Individus et groupes

Publié le 4 décembre 2007

Réponse à l’article Formons des groupes !

Comme cela est écrit dans le texte "Formons des groupes", je pense
effectivement qu’en cette période, plus que jamais, il faut multiplier les entités anarchosyndicalistes quel que soit le nom qu’on leur donne (en ce qui me concerne, je préfère le terme d’anarchosyndicat) partout où cela est possible, d’autant que, dans l’anarchosyndicalisme justement, l’élément structurant de base ce n’est pas l’individu, mais le collectif.Ce sont les groupes, pour reprendre le terme de Paul, qui échangent,
se coordonnent, élaborent de la théorie, produisent de la pratique
et construisent ensemble.

Dans cette perspective la relation entre individu et groupe est débattue, celle entre groupes serait également à débattre plus largement.

C’est une évidence : un groupe n’existe pas en dehors des individus qui le composent. Mais il n’est pas leur simple juxtaposition côte à côte. Ce qui est recherché en se
regroupant, c’est une potentialisation, l’émergence d’une volonté et d’une énergie collectives, qui fait que "1+1" devienne largement supérieur à 2. La libre association
des individus, qui est le point de départ, n’a pour seul objectif que de permettre collectivement ce qu’il n’est pas possible de réaliser seul. Dans la mesure où ce groupe
est anarchosyndicaliste, cette puissance est tournée vers le processus révolutionnaire, c’est-à-dire la rupture. Qui dit rupture dit, clairement, impact considérable sur la vie de tous et de chacun. Peut-on espérer avoir un tel impact tout en permettant "à chacun de construire sa propre vie sans compromettre celle d’autrui" ?

Evidemment, tout dépend du sens qu’on donne au mot "compromettre". Il semble bien que ce soit ici un synonyme d’interagir, d’avoir des répercussions.

L’activité d’un groupe (ou d’une personne) tout comme l’absence d’activité ont inévitablement des répercussions, sur la vie des autres. Concrètement, dans les plus petites activités de boite par exemple, que fait la CNT-AIT sinon "compromettre" (interagir avec) la vie des patrons en tentant de rogner leur
pouvoir d’exploitation ? C’est bien d’ailleurs ce qu’ils nous reprochent ! Quand nous n’empêchons pas une injustice (parce que notre action s’est révélé inefficace, ou tout simplement parce qu’on n’a même pas fait ce qu’on aurait pu) n’avons nous pas interagi avec la vie de quelqu’un ? Ce qui est vrai de notre action sur l’extérieur l’est encore plus à l’intérieur du groupe. Quand une décision est prise elle compromet ses membres : si nous décidons de lancer une lutte, les copains qui la mènent directement en fonction de ce qui s’est décidé collectivement doivent pouvoir compter sur la solidarité des autres si ça tourne mal. Bien plus, une décision (parfois, un simple écrit) prise à distance, par un autre groupe de la même mouvance, pourra également avoir des répercussions, qu’on le veuille ou pas (exemple : répression policière).

Bref, participer à un groupe révolutionnaire, c’est se compromettre et compromettre en permanence les autres. Qu’en conclure ? Tout simplement que toute activité du groupe (et sa non-activité) doit être discutée, réfléchie avec le plus d’intelligence et de conscience possibles pour que ses membres soient en capacité de l’assumer en toute circonstance, la tête haute, et que les répercussions sur la société en soient positives d’un point de vue révolutionnaire.

Un autre point mériterait d’être développé. C’est celui relatif au fonctionnement des groupes, à peine survolé dans le texte de Paul.

La question de l’autorité (et du pouvoir) étant dans un groupe anarchosyndicaliste, fondamentale et à remettre "cent fois sur le métier", j’espère que le débat rebondira sur
ces points. Dans l’immédiat, pour rester bref, il me semble essentiel de différentier la notion de délégation
de celle de représentation (ce que Paul ne fait pas) et de souligner
que la rotation des tâches n’est pas, en pratique, une panacée. Le seul garant d’un fonctionnement antiautoritaire,
s’est l’application de la devise communiste libertaire : "De
chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". Elle met
bien en lumière la relation réciproque
qui doit exister entre l’individu
et le groupe : chacun reçoit,
mais chacun donne d’abord.

En guise de conclusion, je crois
qu’il faut clarifier la relation entre
"politique", "stratégie" et "tactique".
D’un point de vue tactique,
une déclinaison infinie de modes
opératoire est théoriquement possible,
selon les envies, les contextes
géographiques ou sociopolitiques,
les possibilités des uns et des autres
etc. Mais, en terme politique,
l’anarchosyndicalisme ne recherche
pas la diversité mais revendique
bien au contraire l’unicité : c’est
d’ailleurs ce que fait Paul qui n’assigne
à tout le mouvement, et même
à l’humanité, qu’un double objectif
(outre le point que nous avons discuté
plus haut : "éviter la destruction
accélérée de la planète"). Et
sur le plan stratégique, elle repose
sur deux fondamentaux : auto-organisation
et cohérence de moyens et
de la fin, ce qui implique le refus de
la représentation/médiation (action
directe).

En s’assignant ainsi des objectif
finis, il devient périlleux de penser
qu’il ne s’agit pas "d’inventer LA
société libertaire pour tous".
Certes, LA société libertaire peut
prendre différente forme. Mais
dans le fond ce sera toujours LA
société libertaire ou ce ne sera pas
(hypothèse qui n’est pas dénuée de
fondement). Il n’y aura pas la société
libertaire de l’Est et de l’Ouest,
celle de Strasbourg et celle de
Quimperlé. La société libertaire est
fondée sur des principes universels
et intangibles, a-historiques. C’est
d’ailleurs pourquoi nous sommes si
critiques sur les "adaptations" qui
conduisent à étiqueter "libertaire"
des mouvements qui sont totalement
étrangers à ses principes.

Virginie

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