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Ce monde est détestable, certaines de ses critiques tout autant !

Publié le 25 janvier 2011

Face au constat que la technologie dépossède
l’homme de sa liberté en le rendant esclave de
celle-là, reprenant le mythe du bon sauvage (de
l’homme heureux et libre à l’état de nature), certains
encensent la nature, parée de toutes les vertus. Ils feignent
d’ignorer la dureté, la violence, les cataclysmes, le
mortifère, la prédation,... de cette nature primitive.
Confrontés au Moloch qu’est la société capitaliste
aux aspects totalitaires, étouffants, inhumains, à une vie
sans joie, ils prêchent et fantasment un retour à une vie
simple, prétendue naturelle, félisse et sans technologie.
Ils oublient que l’absence de connaissance de ce
qu’est la psyché d’un primitif les prive de savoir sur sa
personne, sa psychologie, son « étant ». Ils oublient tout
autant que tout discours est élaboré dans le prisme de
son épistémè. Partant de là, l’homme moderne n’est pas
confronté à la même réalité (et vraisemblablement au
même jugement et rapport vis-à-vis de la nature) que
l’homme primitif.

Si la critique des choix technologiques, politiques,
économiques, éthiques, idéologiques etc., est justifiée,
devons nous le faire sur les arguments tendancieux d’un
passé inventé ou reconstruit ? Prenons garde à ne pas
nous fourvoyer !

Parmi tous les courants qui prônent ce retour à la
nature, mon article analysera les affirmations de
Théodore Kaczynski, dit Unabomber, parce que, par
ignorance, naïveté ou manipulation, certains qui se prétendent
anarchistes, en font la promotion, bien que son
discours soit truffé de références qui sont - au choix -
nazis ou fascistes : anti-progressisme, eugénisme (volonté
d’empêcher la dégénérescence de la « race » ! ), minorité
dirigeante, innéisme (comme s’il existait un gène des
comportements et des inégalités), déterminisme absolu
des structures biologiques et sociales, rejet de la conscience
ou de l’idéologie comme imaginaire instituant,
affirmation que la justice sociale installe le despotisme,
usage spécieux du naturalisme et de l’histoire, double
discours pour manipuler la masse, etc. Cela n’est pas
totalement nouveau : je ne crois pas inutile de rappeler
que de nombreux précurseurs et inspirateurs du nazisme
et du fascisme se disaient naturalistes, écologistes...
J’ai lu la traduction de l’Encyclopédie des nuisances
du livre de Kaczynski sur « La société industrielle et son
avenir ») ainsi que la traduction de J.M. Apostolidès de
ce même livre. Ce dernier traduit « gauchiste » quant
l’encyclopédie indique « progressiste ». Suivant le traducteur,
la critique porte donc sur les gauchistes ou sur les
progressistes, ce qui n’est pourtant pas tout à fait la
même chose. En Europe, le « progressisme » incorpore
une partie de la droite, la gauche et son extrême, l’anarchisme
 ; le gauchisme l’extrême gauche et les anarchistes.
Ces catégorisations, que nous ne partageons pas
nécessairement, sont peut être arbitraires mais usuelles.
On comprend l’impact des ces vocables, j’invite au double
usage de ces mots.

Pour une lecture plus limpide les chiffres entre
parenthèse renvoient aux versés de la traduction de
l’Encyclopédie des nuisances (texte en italique, en
retrait), mes réponses suivent.

“ (6) Le progressisme est une des manifestations les
plus répandues de la folie de ce monde. (10)... auto
dépréciation, impuissance, culpabilité, haine de soi
sont ses traits. (15)... il hait l’image de force, d’habileté,
de réussite. Il déteste la civilisation occidentale,
les blancs masculins, la rationalité, les États-Unis
en raison de leur force et réussite. (16)... les mots
confiance en soi, indépendance d’esprit, initiative,
esprit d’entreprise, optimisme ont peu de place. Il est
anti-individualiste, pro collectiviste, refuse la compétition
car il est minable. (18)... dévalorise la raison,
la science, la réalité objective. Il rejette le concept de
maladie mentale et la mesure du QI, les explications
génétiques du comportement et des capacités humaines
qui font apparaître la base des inégalités ; il prétend
que cela est produit par la société et l’éducation .”

