possibilité que de détruire Ce monstre.

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