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DE LA THÉORIE A LA PRATIQUE

Publié le 17 avril 2013

Dans le numéro précédent d’ « Anarchosyndicalisme ! », dans un
article intitulé « Riposte Anarchosyndicaliste », nous avons tenté une
analyse de la situation politique et sociale au niveau mondial, et la
riposte que nous pouvons amener en tant qu’adhérent-es de la CNTAIT,
en tant qu’anarchosyndicalistes. Et parce que la théorie n’est
rien sans la pratique [1], nous tentons de mettre en application nos
idées. Voici un petit résumé de la riposte anarchosyndicaliste menée
dans le Puy-de-Dôme.

Pôle Emploi : tout est à nous !

Depuis sa création, notre syndicat a
mené une réflexion sur le rôle de Pôle
Emploi. La conclusion fut simple :
c’est un outil à broyer les chômeurseuses.
Il est financé par nos cotisations,
il nous appartient donc. A nous de
faire revivre les Bourses du Travail !
Nous avons mené une lutte contre la
répression syndicale organisée par la
direction et le soutien des syndicats
institutionnels [2] envers une compagne.
Nous avons également édité le « Petit
Kit d’Autodéfense à Pôle Emploi »,
cherchant à promouvoir autonomie et
solidarité, et diffusé à plusieurs centaines
d’exemplaires devant les Pôle
Emploi [3].

Mais c’est un « événement » tragique
et malheureusement révélateur
qui a entraîné une riposte immédiate
de notre part. 10 % d’augmentation du
chômage. Le 13 février, un premier
chômeur s’immole devant Pôle Emploi
à Nantes. 2 jours après, un autre l’imite
à St-Ouen. En Tunisie, une immolation
a déclenché une révolution. Ici,
quelques communiqués indignés, une
ou deux actions... Combien d’autres
encore avant que le peuple ne se
réveille ? Trois n’est pas assez : un nouveau
chômeur s’est immolé il y a
quelques jours. Le lendemain de la
seconde immolation, nous nous rassemblions
à une poignée devant la
nouvelle direction régionale (à l’entrée
de la Gauthière, là où Wissam fut
assassiné, et où le chômage atteint les
60 %). Nous recommencions le lendemain.
Le samedi, nous organisions un
rassemblement pour la jonction et l’extension
des luttes. Ce fut un échec, non
pas pour le nombre de personnes présentes,
mais parce que les locaux du PS étaient tous fermés. Nous décidions
alors d’un nouveau rassemblement
devant Pôle Emploi. Le troisième en
10 jours fut un succès, nous étions tout
un groupe , avec un tract plus global, le
kit accompagné d’un tract « participatif
 » d’un compagnon du SIA32, « Les
aventures du petit bonhomme à Pô
d’Emploi
 ».

L’Accord National Interprofessionnel :
une attaque frontale !

Entre temps, une brochure contre
l’ANI
sortait, brochure qui tente d’expliquer
de manière simple l’ANI, cet
accord anti-ouvrier historique, et qui
propose des solutions pour riposter*4,
et que nous avons déjà commencé à
distribuer sur nos lieux de travail et
plus largement. Le 5 mars, CGT, FO,
FSU, UNEF et Solidaires appelaient à
manifester contre l’ANI (le spectacle
de la contestation habituel) [4].

Nous avions diffusé plusieurs centaines
de tracts les jours précédents.
Moins de 2000 manifestant-es au final,
principalement CGT et FO : la FSU et
l’UNEF n’ont pu faire de cortège, et
celui de Solidaires ne comptait qu’une
quarantaine de personnes. Nous étions
présents, rassemblé-es derrière notre
banderole, et avons vendu tout notre
stock de journaux : signalons au passage
le retour de « Solidarité de Classe »,
notre publication locale [5], qui a été
bien diffusée (tout le stock est parti) en
15 jours. Notons que le groupe de
Clermont de la Coordination des
Groupes Anarchistes, invité à faire un
cortège libertaire, a préféré manifester
avec la CGT, et nous traitant même de
« sectaires »... Après la manif était organisée
une bonne petite Assemblée
Populaire qui vit la création du
« Comité 63 anti accords patronaux »
dont la première action dans les jours
suivants fut de brûler une effigie de
Parisot devant Pôle Emploi et de l’occuper
quelques instants. Contre l’ANI,
nous ne resterons pas silencieux-euses,
et proposons une riposte sur le fond.

SNCF : une contestation sur les rails du réformisme

Le 12 mars, les syndicats majoritaires
à la SNCF Région Auvergne-
Nivernais appelaient à une manifestation
contre la poursuite des suppressions
de poste, à savoir 1500 environ
depuis 10 ans (25 % de l’effectif total
de la région, tous secteurs confondus).
A côté, un bâtiment de 2000 m2 a
été construit... pour les cadres. Si ces
coupes reflètent effectivement la politique
mise en œuvre à la SNCF pour
déconstruire le secteur ferroviaire et
ainsi permettre le développement du
secteur privé (motivé par les actions
que les dirigeants de la SNCF ne manqueront pas d’acquérir), elles
sont aussi un marqueur du
délitement progressif d’un
état d’esprit propre à l’entreprise.