De tels propos constituent
une théorie
bio-fasciste. Selon elle, les
inégalités sociales sont
naturelles ; les hiérarchies,
les rapports de domination, etc., sont l’expression
du génotype ! Kaczynski
devrait approfondir ses
connaissances en génétique
et s’intéresser au
phénotype et la phénocopie
 : l’expression des gènes
est sensible à l’action
externe ! Pratiquement
tous les biologistes et
généticiens rejettent la
vision bio-fasciste. Pour
eux si certains traits sont
génétiquement transmis
(innés, héréditaires), les
grandes compétences,
notamment celles entrant
dans la fonction cognitive
sont d’espèce. Ce qui
implique que chaque espèce
transmet à ses individus
un même ensemble de
compétences, qui sont
donc universelles. Suivant
phylogenèse et ontogenèse,
espèce et individu sont
indivis.
De plus certaines de
ses fonctions sont potentielles
 : non stimulées ou
non utilisées, elles sont
muettes ou atrophiées.
Puisque la génétique ne
valide pas cette thèse du
gène comme base des
inégalités ou des comportements,
l’origine en est à
chercher dans le social, l’éducation,
l’idéologie, la
sociologie, la psychologie etc., qui offrent bien des
réponses. Comment expliquer
si non, par exemple
que suivant le système
social, l’illettrisme et les
inégalités soient si différents
d’un pays à l’autre ?
Si l’action et la volonté des
hommes butent, comme
l’écrit Kaczynski, sur le
déterminisme du gène, la
liberté deviendrait impossible
en matière sociale.
En fait, si l’homme est
biologie, on ne peut le
réduire à cela, son humanité
est au delà. Kaczynski
naturalise la culture, biologise
son idéologie, scientise
son discours.

(20)... par masochisme il [le progressiste, le gauchiste]
provoque la police pour se faire mal traiter.
(229) Il est favorable au contrôle des armes, à l’éducation
sexuelle, la pédagogie avancée, la planification,
le biculturalisme, la victime. Il s’oppose à la violence,
la compétition. Il aime les poncifs de gauche : racisme,
sexisme, homophobie, capitalisme, impérialisme,
néo-colonialisme, génocide, progrès et justice sociale. Il
sympathise avec les mouvements : féministes, homos,
minoritaires, handicapés. (214)... un mouvement
défendant la nature et combattant la technologie doit
être résolument anti-progressiste et refuser toute collaboration.

L’idéologie de Kaczynski
apparaît clairement
pour ce qu’elle est :
très réactionnaire est d’extrême
droite.

(214, suite). Le progressisme implique l’administration
de la nature et de la vie humaine cela requiert
des technologies avancées, c’est en contradiction avec
la nature sauvage, la liberté humaine et l’élimination
de la technologie moderne.

Kaczynski nie donc
que la liberté humaine
serait aussi d’avoir une
action sur la nature et par
là sur l’environnement par
le biais de technologies. Sa
seule liberté serait celle de
ses bras nus face à la prédation
naturelle. A l’inverse,
je partage cette explication
selon laquelle la
matière est passée par des
stades jusqu’au vivant et à
L’Homme. Par lui, la
matière devient conscience
et dote les hommes de
compétences (entendement,
technologie, science,
idéologie, langage,
symbolisation, culture).
L’Homme est un animal
très particulier, il vit
en société. Tout cela est
modifié dans un processus
historique. La nature est
ce tout : le monde. Il disconvient
de prendre la
partie pour le tout et une
partie historique comme
genèse ou eschatologie.

(95)... les monarchies indiennes de Nouvelle-
Angleterre, de nombreuses villes de la renaissance
italienne étaient des dictatures. Par manque de
moyens de contrôle, la liberté individuelle était plus
grande.

Voici maintenant la
théorie de la dépossession
de la liberté par la
croissance de la technologie.
Selon elle, avant, nous
étions plus libres. L’esclave
et le serf, faute de moyens
de contrôle, auraient relativement échappé à la
tyrannie ! On se demande
comment et pourquoi ces
systèmes auraient alors pu
durer sans contrôle social
efficace et bien adapté à
leur époque. A l’inverse, le
contrôle par la technologie
sophistiquée a failli face à
certains groupes. Le
retour à des sources
humaines pour assurer le
contrôle est acté. Ainsi, la
critique des caméras de
surveillance est faite sur le
constat que la surveillance
humaine est plus fiable.
Aussi des maires, des
enseignants réclament-ils
maintenant des policiers et
des surveillants. Les autocraties
ou ploutocraties du
passé savaient parfaitement
réprimer ou contrôler
la population. De plus
Kaczynski n’a pas une
vision sociale historique et
culturelle de la liberté. Les
cadres existentiels primitifs,
antiques, du Moyen
Age et modernes contextualisent
le signifiant liberté.
La liberté (individuelle,
de l’enfant, de la femme,
de l’esclave, du prolétaire,
du citoyen etc.) et même le
bonheur n’ont de sens ou
d’existence que dans, et
par un type culturel
donné. Pour mon compte,
je ne suis pas pressé de
retourner aux époques
vantées par Kaczynski, je
ne suis pas sûr que les primitivismes
actuels y tiendraient
longtemps...

