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Les élections passent, les problèmes restent … le parlementarisme est une farce tragique

Publié le 7 octobre

Le récent spectacle donné à l’occasion de la dissolution du Parlement vient de nouveau éclairer ce que les anarchistes – et donc les anarchosyndicalistes – répètent depuis plus de 175 ans : les élections passent, les problèmes restent. L’amère expérience de Proudhon, élu à l’assemblée de 1848, servit de vaccination initiale : il se rendit compte que le Parlement, loin d’être un instrument pour porter la parole de la révolte populaire, était en fait un instrument destiné à étouffer toute tentative de rupture avec l’Ordre établi. Depuis, chaque élection agit pour les anarchistes comme une piqûre de rappel.

Il faut dire que dernièrement, nous avons été particulièrement gâtés dans ce domaine : c’est un festival permanent depuis le fameux référendum de 2005 où le non l’avait emporté, mais dont le gouvernement jugea que le peuple avait mal voté... On ne peut qu’être admiratif de l’ingéniosité des serviteurs de l’État, et dont Macron n’est que l’avatar du moment - en la matière : ils ont l’art de faire et défaire les règles électorales, toujours dans le but que le Pouvoir reste entre les mains de la bourgeoisie et des capitalistes. Le scandale de la situation en Nouvelle-Calédonie en est un autre exemple flagrant : pour calmer les légitimes aspirations à la liberté des kanaks, l’État avait conclu en 1988 un « deal » avec les partis politiques représentants les deux communautés insulaires, qui excluait une partie de la population de l’île du sacro-saint « droite de vote » — pourtant la liberté absolue selon nos « démocrates parlementaires ». Pour paraphraser Churchill, l’État ne croit qu’aux élections dont il a falsifié le résultat.

Ce pacte a amené une stabilité politique et donc économique qui a profité à toute la bourgeoisie néo-calédonienne, qu’elle soit Kanak ou Caldoche. Mais pendant ce temps, la situation des habitants les plus pauvres n’a fait que perdurer. On leur a fait alors miroiter la promesse que l’indépendance nationale allait résoudre comme par magie les problèmes sociaux, qui ont cependant pour origine la division en classes sociales. Mais l’État, se ravisant que vue l’évolution démographique de l’île, le résultat des prochains élections risquait de ne pas être celui que souhaitait la bourgeoisie locale ou métropolitaine, finalement la règle fut changée brutalement et sans prévenir. Les rêves de liberté et d’émancipation des kanas se sont brisés sur la barrière du parlementarisme et de la « représentativité », qui in fine aboutit toujours à ce que l’État use et abuse du monopole de la violence dont il jouit.

Mais ces tours de magie électoraux ne sont pas une spécificité franco-française. C’est au contraire une pratique répandue dans tous les pays, et parmi tous les types de régimes politiques. Ainsi, ces derniers mois, nous avons eu le droit aux élections présidentielles en Algérie dont même le président élu a estimé qu’elles avaient été truquées !!! Le spectacle des élections en Russie aussi a été brillant : Poutine réélu avec 89% des voix de 77% de votants… Il est vrai que les déserteurs ne votaient pas, pas plus que les pacifistes ou antimilitaristes qui, comme Azat Miftakhov pourrissent dans les prisons et les camps de travail sibériens. On a même vu Kim Jung Un, le monarque communiste de Corée du Nord, aller déposer son petit bulletin dans une urne dont, comme par magie, là aussi, son parti est sorti vainqueur à 99,9 % ! L’élection présidentielle qui s’annonce en Tunisie ne sera pas en reste : Kaïs Saïed est en passe de devenir le nouveau Bel Ali, ruinant les quelques acquis du Printemps Arabe qui avait fait souffler un vent de liberté sur le monde entier. Le spectacle des élections américaines promet aussi d’être « grandiose » : pendant que chacun des camps va s’affronter à coup de shows et de spots publicitaires sur les télés et réseaux sociaux, cramant des centaines de millions de dollars dans la campagne électorale, des millions d’Américains vont continuer de crever du fait du trafic de drogue ou d’armes à feu, et d’un système de santé qui n’est accessible qu’aux riches.

Certes, si on revient en France, les partis politiques de toute nature sentent bien le vent de la colère qui grandit : tous, sans exception, disent qu’ils ont entendu, qu’ils ont changé, qu’ils vont porter une politique de rupture. Tous les partis qui ont exercé le pouvoir depuis 80 ans (de LFI aux Républicains en passant par les Verts, le Modem ou les macronistes) – et qui ont donc une responsabilité écrasante dans la situation de naufrage général – le promettent la main sur le cœur : ce qu’ils n’ont pas été capables de faire hier, ils le feront demain. Quant à ceux qui n’ont jamais exercé le pouvoir, le Rassemblement National, ils jurent qu’ils mettront en place une politique différente. En attendant, ils n’ont pas attendu d’être au pouvoir pour retourner leur veste sur un certain nombre de sujets majeurs (sortie de l’UE et de l’Euro, nucléaire, …), montrant ainsi la confiance qu’on peut leur accorder… La seule chose sur laquelle on peut faire confiance au RN pour respecter sa parole, c’est sur l’application d’une politique encore plus xénophobe et anti-sociale que celle qui est déjà en vigueur.

Devant ce spectacle affligeant, il n’est pas rare d’entendre des amis, des familiers, des collègues se demander à quoi sert d’aller voter. En effet, la question fait sens. Mais il ne faudrait pas que la réponse soit celle d’une résignation ou pire d’une aspiration à un système politique autoritaire et policier. Il nous revient à nous, anarchistes, de rappeler que si les élections passent sans rien changer aux problèmes, seule une révolution sociale et libertaire permettra la réelle rupture avec le système de l’argent et de l’État. Mais cette révolution que nous appelons de nos vœux ne surgira pas spontanément. Et cela commence par un engagement déjà à titre individuel, celui de refuser de participer au spectacle affligeant du parlementarisme. Puis à titre collectif de se regrouper pour organiser la résistance populaire autonome.