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Une soirée électorale peu ordinaire

Publié le 10 juillet 2007

Dimanche 6 mai, 19h40 à la Reynerie (Toulouse) : 20 minutes avant la proclamation des résultats des élections, rue de Kiev, deux voitures sont incendiées. Il est vrai que des policiers n’avaient pas attendu l’heure officielle pour fêter l’élection de leur ancien patron en paradant dans le quartier avec des affiches de ce dernier, en ponctuant leur passage devant les habitants du quartier de "gestes amicaux" (bras d’honneur et autres gestes de bon goût).

Cet incendie n’allait pas rester isolé. Toute la soirée, des manifestations spontanées allaient éclater dans plusieurs villes de France. A Toulouse-centre, 1 500 à 3 000 personnes, rassemblées au Capitole, après avoir brûlé des drapeaux tricolores décrochés du fronton de la mairie par quelques alpinistes iconoclastes, décidèrent d’aller dire aux suppôts du nouveau pouvoir tout le bien qu’ils pensaient d’eux. Le cortège fut stoppé peu avant le local de l’UMP sur les allées Jean Jaurès où les premières barricades apparurent. Jusque tard dans la nuit, plusieurs centaines de manifestants s’affrontèrent avec la police, et quelques vitrines de banques eurent à souffrir du passage d’un cortège qui su rester longtemps soudé malgré les lacrymogènes. Mais le centre ville ne fut pas le seul lieu à connaître ce que les médias appellent "des incidents". Ils n’ont d’ail-leurs relaté que fort tard ces événements (il ne fallait pas gâcher la fête officielle !) alors que dans la plupart des quartiers de la ville rose, des révoltés ont laissé éclater leur colère à en donner le tournis aux hélicoptères de la gendarmerie et aux camions de pompiers : affrontements avec la police à 20 h 30 à la Reynerie alors qu’au même moment des voitures en feu étaient signalées à Empalot, dans le quartier de la Gloire et rue du Lot (quartier Bagatelle). Lorsque le calme fut revenu à 21 heures à la Reynerie, ce fut au tour du quartier voisin de Bellefontaine de connaître des "incidents". Deux voitures appartenant à des personnes gérant le bureau de vote ont été incendiées dans la cour de l’école du Recteur Dottin.

Dans les autres villes de France, des situations d’émeutes comparables ont eu lieu : A Lyon, 3 000 personnes ont sillonné les rues du centre-ville et les CRS ont mis plus d’une heure pour récupérer le contrôle de la place. A Lille, quelques centaines de manifestants se sont rassemblés en début de soirée sur la Grand-Place aux cris de "Sarko facho, le peuple aura ta peau". Les manifestants firent face à des policiers et il y eut quelques jets de canettes et de poubelles. Dans le quartier populaire de Lille-Sud, les pompiers effectuèrent une vingtaine d’interventions essentiellement pour des feux de voitures et de mobilier urbain. A Roubaix, les pompiers ont du intervenir également une vingtaine de fois pour des feux de mobilier urbain ou de véhicules. A Caen, le plus fort de la manifestation regroupa 2 000 personnes. Des slogans tels que : "Résistance !" ou "Sarko facho, le peuple aura ta peau !" et d’autres... La manifestation se termina par une mini-émeute dans le centre ville. En région parisienne, alors que les médias se sont focalisés sur la Bastille - haut lieu de rassemblement de la gauche - des gens ont manifesté leur colère dans plusieurs villes de banlieue : à Sevran, au Blanc-Mesnil, à Aulnay-sous-Bois, à Villepinte ou encore aux Mureaux, à Argenteuil ou à Cergy. Plusieurs véhicules furent incendiés à Rueil-Malmaison et à Nanterre, dans le département du président fraîchement élu. Enfin, Bordeaux, Strasbourg, Montpellier ne furent pas en reste... Tout citer deviendrait fastidieux. En tout cas, selon le nouveau baromètre médiatico-politique, le nombre de voitures brûlées a dépassé la normale : la soirée a été chaude !

Bien sûr, l’ensemble de la classe politique a condamné ces "violences" et celles des jours qui ont suivi (pour Toulouse essentiellement dans les quartiers populaires) comme étant des atteintes au suffrage universel. Encore une fois ils n’ont pas voulu voir que ces manifestations sortaient des tripes, ne répondaient à aucun mot d’ordre, qu’elles n’étaient encadrées par aucune organisation, fut-elle anarchiste. Comme l’écrivait un compagnon de Caen, il y a plusieurs choses intéressantes dans ces manifestations : la fête de l’UMP a été gâchée ; de nombreux individus n’ont pas voulu entendre les sempiternels discours de la gauche et de la gauche de la gauche ; un sentiment diffus du rejet du système s’est manifesté. Ces réactions spontanées, même si elles sont encore sporadiques, sont encourageantes pour l’avenir, car elles sont le signe qu’une partie de la population refuse de se résigner au pire malgré le discours citoyenniste rabâché à longueur de journée par les médias ou dans les écoles...

Ce type de mouvement - comme celui des banlieues, du CPE, d’Airbus à St Nazaire, Nantes, Toulouse... - à la fois spontané et homogène, peut laisser espérer qu’un processus profond de lutte sociale, fait de hauts et de bas, de périodes de découragement et d’autres dl’emballement, est inéluctablement engagé en France. Les Assemblées populaires, apparues à cette occasion, en sont une des expressions.

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