(122)... même si le progrès médical était indépendant
du système technologique, il produirai ses maux.
Les traitements palliatifs des maladies génétiques,
empêchent la sélection naturelle d’éliminer les porteurs.
Ceux-ci se reproduisent et installent une dégradation
génétique de la population. Restera comme
solution massive, l’eugénisme ou thérapie génétique.
(124)... la seule éthique protégeant la liberté est
d’interdire l’ingénierie génétique.

Le refus du soin et l’eugénisme
par la sélection
naturelle des « sains »
et des « plus forts », pour
fortifier la race et éviter
qu’elle dégénère, n’explique
pas en quoi une différence
génétique serait
une infériorité. Ne juger
de l’intérêt social, humain,
voire biologique d’une
personne que d’après un
seul élément de son génome
est une ineptie. Les
nazis, eux aussi, évoquaient
la sélection naturelle
des plus forts, l’élimination
des faibles et des
tarés pour conserver la
pureté de la race.

(124, suite). Le progressisme implique l’administration
de la nature et de la vie humaine cela requiert
des technologies avancées, c’est en contradiction avec
la nature sauvage, la liberté humaine et l’élimination
de la technologie moderne.

Suivant Kaczynski toute
technologie est liberticide,
reste donc l’homme à
l’état de nature, nu et libre.
Mais l’homme, naturellement,
a utilisé des technologies
pour se vêtir et être
plus libre !

(165)... les usines devront être détruites les livres
techniques brûlés, etc.

Kaczynski pour être libre commence par interdire.

(181)... développer et propager une idéologie antitechno
et anti- industrielle. Affaiblir et déstabiliser le
système (182)... comme le firent les révolutionnaires
Français et Russes, bien que heureusement ils échouèrent
à établirent leurs sociétés nouvelles.

Kaczynski se veut
révolutionnaire, en
fait c’est un réactionnaire.
Il rejette les idéaux de justice,
liberté, égalité, fraternité,
démocratie, socialisme,
communisme (et par
là, il rejette ce qui constitue
l’anarchisme).

(183)... proposons la nature comme idéal positif,
tout qui sur terre ne dépend pas de la gestion humaine
et de la société. La nature sauvage incluant la
nature humaine. Cette part de la vie individuelle qui
n’est pas produit du conditionnement social, mais du
hasard ou du libre arbitre ou de Dieu (selon vos
convictions).

Le naturalisme de
Kaczynski occulte que
c’est la nature qui a fait
l’Homme, son esprit, sa
conscience, son savoir
faire, sa culture, sa capacité
technique. Comme la
matière produit la pensée,
la nature produit la culture
et par là, la société. C’est
par la société que
l’Homme a survécu et vit,
c’est par elle qu’il transmet,
améliore, découvre, optimalise,
crée, tout ce qui
fait son humanité. Sans la
société l’homme et l’humanité
n’existent pas. On
ne peut décrier, disqualifier
nature, culture,
homme, humain, société
en opposant les éléments
du quinté. Le bien, le mal,
le juste, etc., sont affaires
de morale, d’éthique, d’idéologie.

(186/7) Cette idéologie sera élaborée sur deux
plans. La version élaborée pour les gens intelligents
réfléchis, rationnels, globalistes, ils ont plein de ressources
et influencent les autres. Une version simplifiée
pour la majorité réfractaire à la réflexion.
(189)...l’histoire est faite par des minorités. Quant
à la majorité, il suffit de lui faire prendre conscience
qu’une nouvelle idéologie existe et la lui remettre fréquemment
en mémoire. Reste souhaitable d’obtenir le
soutien de la majorité, quant elle n’affaiblit pas les
révolutionnaires.

L’idéologie autoritaire
ou dictatoriale divise la
société entre la minorité
intelligente, instruite, dirigeante,
et la masse des
ignorants, soumis, veules
etc. La masse ne sert que
de soutien, car aucun système
ne dure, et la minorité
ne peut conquérir le
pouvoir, sans un appui de
ou dans la masse. Une fois
l’ordre nouveau installé
grâce à l’agitation des masses,
la minorité révolutionnaire
va constituer le pouvoir.
Si la majorité conteste,
on « rappelle la loi »,
c’est-à-dire la dictature de
la minorité sur la majorité.
Tout cela est aussi vieux
que l’Histoire.

(190)... tracer une démarcation entre l’élite au
pouvoir et la masse, pas entre la masse et les révolutionnaires. Stratégiquement ne pas blâmer les gens, ne
pas condamner le consumérisme des Américains, dire
qu’ils sont victimes de la pub etc.

Méthode classique de
manipulation de l’opinion,
qui étant supposée
réfractaire à une réflexion
profonde, ne peut être
manœuvrée que par la
frustration, le bouc émissaire,
la démagogie etc. Pas
question de dire que nous
sommes plus ou moins
responsables au sens de
« libres de combattre ».