Il y a en effet un esprit de
contestation et de solidarité
très présent dans cette boîte,
et il suffit de discuter avec les
« anciens », ceux dont la parole
témoigne d’une évolution,
pour constater l’impact de l’éclatement
ferroviaire, tant sur
un plan concret que sur celui
des mentalités. Les technologies
n’y sont pas non plus totalement
étrangères. Pour simple exemple il est
de plus en plus difficile de trouver des
collègues pour aller manger un coup
ou boire un verre et discuter, chacun
s’enfermant davantage dans sa chambre,
devant son ordinateur ou son écran
de télévision, avec son téléphone portable
ou sa tablette. Avant, chacun
regardait qui allait découcher dans la
même ville (RHR : Repos Hors
Résidence) pour le contacter et organiser
une bouffe, où il était courant de se
retrouver à une dizaine (souvent avec
des cheminot-es d’autres régions). Lors
des coupures entre deux trains, on
taillait le bout de gras avec le chef de
gare, le mécano (conducteur), le
contrôleur, les clients … Il était également
plus facile de s’arranger avec un
collègue, pour éviter d’être quatre sur
le même train quand on est contrôleur,
pour faire finir plus tôt un conducteur
quand on fait la réserve …
Aujourd’hui tout est fliqué, surveillé.
La SNCF est la boîte où l’on
compte le plus d’encadrement (cadres,
chefs…), avec près d’un chef pour un
agent de terrain (mécano, contrôleur,
manoeuvre…), soit 50 % de personnes
chargées de surveiller les autres 50 % !
Et encore, s’il ne venait pas em... le
monde ! Mais il faut croire qu’ils s’ennuient
ces gens de bureau, à tel point
que le moindre pas en dehors du cadre
réglementaire, même s’il est justifié par
un souci d’utilité, est l’occasion pour
ces charognards de montrer leur pouvoir,
leur autorité que donne le droit de
se tourner les pouces. Et bien sûr, ils se
font un plaisir d’agir ainsi, afin de montrer
l’étendue de leur zèle à leur supérieur,
qui distribue les primes et motive
les promotions [6]. Et même lorsqu’on
est dans son droit et que l’erreur ne
vient pas de nous, il est plus facile de
s’en prendre à l’agent confronté au terrain
(je parle ici en connaissance de
cause) qu’à l’obscur réseau des cadres
qui se renvoient la balle.

Pour en revenir donc à la manifestation,
ce fut une jolie mascarade syndicale,
avec moins de 200 participantes,
dont très peu d’agents de terrain (à
noter que les grévistes de Nevers n’ont
pu venir à cause de la neige...). Ça fait
du bruit, c’est mieux que rien, mais la
seule chose que cela traduit est le fatalisme
ambiant à la SNCF et la chute de
confiance entre les cheminot-e-s et
leurs syndicats, qui ne trompent plus
avec leurs négociations bidons et leurs
magouilles électorales [7]. Si l’occupation
du Conseil Régional fut un bel
instant, où quelques cheminot-e-s
motivés ont compris l’impasse de la
négociation, les chefs de la CGT ont
bien vite rappelé la bienséance de la
compromission en faisant sortir, avec
l’aide des RG, les contestataires remontés
(au sein même de la CGT).
Refroidis par les syndicats, dénigrés par
quelques professeurs bien-pensants
venus négocier la fermeture de leur
lycée, ces hérétiques désabusés du
réformisme sont partis, comme bien
d’autres (nous avec), en laissant les
centrales majoritaires (CGT, SUD) à
leurs éternelles discussions, la mobilisation
se retrouvant à une petite quarantaine
de personnes, écoutant sagement
la langue de bois des politiciens
sortant de leur réunion, annonçant
tout et rien, mais surtout
le malaise d’une société
où le conflit est devenu
malséant, et où avoir des
convictions est la pire
des choses.
Cependant, nous
avons pu discuter avec
pas mal de cheminot-es,
vendre un bon paquet de
journaux. On nous a
même dit à plusieurs
reprises : « S’il y en avait
eu un peu plus de la
CNT, ça aurait pas été
pareil ». Mais comme on
l’a précisé, on n’a pas de permanentes...
Un compagnon brésilien a bien
résumé le sentiment général : « La
CGT nuit gravement à la révolution ».
Indignez-vous ? Non, insurgezvous
 ! [8]

Piotr et Emiliano,
UL CNT-AIT 63,
16/03/2013

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