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Bienvenue dans le siècle des catastrophes

Publié le 16 mai 2020

La pandémie actuelle constitue pour nos sociétés un choc d’une violence extraordinaire qui remet en cause bien des certitudes. Les grandes crises (guerres, famines, épidémies…) ont en commun cette caractéristique qu ’elles dévoilent aux yeux de tous la vraie nature des sociétés qu’elles touchent. Les montagnes d’hypocrisie, de mensonges,de fausse morale qui en temps normal servent à masquer ou à rendre supportable par le plus grand nombre les injustices, les inégalités et la violence crue de la société d’un seul coup s’effondrent, pour laisser la place à de nouveaux paradigmes .

Alors, les pouvoirs en place, étatiques, financiers ou religieux pour que rien ne change, pour que leur statut de dominant ne soit surtout pas remis en cause sont amenés à renouveler leurs discours et à faire la danse du ventre pour que les foules ne voient pas ce qui est à nu. De Pékin à Paris, de Londres à Washington, partout les gouvernements, démocratiques ou autoritaires nous jouent la même partition mensongère et se donnent le rôle de sauveurs des populations, de protecteurs face au fléau naturel. Ils veulent ainsi faire oublier que c’est leur idéologie, leur manque d’anticipation, leur aveuglement qui ont permis à la pandémie de se développer .

Ainsi, douze scientifiques ont affirmé dans une étude parue le 13 mars : « si les initiatives non pharmaceutiques (distanciation sociale donc uniquement) avaient pu être menées une, deux ou trois semaines plus tôt en Chine, le nombre de cas aurait pu être diminué de 66 %, 86 % et 95 % respectivement » journal le Monde du 7avril 2020. En France, personne ne peut sérieusement douter que les mêmes mesures appliquées très tôt (avant même l’apparition des premiers cas , car nul ne pouvait douter, compte tenu de l’importance des mouvements de personnes que la maladie allait arriver ) auraient eu des effets identiques.

Tous les épidémiologistes sont d’accord sur ce point, en matière d’épidémie comme à la guerre, il faut réagir très vite. Plus vite on prend des mesures de distanciation sociale, plus on limite les développements futurs de la maladie mais nos gouvernants ont pris dans un premier temps les choses à la légère et n’ont même pas informé le public des simples gestes salvateurs : s’écarter les uns des autres, ne plus s’embrasser ni se serrer les mains, se laver souvent les mains avec du gel hydro-alcoolique, éviter les rassemblements .

La mise en œuvre de ces simples mesures de bon-sens en temps voulu aurait suffi à sauver de très nombreuses vies. Celà est d’autant plus vrai que dés que les populations ont été informées de l’intérêt de suivre ces consignes, elles ont montré un sens civique remarquable. Nul besoin donc de les accompagner de mesures répressives. Le plus horrible est que le coût économique de ces mesures est faible et pourtant c’est uniquement cet aspect économique qui a motivé les hésitations du gouvernement et les retards dans les annonces.

Préserver l’activité économique (tourisme, voyages d’affaire, spectacles, manifestations sportives et religieuses) a été le souci premier du gouvernement, la santé des populations venant après. Et c’est bien aussi ce souci « d’efficacité économique » qui a depuis des années amené les gouvernements successifs à sacrifier le système public de santé. Les manques de personnel , de lits d’hôpitaux, de respirateurs, de masques, de gel hydro-alcoolique etc etc sont apparus au grand jour et ont entraînés des drames , des décès parmi les patients et les personnels soignants. Dans les EHPAD, les mêmes manques ont eu les mêmes conséquences.

La France a découvert d’un seul coup que malgré qu’elle soit la sixième puissance économique du monde, elle était incapable de fournir des masques en papier, des blouses ou du gel hydroalcoolique à ses personnels de santé, que pire encore si elle possède des industries d’armement très pointues et appréciées des militaires étrangers (la France est le troisième vendeur d’armes dans le monde) elle n’a pas les outils industriels pour fabriquer les matériels très simples nécessaires pour protéger sa population (tests, thermomètres électroniques etc). Tous ces faits qui ne sont que les conséquences irréfutables d’un système basé exclusivement sur la recherche du profit sont aujourd’hui visibles par tous et même les plus farouches partisans du libéralisme ne peuvent les nier.

