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QUELQUES INDICATEURS ET UN RAPPEL SUR LE CAPITALISME

Publié le 10 juin 2010

I-
Les licenciements vont bon train depuis le déclenchement de la crise de 2008 en France. Pour l’année 2009, on a dénombré 700 000 nouvelles destructions d’emploi. En janvier 2010, un million de chômeurs sont arrivés en fin de droit et 600 000 d’entre eux n’ont désormais plus guère droit à rien, vu les modalités de calcul intégrant les revenus du conjoint ». Selon le BIT, le taux de chômage devrait atteindre 10,9 % de la population active pour l’année 2010. Ce qui annule l’effet du papy boom tout comme le projet de loi dit immigration choisie [1].

Parlons maintenant de l’explosion de la dette publique. Combien représente-t-elle en part du PIB (Produit intérieur brut) ? Ce n’est plus 67,5 %, ni même 70 % (comme nous l’écrivions en 2008). Pour l’année 2009, la dette publique est arrivée désormais à hauteur de 77,6 % du PIB. On prévoit même qu’elle pourrait passer à 83,3 % pour l’année 2010 et atteindre le record de 87,1 % pour l’année 2012 ! N’oublions pas aussi le déficit de l’Etat qui plafonne à 117,6 milliards d’Euros ; soit 81 % du déficit public de la France qui s’estime à 144,8 milliards d’euros pour l’année 2009. Quant à l’inflation, elle devrait se situer à 1,4 % pour l’année 2010.

Certes, ces quelques indicateurs ne suffisent pas pour dresser un panorama assez exhaustif de l’état de l’économie française qui est tributaire, comme chaque économie nationale, de la marche du capitalisme. Mais ils permettent tout de même de s’en faire une petite idée à laquelle il est utile d’adjoindre un rappel sur le capitalisme.

II-
Le capitalisme est un mode de production qui a dû dépasser la reproduction simple car sa persistance aurait condamné sa propre existence. Il faut en effet saisir que le capitalisme est un rapport social fondé sur le capital et le travail : d’un côté les détenteurs des moyens de productions et de l’autre ceux qui ne disposent que de leur seule force de travail - dans la définition classique mais qui est imparfaite aujourd’hui. Les plus perspicaces d’entre les capitalistes ont su se comporter avec retenue en ne dilapidant pas toute la plus-value pour ne satisfaire que leur jouissance immédiate.

En règle générale, les capitalistes doivent utiliser la plus-value dans le renouvellement des moyens de production qui s’usent quotidiennement et dans la rétribution de la force de travail afin qu’elle continue à être en tant que telle. Les capitalistes divisent ensuite la plus-value, ou plutôt le produit net, en deux parties : l’une qui leur est bien affectée sous forme de rente, par exemple ; l’autre qui se change en capital additionnel s’ajoutant au capital primitif.

Si l’extraction de la plus-value s’accomplit dans la sphère productive, elle se concrétise dans la vente des marchandises sur le marché : A → M → A’ (argent - marchandise - surplus d’argent). En effet, c’est par le marché que la régulation des échanges s’effectue et celui-ci n’est qu’un territoire dans lequel les marchandises circulent.

La fabrication des marchandises est une chose mais la vente en est une autre. C’est là que le jeu de l’offre et de la demande intervient. Cela dépend donc de l’état du marché. Car la solvabilité du marché détermine en dernière instance les possibilités de la sphère productive dans le progrès de l’accumulation. Quand il est insolvable ou saturé, voire les deux en même temps, c’est inévitablement la surproduction : le non-écoulement des marchandises. Ce qui implique une baisse de la concrétisation monétaire de la plus-value. Les capitalistes disposent de moins d’argent pour investir dans le capital organique : l’accumulation fait défaut et le capital n’est plus en expansion. Si cette situation perdure, le coût du capital organique est beaucoup trop fort. Il s’ensuit une baisse du taux de profit par la suraccumulation de capital. Or la règle d’or du capitalisme est que la rentabilité du capital doit être assurée.

Les capitalistes sont « obligés » dès lors de comprimer le coût du capital organique en jouant sur les variables d’ajustement et de chercher des nouveaux débouchés, s’ils veulent être en capacité de surmonter cette difficulté de la surproduction. Il faut ajouter que la concurrence aboutit à l’élimination des capitalistes les moins performants. Parallèlement on passe du mouvement de la concentration à celui de la centralisation des capitaux. Ces deux mouvements vont permettre l’avènement des multinationales qui sont le fer de lance d’un capitalisme mondialisé.