(“195)... l’agitation peut conduire à la dictature en
place de la démocratie, mais la différence et faible vu
leur industrialisme. Une dictature étant plus inefficace
et fragile, serait même préférable : regardez
Cuba.

On se souvient qu’avant
Kaczynski, de
prétendus anti-fascistes
expliquèrent que, la dictature
est la réaction extrême
et finale de la décomposition
de la fraction
dominante avant sa chute ;
dans ce cas la posture est
plutôt réactionnaire ou
conservatrice. J’ajoute que
c’est aussi la réaction d’une
fraction dominée qui aspire
au pouvoir, comme on
le voit avec Kaczynski. Là,
ce n’est pas l’ordre ancien
qui s’effondre, mais l’ordre
nouveau qui s’installe, la
posture est plutôt révolutionnaire.
Un discours
subversif et manipulateur
utilise souvent une phraséologie
révolutionnaire,
de révolte, de bien pour
tous... Il faut aller au fond,
chercher l’idéologie de ce
discours. Spéculer sur la
fragilité et l’inefficacité
d’une dictature ne tient pas
compte du fait que certaines
perdurent. Cette
logique du « préférable »
conduit à supporter, relativiser,
admettre le pire ;
voire s’y compromettre en
croyant hâter le changement.
Combien soutiennent
le vote pour l’extrême
droite, bien qu’opposés à
celle-ci ; parce que cela va,
pensent-ils, accélérer l’explosion
du système. Les
tactiques tordues ont la vie
dure !

(196)... est envisageable de soutenir l’unification
économique mondiale (Gatt, Aléna), bien que nuisible
à l’environnement, ils favorisent l’interdépendance
et l’effondrement d’un pays avancé conduit a la chute
de tous.(200)... la technologie est un système unifié à
détruire totalement, utiliser une partie maintien le
tout. On finit par sacrifier quelques détails symboliques.

Encore le « préférable »
 : soutenir la mondialisation
unifiée de la technologie
sous l’égide du
libéralisme !
De fait le purisme antitechnologique
devient
hyper-technologique !
On vérifie là les manipulations
de Kaczynski et
ses supporters.

(201)... la justice sociale vue la nature humaine
ne sera pas spontanée, mais (d) imposée. Pour cela les
révolutionnaires conserveront un système et contrôle
centralisé, des technologies (communication,transport, habillement, agricole etc.). Nous n’avons
rien contre la justice sociale, on ne doit pas permettre
qu’elle interfère avec l’effort pour se débarrasser de la
technologie.

En matière de justice
sociale il n’y a pas de
nature ou d’en soi, il s’agit
d’idéologie, vu l’absence
de gène idéologique, les
règles sociales sont purement
conventionnelles (cf.
verset 18). Question :
comment les révolutionnaires
échapperaient-ils au
déterminisme de leur
nature pour défendre la
justice sociale ? Fidèle au
principe des minorités
dirigeantes, pour Kaczynski
la masse n’intervient
pas dans les choix
sociaux et sociétaux. C’est
une divergence majeure
avec l’anarchisme, et une
négation de l’échec du
socialisme par le haut
(socialisme étatique, léninisme,
trotskisme, bolchevisme,
etc.).
Kaczynski n’est pas
pour l’égalité, la démocratie,
la justice, le progressisme,
cela implique la technologie
et le progressisme
combattu par Kaczynski
car contre nature.

(204)... les révolutionnaires devraient faire autant d’enfants qu’ils le peuvent. Les comportements sociaux sont largement
héréditaires. Personne ne nie qu’un comportement
social est la conséquence directe du génétique, mais il est
manifeste que, dans le contexte actuel, les comportements sont
le plus souvent déterminés par des traits de caractères hérités.

Encore le déterminisme
génétique ! A ses
détracteurs, Kaczynski
répond quand bien même
l’éducation, le fait est la
transmission héréditaire.
Donc intelligent, idiot, fasciste,
anarchiste, violent,
doux, etc., nous sommes de
père en fils !
Chacun peut vérifier
cette ineptie de la lignée
idéologiquo-comportementale.
Kaczynski ignore
que le brassage génétique
homme-femme repose sur
l’appariement des chromosomes.
Suivant la vulgate
de Kaczynski que se produit-
il quand c’est appariement
provient de deux personnes
de traits opposés :

d o u x / v i o l e n t ,
anarchiste/fasciste ? Quel
trait prend le dessus ? Je
réponds aucun car ces traits
sont éducatifs, existentiels,
idéologiques donc sociaux.

Jean Picard
Décembre 2010

PS : Kaczynski défend la
science curieusement ses
zélotes sont anti-science.

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