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Un Autre Futur n°165

Publié le 8 décembre 2019

  LES ÉLECTIONS CONTRE LES MOUVEMENTS SOCIAUX

ILS ONT VOTÉ ET PUIS APRÈS ? « CHANTE LE POÈTE QUI OUVRE SON RÉEL EN QUESTIONNANT L’AVENIR.

Si l’on en croit l’écrivain Beaumarchais, en France, tout se termine toujours par
des chansons. Il semblerait que la mise en chanson des drames les plus affreux, des
injustices les plus flagrantes, des crimes les plus terribles suffise à rendre les choses beaucoup plus acceptables. La chanson permet de rire de tout, du gouvernement, des patrons, des puissants en général et elle rend supportable l’insupportable. Une
chanson et hop ! on repart comme si de rien n’était.

Car en fait, après la chanson, bien sûr rien n’a changé, riche ou pauvre, dominant ou dominé, chacun reste à sa place. À y bien regarder, les élections jouent le même rôle et il n’est pas absurde de dire « en France, tout se termine toujours par des élections ». Pour ne citer qu’un exemple, en mai 1968, des millions de personnes, travailleurs, retraités, étudiants sont sortis dans la rue pour dire leur refus d’une société inégalitaire et injuste, pour signifier à tous les pouvoirs en place leur désir de justice, d’équité, de démocratie. Grèves massives, manifestations, occupations d’usines, d’universités, etc., etc. toute la France était en mouvement ; partout les classes populaires affirmaient leur volonté de reprendre leurs affaires en main, de ne
plus laisser à une minuscule minorité de possédants ou d’élus le pouvoir de décider.
La nécessité d’en finir avec un système absurde, inégalitaire et injuste était partagée
par la majorité. Les expressions démocratie directe, autogestion, action directe étaient passées dans le langage courant.

Travailleurs, retraités, chômeurs ou étudiants aspiraient à une véritable démocratie, c’est-à-dire à décider par eux même et à agir par eux même. Épouvantés par la puissance et l’énergie de ce mouvement démocratique, patrons et gouvernement acceptaient de lâcher quelques concessions et pour tuer définitivement les aspirations à une vie libre organisaient des élections. La perspective de n’avoir plus pour décharger sa rage qu’à déposer un bulletin dans une urne et l’idée largement répandue par tous les partis que les élections suffiraient pour transformer le système tuèrent le mouvement. Tout rentra dans l’ordre. On connaît la
suite.

Depuis 1968, rien n’a changé, c’est toujours la même minuscule minorité de possédants et d’élus qui décide en fonction de ses intérêts exclusifs ; le monde est devenu encore plus inégalitaire, injuste et absurde. Depuis 1 an les gilets jaunes par
toutes leurs actions affichent la même volonté d’en finir avec ce système. C’est la
même volonté d’être seuls décideurs et acteurs, d’exister enfin qui anime tous ceux
qui se reconnaissent dans ce mouvement. Et la peur que ce mouvement suscite chez
tous les tenants actuels de l’ordre établi est identique à celle que les manifestants
de 1968 inspiraient.

Comme en 1968 faces à ce mouvement, l’État développe une politique de répression active de plus en plus violente (le niveau de la répression est fonction du niveau de la peur éprouvée par les dirigeants), mais en même temps, il cède sur certains points, accorde à certaines catégories des avantages, divise, usurpe le mot « démocratie », d’élections. Ne manifestez plus, exprimez-vous dans les urnes, faites confiance à vos élus, est un discours largement repris par tous les médias. Et les partis en rajoutent qui veulent convertir en bulletins de vote l’énergie de la rue en promettant des demains enchanteurs.

Mais les faits sont là ! En 1 an, les gilets jaunes ont gagné plus que les syndicats ou les partis en 20 ans. Et c’est bien parce que le gouvernement a peur du mouvement populaire, peur de l’action directe des travailleurs qu’il tergiverse sur la réforme des retraites, qu’il commence à lâcher sur les hôpitaux, etc., etc.

La leçon est très claire, ne faisons confiance qu’à nous même, refusons de confier
à des élus le soin de défendre nos intérêts.

Tout pouvoir corrompt. Seule l’action directe décidée en assemblée peut faire reculer le pouvoir.

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