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Printemps grec : Dans la spirale infernale du capitalisme

Publié le 2 mai 2010

  AGENCES DE NOTATION

Ces agences, ni vous ni moi n’en ferons jamais partie. Cons-tituées de façon totalement antidémocrati-que, ces agences réunissent des experts autoproclamés mais reconnus par les Etats et le marché. Elles ont sur le monde entier un pouvoir quasi absolu. Que les agences de notation baissent en effet la note de la Grèce, et brutalement le coût de la dette s’envole. Du jour au lendemain, les Grecs devront rembourser des sommes encore plus faramineuses que prévues. Sur quels critères les agences établissent-elles leurs notes  ? Si l’on sort du galimatias pseudo-technique qui s’étale prétentieusement dans les gazettes économiques pour aller à l’essentiel, c’est pas compliqué du tout  : meilleure est la rentabilité pour les patrons, meilleure est la note accordée à un pays (ou à une entreprise) par les agences de notation  !

A l’inverse, si la rentabilité pour les capitalistes diminue un tant soit peu (par exemple, si l’endettement augmente sans augmentation de la production), la note s’effondre. Ce mécanisme, on l’aura compris, est celui d’une spirale infernale. Il est de plus essentiellement fictif dans sa conception (puisqu’il ne tient pas compte des réalités de la production) mais tragiquement réel dans ces conséquences pour la population.

On nous le répète tous les jours : depuis plusieurs mois, la Grèce fait face à une grave crise économique. Le déficit dépasse 12%, le coût de la dette explose, ...

La situation serait tellement grave que le pays
risquerait de se retrouver en cessation de paiement durant le mois d’avril. Tout ceci sert de prétexte au gouvernement Grec pour imposer à sa population des mesures assassines : baisse des salaires allant jusqu’à 30%, casse des retraites, hausse de la TVA et autres impôts, etc.

Pour la galerie, pour enfumer le bon peuple on ressort quelques drapeaux nationaux et les journaux commentent le "conflit" qui opposerait les "bons élèves" de la classe Europe (les Allemands), aux cancres (Grecs, Espagnols,...). Dans la réalité, les chefs de l’Union Européenne toute entière sont d’accord sur le système qu’ils défendent.

le laboratoire grec

Puissions-nous nous tromper, mais, même si une importante vague de protestation secoue ce pays, l’impression dominante ce jour, c’est qu’il s’agit là plus d’une sorte de réaction de rage que d’autre chose. Il semble qu’à beaucoup de Grecs, la suite apparaisse inéluctable. Et elle le sera effectivement tant qu’ils auront intégré le discours du pouvoir, tant qu’ils prendront pour argent comptant - si l’on ose écrire - les bilans économiques complètement pipés qu’on leur présente. Surtout, tant qu’ils tiendront pour in-changeable le système économique actuel. Car, s’il y a quelque chose de bien sûr, c’est que si l’on reste intellectuellement prisonnier des critères qui sont ceux du capitalisme actuel, alors le "pays" apparaît en effet comme à la ruine et sa population condamnée à trinquer.

Pour sortir réellement "de la crise" il faut sortir du système financier et du capitalisme, car le capitalisme financier crée et entretien lui-même la crise.

Un exemple flagrant de la façon dont les "dés économiques" sont pipés est fourni par le coût des prêts. En pratique, ce coût n’est pas fixe. Il est dépend de structures totalement opaque, les agences de notation qui mettent en permanence le couteau sous la gorge de la population (voir la colonne latérale).

Une situation qui n’est pas unique

Au vu des divers mécanismes économiques d’exploitation on peut légitimement penser que ce que vit la Grèce en ce moment peut se produire dans d’autres pays de l’Union Européenne et que ce que vivent les Grecs pourrait bien arriver bientôt à d’autres.

La gestion de la crise par l’Etat Grec préfigure donc ce qui, faute de riposte de fond (c’est-à-dire faute d’un travail d’explication dans la population), pourrait bien nous arriver, à nous par exemple, à terme. La "recette à la grecque" est simple : tout d’abord, une forte hausse des impôts. L’impôt sur le revenu augmentera certes pour les couches moyennes. Mais, c’est surtout, la TVA et d’autres impôts de ce type qui augmenteront (l’Espagne est déjà en train de mettre en place cette augmentation), et là, ce sont les plus pauvres qui sont les plus touchés. Les prestations sociales, qui ont jusqu’à présent en France bien amortis le choc de la crise, diminueront, de même que les salaires des fonctionnaires et leur nombre. Dans le privé, des baisses de salaire sont aussi à prévoir, avec une baisse généralisée de la couverture sociale.

la "crise" doublement payée par les travailleurs

Toutes ces mesures ont un effet direct : la baisse des conditions de vie des classes exploitées. Moins de salaires et moins d’indemnités pour plus d’impôts et de taxes. Pendant ce temps, on permet aux entreprises, et à leurs dirigeants, de multiplier leurs profits en pouvant embaucher à bas coûts. Il est possible, quand même (du moins si l’opinion publique le réclame) que les riches payent plus d’impôts, mais cela restera symbolique par rapport à leurs ressources et surtout, ils développeront un outil productif en parfait état de marche, avec des ouvriers payés au lance-pierre.