Quand le mécanisme de la crise va se déclencher à nouveau en 1974, le secteur public sera considéré comme un obstacle pour les deux raisons essentielles suivantes :

- le salariat d’Etat ne peut être mis en concurrence, puisqu’il bénéficie d’un statut lui garantissant la permanence de l’emploi ;

- le monopole d’Etat empêche l’accaparement de ses parts de marché. Ce qui freine l’extension des multinationales ou des grands oligopoles

Avec l’appui des politiciens - peu importe qu’ils soient de droite ou de gauche - la dérégulation méthodique se met en place au fil du temps pour les besoins du marché (l’AGCS, accord général sur le commerce et les services, par exemple). C’est tout simplement le démembrement du capitalisme monopolistique d’Etat (issu de l’après-guerre).

Celui-ci était en réalité une économie mixte dans laquelle la nationalisation d’une partie du secteur privé intervenait pour pallier les déficiences de ce secteur. Le financement était assuré par les impôts ou les emprunts  : c’est miser sur la dette publique et son corollaire, l’inflation, qui se répercute sur la consommation. Le secteur public et le secteur privé ont pu coexister dans la mesure où le premier n’arrivait pas à asseoir son hégémonie. Si le contraire s’était réalisé, le capitalisme d’Etat aurait été de mise, comme ce fut le cas dans les anciens pays du bloc de l’Est (ceci dit, pour d’autres raisons). Ainsi, le secteur public s’est avéré être utile aux capitalistes en remédiant à l’époque au défaut de l’accumulation et de la rentabilité du capital.

Ensuite, l’Etat va décider de restructurer l’appareil productif du secteur public ou de le privatiser. Petit à petit, l’édifice se réduira comme une peau de chagrin : poste, transport ferroviaire et éducation nationale. Toutefois, l’intervention de l’Etat (comme garant de l’ensemble de la structure sociale) est toujours la bienvenue, sans compter la manne des collectivités, pour les banques et les actionnaires. C’est là justement qu’interviennent tous les fonds publics ou privés ainsi que le crédit pourrait-on dire ! Ceux-ci permettent de compenser le défaut de l’accumulation.

Une autre solution pour résoudre le défaut de l’accumulation est de recourir à l’emprunt d’argent, notamment par le crédit qui se rembourse contre des intérêts et dont les taux peuvent fluctuer. Mais cela s’incorpore dans le prix de la marchandise. Pour rester compétitif et faire face à des coûts de production trop grandissants, voire remédier à la faible productivité, les capitalistes modifient la composition du capital organique grâce à l’innovation de procédés techniques et scientifiques, en accroissant sa partie constante au détriment de celle qui est variable (3 pour 1, par exemple). En conséquence, l’armée de réserve grossit - ou, pour reprendre l’expression usuelle, le chômage - qui est inhérent au mode de production capitaliste.

Les capitalistes l’utilisent comme arme de pacification puisque la crainte du licenciement facilite la soumission chez les exploités. Cela contribue à rendre plus difficile, voire empêcher, toute irruption de la combativité, sans oublier que les capitalistes savent entretenir sciemment le clivage entre la force de travail qui est active et celle qui est inactive. Les capitalistes peuvent avoir ainsi le champ libre pour intensifier les gains de productivité et dégrader les conditions de travail.

Cela dit, l’armée de réserve est hétérogène dans sa composition et on peut distinguer plusieurs régiments : - celui qui est constitué par les précaires, notamment les intérimaires. Son développement a été assez important jusqu’au déclenchement de la crise de 2008. Consacre-t-il une modification du salariat (22 950 000 de personnes pour l’année 2006) dans sa forme traditionnelle ? (La notion de précariat fait couler de l’encre et nous devons la manier avec beaucoup de prudence) ; - celui qui est placé temporairement en stage ou formation en tout genre ;

- celui qui est en attente de mobilisation mais que Police Emploi soumet à une pression morale continuelle (éviter qu’il en arrive à concevoir l’idée de déserter) ;
- celui qui est estimé usé, voire trop délabré et purement mis de côté (les inemployables).

III-
Le capitalisme est une structure sociale qui est régie par ses lois propres et c’est bien pour ça que toute prétention à vouloir le réformer est grotesque puisque précisément il y a un lien étroit entre l’accumulation du capital d’un côté et l’accumulation de la misère de l’autre.

D’autre part, la crise de 2008 (comme toute crise) ne fait qu’illustrer que le capitalisme se meut dans une logique contradictoire.

Posons nous alors ces deux questions suivantes :

- la crise de 2008 est-elle une crise cyclique classique dans la mesure où le capital peut reprendre son expansion ou est-elle au contraire plus profonde, à l’instar de celle de 1929, qui a été suivie de la Grande dépression des années 30) ?
- la crise de 2008 préfigure-t-elle un regain de la lutte de classes ? C’est à quoi il faut travailler car pour un révolutionnaire sérieux et a fortiori anarchosyndicaliste, il s’agit d’œuvrer au dépassement du capitalisme par sa destruction. Telle est la nécessité impérieuse.

Paul Anton, CNT-AIT Caen

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