Alors pour faire oublier ses errements, mr Macron a pris son air le plus martial pour déclarer la guerre au virus. Rien de nouveau, en période de crise tous les gouvernants pour faire avaler au peuple la pilule des difficultés à venir jouent la même comédie. Confinement obligatoire, interdiction de sortir de chez soi sans une attestation, fermeture des marchés,des magasins non alimentaires, des parcs et des jardins publics, arrêt de la plupart des activités économiques. Les ordonnances du chef de guerre Macron, assorties de sanctions impitoyables en cas de non-respect par des contrevenants (les médias les présentent comme responsables de la prolongation du confinement !!!) ne font qu’ajouter de la violence à la violence de l’épidémie.

Pendant les guerres, c’est bien connu, ce sont d’abord les plus fragiles, les plus pauvres les plus précaires qui trinquent. Confiné dans un petit appartement , ce n’est pas la même chose que de l’être dans une villa avec jardin, de même l’arrêt d’une entreprise sera vécu différemment selon qu’on est patron, cadre, employé ou travailleur intérimaire, la fermeture des écoles et des cantines aura des conséquences très différentes pour les enfants de cadres ou de chômeurs, la fermeture d’un marché de plein vent enchantera le directeur d’une grande surface (leur chiffre d’affaire s’est beaucoup accru) et désespérera les petits producteurs qui n’arriveront plus à vendre leur production. On peut multiplier les exemples.

Les mesures de confinement sont ressenties comme une punition violente par les plus déshérités qui vont avoir encore plus de mal à subvenir à leurs besoins essentiels, elles constituent une simple gène pour les foyers aisés qui seront simplement privés de loisirs. Pour les pouvoirs en place, cette pandémie et les mesures de confinement qui vont avec ont été une formidable opportunité pour étouffer (provisoirement espérons-le) la vague mondiale de contestation qui montait . Depuis quelques années partout dans le monde, (Chine, Équateur, Chili, Algérie, France etc etc...) des mouvements populaires pour réclamer plus de justice, plus d’égalité, moins de corruption se développaient et constituaient du point de vue des pouvoirs de dangereux exemples. Cette pandémie a réalisé ce que ni la répression policière, ni la violence étatique, ni les manœuvres des organisations syndicales n’avaient pu obtenir : la fin des révoltes.

Encore une fois, le système montre sa résilience et sa capacité à rebondir en utilisant à son profit n’importe quelle opportunité. Si les états ont l’habitude d’instiller la peur pour obtenir la soumission des populations, c’est la première fois qu’ils instrumentalisent la peur suscitée par un fléau naturel à une aussi grande échelle. Cette méthode s’est révélée beaucoup plus efficace pour obtenir la paix sociale que les méthodes policières habituelles. Nul doute que nos dirigeants sauront s’en souvenir et qu’ils en tireront les leçons.

Puisque nous allons rentrer dans une période où les crises sanitaires, climatiques, écologiques etc causées par la nature prédatrice du système vont se succéder, la vérification que les populations sont assez soumises pour subir sans protester un régime autoritaire, quasiment totalitaire de confinement n’a pas de prix. La menace d’un confinement décidé par l’état pour des raisons supérieures plane désormais sur nos têtes : le vingt et unième siècle commence, bienvenue dans le siècle des catastrophes . Qu’importe donc, que le coût de cet épisode soit au final en termes économiques incroyablement élevé ; les classes exploitées payeront la note, nul doute que les gestionnaires des relations sociales sauront trouver les arguments pour leur faire accepter la dégradation de leurs conditions de travail et de vie, les impôts supplémentaires etc Il ne reste plus à tous les amoureux de la liberté qu’à tirer les leçons de cet épisode et à trouver dans cette violence subie l’énergie nécessaire pour développer un vrai mouvement de résistance populaire.

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