Au lieu d’agir en faveur de la population, les politiques agissent au profit de la minorité dirigeante. Pour elle, une seule loi : le taux de profit doit se maintenir (ou augmenter) à tout prix. Tous les choix politiques auxquels nous assistons sont dictés par cet impératif.


  AUX PRISES AVEC LA STRATÉGIE ÉTATIQUE

Bien que les informations qui nous parviennent sur la situation sociale en Grèce soient de deux sources, l’une médiatique et l’autre militante, elles laissent une même impression : celle de l’impasse dans lequel s’enferre le mouvement révolutionnaire.
Au-delà de la Grèce, cette situation interpelle tous ceux qui aspirent à de profonds changements de société dans le monde.

Au cours des événements de Décembre 2008, consécutifs à l’assassinat du jeune Alexandros Grigoroupolos, âgé de 15 ans, par un policier athénien, nous avions assisté dans ce pays à l’explosion d’une colère populaire largement inspirée par toute une mouvance anarchiste. Cette dernière a puisé sa force dans un travail de fond dans les quartiers notamment au travers de l’impulsion de dynamiques collectives et assembléistes et de la création de centres sociaux.

Aujourd’hui, le pouvoir Grec, face à cette situation pour lui périlleuse, a déployé les recettes les plus vulgaires de gestion de la révolte. Tout d’abord, et c’est fondamental pour mener à bien une telle manœuvre, un gouvernement de gauche a succédé à celui de droite. Ce gouvernement de gauche (répétons-le) prend des mesures antisociales absolument drastiques : coupes sombres dans les retraites, les salaires, les aides sociales, augmentation effrénée des prix... S’en suit un fort mécontentement. Entrent alors en jeu les institutions syndicales  : leur rôle là-bas comme ici est de canaliser la contestation des salariés, de la fragmenter, d’appliquer des méthodes et des calendrier "d’action" dont l’objectif inavoué mais bien réel est d’essouffler la contestation des salariés.

Couronnant le tout, les médias diffusent en boucle le spectacle d’affrontements avec la police, pour bien finir de fatiguer tout le monde.

Cette stratégie étatique, qui rappelle celle des années 70 en France ou en Italie - avec les résultats que l’on connaît hélas - enthousiasme nombre de jeunes révoltés, éblouis par une mise en scène destinée justement à les aveugler !

Pourtant nous savons tous - ou nous ne devrions pas oublier - qu’un mouvement révolutionnaire libertaire ne peut exister sans de larges bases sociales. Or, ce que nous voyons en Grèce, c’est que, peu à peu, un abandon de ce travail de fond initial s’opère dans les courants révolutionnaires au profit d’un activisme largement relayé par les médias [1].

Une voie de garage

Pour le pouvoir, il s’agit de pousser ainsi les compagnons Grecs vers une voie de garage ultra-classique : celle de la "violence", pour mieux les réprimer ensuite. Si cette malheureuse évolution se confirme, la réaction ne tardera pas à se produire. Elle balayera d’abord les anarchistes puis, s’il le faut, les syndicalistes voire des politiciens de gauche bien qu’ils aient endossé chacun le rôle convenu que le pouvoir leur aura prêté. Le pouvoir n’a pas de cœur pour ses valets !

L’assassinat du compagnon Lambros Foundas, ce 10 mars 2010 dans la banlieue d’Athènes, par des policiers grecs est une illustration tragique de cette évolution. Si la marginalisation des courants révolutionnaires qui nous inquiète ne s’était pas déjà largement amorcée, nous aurions dû assister en Grèce à quelque chose de beaucoup plus formidable qu’en décembre 2008. Il n’en fût rien. Pire, comme s’il était habituel, normal qu’on assassine nos camarades, il n’y a eu que peu ou pas de réactions dans le monde [2].

Cette désaffection pour les idées d’organisation collective et assembleiste qui est en train de s’amorcer, en Grèce et ailleurs, a donc des conséquences vitales.

Plus que jamais, il s’agit de tirer les conséquences de cette leçon donnée par le pouvoir Grec : dans une période où ses plus hauts responsables économiques ont été convaincus de faux et usage de faux en écritures comptables, dans une période où les sphères dirigeantes sont en train de précipiter des couches entières de la population grecque dans une misère sévère, dans un contexte où des réactions populaires ne chercheraient qu’à s’exprimer d’une manière efficace et donc dans un contexte éminemment dangereux pour lui, le pouvoir Grec a su, pour l’instant, réduire la contestation à une pantomime totalement incapable de le remette en cause. Sa stratégie a beau être totalement éculée, elle marchera tant que les révolutionnaires ne feront pas du travail politique et social de fond leur priorité absolue.

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