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Bike Systems GmbH : Les travailleurs lancent le "Vélo-Grève" et enclenchent la vitesse de l’autogestion !

Publié le 11 novembre 2007

Les 135 travailleurs de l’usine de fabrication de vélo Bike Systems GmbH (province de Thuringe Nordhausen) occupent leur usine depuis le 10 juillet 2007. Ils veulent ainsi empêcher le démantèlement définitif et la vente de l’usine, dont la mise en faillite a été déclarée le 10 août. Ils ont décidé de reprendre partiellement la production en autogestion, pour démontrer la capacité des ouvriers à produire, sans chef. Pour démarrer, ils avaient besoin d’une commande de 1 800 vélos avant le 2 octobre. Aussi, en collaboration avec les anarchosyndicalistes de la FAU (section allemande de l’AIT), les travailleurs ont-ils lancé un appel à la solidarité, relayé en France par la CNT-AIT.

Donc, depuis le 10 juillet, le personnel occupe les trois sites de l’usine du sud des montagnes du Hars. L’usine fonctionne au ralenti, les ateliers étant vides à part celui de la ligne de revêtement. Le personnel, qui perçoit une indemnité de chômage technique, espère qu’un nouvel investisseur avec un nouveau projet se déclare... un mois, deux mois passent. Mais, petit à petit, pendant l’occupation, au cours des nombreuses discussions entre travailleurs de l’usine mais aussi avec les personnes venues en solidarité, une idée surgit et se concrétise : celle de reprendre la production en autogestion, de produire nous-mêmes un "vélo-grève", au moins pour une petite période. Pour pouvoir relancer la production en autogestion, la barre a été fixée à 1800 bicyclettes. Avec une date butoir pour réunir les commandes : le 2 octobre. C’était un pari que nous nous sommes lancés, celui de démontrer notre capacité à développer notre pro-pre concept et à réellement autogérer notre production et notre distribution, mais aussi celui de développer les idées de solidarité et enfin celui d’encourager les travailleurs qui se trouvent dans des situations similaires à ne pas se laisser facilement "restructurer à zéro", par qui que ce soit !

Avoir 1 800 commandes fermes en moins de deux semaines, la gageure paraissait impossible ! La FAU a donc utilisé le relais de ses syndicats en Allemagne et de l’Association Internationale des Travailleurs au niveau mondial pour lancer l’appel à la solidarité.

Intérêts et limites

Dès qu’il a été connu, l’appel a été traduit par la CNT-AIT de Paris. Une discussion s’est alors engagée très rapidement entre les compagnons : l’initiative est sympathique. Cependant il faut mettre en avant son côté politique : cet appel à la solidarité n’est pas un bon plan pour acheter des vélos de qualité pas cher. Cette expérience nous paraît intéressante car elle peut démontrer, contrairement à ce que les médias et l’idéologie dominante martèlent à longueur de temps, que les travailleurs qui sont ceux qui produisent toutes les richesses de ce monde, ont tout à fait les moyens de s’organiser pour cela, et sans patron ni État. De même, nous connaissons les limites d’une telle entreprise et elles doivent être rappelées lucidement : goutte d’eau d’autogestion au milieu d’un océan capitaliste. Ainsi, notre soutien n’aura de sens politique que s’il peut servir aussi de base de départ à une réflexion globale sur la notion "d’économie" : Qu’est ce que nous voulons produire ? Pour quoi ? Avec qui ? Et comment ? Nous savons tout autant que, si des travailleurs, comme ici en Allemagne, s’emparent de leur entreprise (tout comme ils le font en Argentine, au Mexique et ailleurs), ce n’est pas pour "bâtir le communisme", mais tout simplement pour défendre leur situation immédiate. Ce qui n’empêche pas, tout au contraire, d’appréhender ces prises en mains d’entreprises dans leur dynamique, qui peut amener à leur dépassement, et se situer alors dans une perspective révolutionnaire. Le processus de récupération, dès qu’il se poursuit un peu, fait apparaître que l’usine récupérée n’est pas seule, qu’elle est dans un tout. Production, distribution posent des problèmes qui ne peuvent se régler à l’échelle locale. L’autogestion complète n’est possible que si tout un pan de la société s’y adonne et si l’argent et le salariat disparaissent.

