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ESPAGNE  : CNT-AIT 100 ANS DE LUTTES... QUI CONTINUENT

Publié le 10 juin 2010

Notre section soeur ibérique, la CNT-AIT d’Espagne, célèbre cette année ses cent ans de lutte, depuis sa création en 1910. Les célébrations donnent lieu à des festivités et des conférences tout au long de l’année de la part des différents syndicats, au gré des initiatives locales. Car c’est un principe fondamental de fonctionnement de l’anarchosyndicalisme que l’initiative reste toujours aux structures de base, loin de tout fonctionnement centraliste stérilisant. Mais la meilleure façon de rendre hommage à ce centenaire, c’est de poursuivre la lutte contre l’Etat et le capitalisme, sans concession ni compromis. Pour donner une idée de la vitalité de cette jeune centenaire, voici un témoignage et les impressions d’un jeune compagnon qui s’est rendu récemment en Espagne, à Salamanque, où il a pu rencontrer les compagnons de l’anarchosyndicat local de la CNT-AIT. La lutte continue ...

Je me suis rendu récemment pour la seconde fois en quelques mois à Salamanque, en Espagne, comme cette partie de la planète est appelée (frontières, frontières...). Un petit résumé de ce que j’y ai vu et/ou appris... Tout d’abord, les murs sont recouverts de A cerclés et autres graffitis anarchistes. Plus encore, il y a beaucoup de graffitis antifascistes : “Carlos, ni oubli ni pardon”, “Antifascistes organisé-e-s”... un peu partout. Beaucoup d’autocollants antifas et d’affiches anarchistes également. Je me suis dis « enfin un endroit où la rue est à nous ! ». Eh bien non. J’avais fait des recherches avant de partir.

J’ai trouvé qu’il existait à Salamanque un collectif antifasciste, qui avait même envoyé deux de ses militant-e-s à Toulouse pour une conférence. Mais impossible de trouver un contact. Et en me promenant en ville, je vois une petite table tenue par 3 jeunes, avec livres, tracts, CDs... et un drapeau rouge et noir CNT-AIT... Je m’y arrête (je précise que je ne parle pas espagnol, du coup un gros merci à la personne avec qui j’étais sur place !) et on discute 5 mn. Ils m’expliquent qu’ils tiennent régulièrement des tables, mais se font régulièrement virer par les flics, car ils ne demandent pas, logiquement, l’autorisation. Ils me précisent qu’ils sont dispos à leur local tous les soirs. Je m’y suis donc rendu un soir. En attendant, j’ai appris l’origine de tous ces graffitis antifas. Peu de temps avant mon arrivée, était organisée une manif antifa à Madrid, en commémoration de l’assassinat de Carlos, militant antifa, par un militaire, le 11 novembre 2007 (si je me rappelle bien)... Tout s’explique... De plus, deux jeunes antifascistes se sont fait agresser en centre ville par des militants du parti d’extrême droite...
Lors de mes deux passages là-bas, je me suis donc rendu au local des compagnons de la CNT-AIT. Cet endroit est assez grand, avec une abondante bibliothèque. Le local est aussi celui des FIJA (descendant-e-s plus ou moins directs des FIJL - Fédération ibérique des jeunesses libertaires - lors de la Révolution espagnole, sauf que Libertaires est aujourd’hui remplacé par Anarchistes), et celui du collectif féministe (comme quoi, non le sexisme n’est pas culturel en Espagne, et ça fait aussi taire toutes celles et tous ceux qui disent que les anarchistes sont les pires des machos...)

La section salamanquaise de l’AIT est en pleine expansion depuis deux ans, après un passage plus difficile à cause de la scission d’avec la CGT (équivalent ici de la CNT Vignoles). Aujourd’hui ça va beaucoup mieux, avec des militant-e-s actif-ve-s et une majorité de jeunes ! La relève est assurée ! Leur permanences téléphoniques au service des travailleur-euse-s est de plus en plus utile, les appels se multiplient depuis quelques mois. Malgré tout, la CNT/AIT locale en est à plus de 2 500 euros d’amendes à cause des divers graffitis “Guerre Sociale”, “Occupation, Résistance”, “Assassinez l’Etat” et autres A cerclés... Les jeunes communistes ne sont pas en reste et bien plus virulent-e-s que chez nous : «  Du travail pour tous », « No Israël  »...

