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Finalement, le changement c’est pour plus tard ...

Publié le 6 octobre 2012

Comme l’on pouvait s’y attendre, les grands changements que François II
devait mettre en œuvre son remis à une date ultérieure pour cause de « 
Krise » et de « Konjoncture défavorable », défavorable aux salariés, c’est sûr, et pourtant si profitable aux millionnaires qui continuent à accroître leurs fortunes de façon insensée.

Les « socialistes » en refusant de s’en prendre au système ne peuvent que le faire durer, le perpétuer leur propos, on le sait, c’est d’aménager, de réformer le système, mais leur marge de manœuvre étant de plus en plus réduite, ils sont même contraints de revoir à la baisse un programme qui manquait déjà singulièrement d’ambition. Le seul changement notable, c’est le remplacement de l’équipe sortante par un nouveau staff de dirigeants : les têtes d’affiche sont sous leurs yeux, renouvelées, c’est la très mince affaire du jeu démocratique, la bien triste alternance monotone « gauche, droite, gauche, droite,...  ». On change les acteurs et la représentation continue. Et pourtant, quel beau slogan, « Le à quelque révolution que ce soit, est
changement, c’est maintenant » ! Si, si, j’insiste, cela aurait pu être un slogan anarchiste. Je m’explique. Les marxistes, qu’ils soient d’obédience
« bolchevique révolutionnaire » ou qu’ils soient « parlementaristes » ont toujours (contrairement aux libertaires) un vrai et réel problème avec
l’immédiateté du changement social : le communisme, oui, bien sûr, mais après la dictature du prolétariat, quand tout le monde aura bien tout compris,
quand les subtilités jésuitiques de la dialectique n’auront plus de secret pour personne... (et, en attendant, si certains ont du mal à s’insérer dans la « Glorieuse Patrie des Travailleurs », des camps bucoliques, sympathiques et
climatisés, avec de gentils animateurs, seront mis à leur disposition le temps d’une rééducation en profondeur). On se souvient que, pour les marxistes, la révolution passe nécessairement par plusieurs étapes avant d’aboutir - in fine - au dépérissement de l’État. On sait à quels États bodybuildés, loin de toute atrophie musculaire, ces théories fumeuses ont conduit. Le souci des étapes nécessaires et obligatoires imprègne profondément toute la théorie marxiste et repousse inéluctablement le communisme réel aux calendes grecques, à un futur toujours plus lointain, toujours plus inaccessible.

Les communistes espagnols, en 1936, ont défendu ab absurdum l’idée
que, pour qu’une révolution soit possible dans un pays monarchique,
agraire et supposé « arriéré », il fallait absolument passer par un stade industriel et républicain, soutenir donc une nécessaire révolution bourgeoise
avant de pouvoir espérer une révolution prolétarienne. Révolution prolétarienne qui était largement en cours, mais qu’ils ont contribué, par tous le moyens, à faire échouer (suivant en cela les enseignements de leur maître à penser Lénine et militaire du et les conseils machiavéliques de leur
grand stratège Staline).

La social-démocratie, qui a depuis longtemps abandonné toute référence à quelque révolution que ce soit, est restée, comme ses cousins communistes, fidèle à cette conception « étapiste » de l’instauration d’une certaine idée du socialisme. Assez « curieusement » elle ne dépasse généralement pas la première étape (nécessaire et obligatoire d’après elle avant de procéder à toute réforme sociale) qui respecte scrupuleusement trois règles d’or : tout d’abord, ne pas (trop) effrayer la bourgeoisie, ensuite éviter absolument de contrecarrer les intérêts patronaux de fond, enfin, expliquer aux ouvriers, aux exploités, aux opprimés en général qu’il leur faut faire preuve d’un peu de patience, faute de quoi les riches s’en iront à l’étranger et, vous connaissez la chanson « sans patrons, vous n’aurez point de travail ».

La social-démocratie est connue pour rester indéfiniment bloquée à ce stade, gérant plus ou moins honnêtement la grande boutique des propriétaires, décevant immanquablement les espoirs qu’elle avait suscités, entraînant avec une amère désillusion les tentations funestes du fascisme.

Curés et marxistes, durs comme mous, ont en commun cette conception curieuse du présent qui consiste à croire qu’il faut souffrir ici et maintenant, que ce n’est que bien plus tard, mais vraiment bien plus tard, que nous pourrons enfin accéder au paradis du socialisme ou du « bon dieu ».
Pour nous, anarchosyndicalistes, le changement, c’est maintenant. Non
que nous pensions pouvoir réaliser le communisme libertaire dans les
heures qui viennent à l’échelle planétaire, mais bien parce que nous savons
que c’est dès à présent que le monde peut changer et qu’il change effectivement dès le moment où l’on n’attend plus rien du Pouvoir quel qu’il soit, dès l’instant où la lutte s’organise de façon autonome, sans intermédiaire, en évitant toute récupération. En nous appropriant le présent, en prenant en main nos destinées, même à une toute petite échelle, nous
changeons notre rapport au monde, nous changeons le monde, nous
sommes déjà en route vers un autre futur. L’organisation horizontale spécifique des anarchosyndicalistes ancre les luttes dans le présent en faisant de chacun un acteur responsable et non un consommateur-électeur-suiveur qui attend passivement les résultats futurs de l’action de quelques spécialistes délégués.

L’éthique enfin des anarchosyndicalistes privilégie toujours le présent :
les moyens employés aujourd’hui pour
atteindre quelque objectif que ce soit,
doivent être en conformité avec les
idéaux. Utiliser des méthodes de politicien (magouilles, manipulations,
mensonges, calomnies...) c’est rester à tout jamais coincé dans ce monde que nous refusons, c’est, en salissant le présent, entacher l’avenir.

Hostiles aux amateurs de purgatoires et d’étapes transitoires, soucieux
de donner vie à nos rêves, nous anarchosyndicalistes, quand nous avons
pu le faire, quand les circonstances
historiques nous ont été favorables,
nous n’avons pas remis au lendemain
la réalisation du communisme libertaire.

Ce souci de réalisation immédiate
des projets de société nous différencie
fondamentalement des marxistes, y
compris dans leur variante social-
démocrate, qui optent toujours pour
un avenir lointain avec des lendemains
qui, finalement, déchantent. Avec eux,
le changement c’est toujours pour
plus tard.

G.

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