Aller plus loin

"Aller plus loin", à partir de la situation que l’autogestion de ces sphères pose, c’est rom-pre le cadre de l’entreprise, de l’échange, du travail et du chômage, et cela est une possibilité dans le processus de récupération. Un dépassement de ce qui est auto-organisable dans le cadre du système actuel. Puisse-t-elle être un point de départ pour inventer un autre monde, où la production et les échanges de biens et de services ne seront pas corrompus, parasités, aliénés et mystifiés par la division du travail (et la sous-division entre travail manuel et intellectuel), le salariat (ou autre mode d’exploitation) et la monnaie.

Les nouvelles que nous ont données les compagnons Alle-mands sur la méthode utilisée pour la fabrication des “Strike-Bike” nous confortent : salaire unique pour tout le monde, sans hiérarchie ni autres parasites. Le projet est de recommencer la production à compter du 22 octobre à 17 heures et tout le monde est invité à y prendre part. De plus, comme il reste finalement peu de gens qui ont les connaissances pour s’occuper des tâches administratives nécessaires, ce sont des compagnons de la FAU Hamburg qui travaillent dans ce secteur qui mettront à disposition leurs compétences.

Ensuite s’est posée la question de comment relayer cet appel à solidarité. Les compagnons allemands proposent d’acheter des vélos 275 euros (300 avec le transport). C’est une somme que la grande majorité d’entre nous ne pouvons pas sortir comme ça. Un compagnon a vu que, sur le site internet de la CNT-AIT espagnole, un syndicat propose des bons de soutien de 10 euros assortis d’une tombola. L’idée, jugée excellente est immédiatement adoptée.

Notre syndicat a donc émis un texte d’appel à la solidarité et l’a diffusé par tous les moyens à sa disposition. La réponse à l’appel a dépassé nos espérances. Nous avons reçu des bons de solidarité des quatre coins de l’hexagone, y compris de Corse ! Outre les syndicats du réseau fédéral CNT-AIT qui ont largement relayé et participé, l’appel est largement diffusé dans les milieux des activistes cyclistes vélorutionnaires. Sur Paris, c’est d’ailleurs grâce à l’organisation logistique des Vélo-rutionnaires que la commande pourra être passée et organisée. Au total sur Paris, c’est une vingtaine de vélos qui ont été commandés. Sur Grenoble l’association "Des petits vélos" en commande une dizaine. Des commandes individuelles sont également parvenues en Allemagne.

Moins de deux mois

Le succès de cette action directe a été possible grâce à une campagne de solidarité qui a connu une dynamique inattendue.

A partir du moment, où la volonté de produire de manière autogérée des "strike-bike" a été rendue publique, il aura fallu moins de deux mois pour que cette initiative fasse le tour du monde. Des commandes sont parvenues de tous les pays d’Europe mais aussi d’Egypte, des USA, d’Australie, du Canada et d’Israël. Le "cas de Nordhausen" dépasse le cadre de la couverture des médias alternatifs. Des reportages de plusieurs minutes ont été diffusés par les principales chaînes allemandes (ARD, ZDF, SAT-1, RTL). Dans plus de deux cents journaux allemands sont parues des dépêches et plus de cinquante journaux ont consacré des articles à l’usine de vélo de Norhausen. Les agences de presse DDP, AP et Reuter ont fait paraître des dépêches réactualisées plusieurs fois durant la journée en mentionnant à chaque fois le site web de la campagne. Des reportages télévisés sur des chaînes françaises, hollandaises, suisses et autrichiennes ont également évoqué Nordhausen.

Rendez-vous le 1er décembre

Les vélos sont arrivés sur Paris et ils sont vraiment magnifiques, tout rouge et noir. Afin que la démarche soit complète, nous avons décidé avec les Vélorutionnaires que symboliquement la distribution sera organisée à l’occasion du rassemblement mensuel qu’ils organisent place du Châtelet, le 1er décembre, à 15 heures, afin de protester contre la dictature automobile et pour une meilleure prise en compte des vélos dans la cité. De plus, ce pourra être l’occasion d’une discussion à bâton rompue sur les notions de production et travail, comment ?, pourquoi ?, avec l’expérience de Nordhausen comme exemple concret.

P.

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