Quand on sait que les antifascistes ont pris une amende de 350 euros pour avoir diffusé des tracts en ville, on se dit que les gouvernements de droite comme de gauche (PS en Espagne) tentent vraiment de cadenasser tout ce qui gêne et ne marche pas droit. Les compagnons de l’AIT ne font pas vraiment partie des antifascistes salamanquais car selon elles/eux le collectif est dirigé par une communiste autoritaire aux méthodes staliniennes, alors (que) les anarchistes agissent seul-e-s.

En ce moment, la CNT-AIT mène une large campagne pour la libération d’Amadeu Casellas, anarchiste enfermé depuis plus de 26 ans pour avoir participé à des braquages de banques pour financer la lutte des classes... Après plusieurs grèves de la faim, il a fini par être libéré. L’administration pénitentiaire s’est alors aperçue qu’il avait fait huit années de trop de prison, selon ses propres lois ! Pour éviter d’avoir à lui verser des indemnités compensatrices, elle a donc tout récemment monté un coup foireux pour accuser le compagnon de trafic de drogue en prison ce qui, justement, permettrait de le condamner à 8 ans de prison... la perversité de l’administration pénitentiaire est vraiment sans bornes : accuser un compagnon mis à l’isolement et particulièrement surveillé d’organiser un réseau de trafiquant, il faut oser...

En parlant de banques, l’Espagnol qui a arnaqué 700 millions aux banques pour leur faire payer la crise capitaliste était de passage et a rencontré les compagnons de la CNT, malheureusement le jour de mon départ... Mais comme nous le savons et le répétons, la lutte des classes a plusieurs facettes : économique, politique, étatique pour nous anarchistes, et social. Et à cet effet, nos compagnons espagnol-e-s luttent sur tous les terrains. D’abord, ils/elles essayent de sortir les jeunes de leur apathie consumériste sur le plan Bologne (la privatisation européenne des facs) et ont appelé à l’abstention lors de l’élection du nouveau doyen, tous les candidats étant pro-Bologne. Un seul autre syndicat lutte contre Bologne, le CEA (Comité Etudiant Alternatif), syndicat « de lutte  » réformiste et qui se présente aux élections (un peu SUD Etudiant-e ici je pense), composé selon les jeunes CNTistes de communistes et de socialistes en majorité. Mais les étudiant-e-s préfèrent boire des « copas » (canons) et s’amuser plutôt que de lutter pour un avenir vivable...

En parlant d’alcool, lors de ma première visite j’avais apporté un petit pack de bière aux compagnons, qui m’ont gentiment fait comprendre qu’ils/elles ne buvaient quasiment jamais, encore moins en réunion, car l’alcool abrutit, est cher et fait le jeu de la classe capitaliste. Un exemple à suivre... La CNT-AIT lutte aussi contre le projet de statue de Durruti, idée lumineuse de la CGT (qui se prétend anarchosyndicaliste, avec des délégué-e-s syndicaux, qui participe aux élections professionnelles et bosse avec SUD...). Or les anarchistes n’ont ni chef ni modèle. L’anarchie et les anarchistes ne sont pas des marchandises qu’on vend ou qu’on exploite, mais ça la CGT refuse de le comprendre. Les compagnons étaient présents le jour de l’inauguration en grande pompe avec une banderole où on pouvait lire «  20.000 euros en piedra es vuestra memoria  » (20 000 euros de pierres, voila votre mémoire) et ils chantaient pour l’occasion l’hymne de la CNT « A las barricadas » modifié pour la circonstance en « A la mascarada ! »

Enfin, la CNT dénonce une réforme qui semble être en discussion au Parlement européen (Ils/elles ont voté et puis après...) et qui voudrait nous faire bosser 65 h par semaine...

Bref il faut vraiment détruire ce système et ses valets...
Un anarchosyndicaliste clermontois

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