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Scène de la vie quotidienne : comment on harcèle les RSA

Publié le 6 octobre 2013

A 56 ans, au RSA, K. reçoit, courant juin, un appel téléphonique de son conseiller Pôle Emploi, après 17 heures, dont la première phrase est : « Ah, enfin je vous ai (ou hais  ?) ! ». Ne lui demandant même pas son nom, il lui propose un entretien sur un chantier d’insertion le lendemain matin. Après avoir demande l’activité de cette boîte, elle lui répond que ce n’est pas dans ses cordes, car elle souffre d’une tendinite (certificat médical à l’appui).

Le conseiller insiste lourdement, voire menace. Par la suite, nous saurons que cette entreprise d’insertion avait viré, la veille, 5 personnes au RSA récalcitrantes aux mauvaises conditions de travail bien connues de cette boite - comme des postes à souder en plein air ; et que la boîte avait, de plus, pressé Pôle Emploi - sachant qu’il fait marcher ses conseillers au chiffre - de lui trouver du « plus de 50 ans » (car l’entreprise bénéficie dans ce cas de 90 % d’aide financière de l’État...). Quasi forcée, elle accepte, s’y rend, s’aperçoit, qu’en toute logique, elle ne pourra tenir ce travail répétitif (proscrit avec une tendinite) et, donc, s’en va, en prévenant. Quelques jours plus tard, K. reçoit une lettre du conseil général, la convoquant le 27 juin à 10 h 20 devant une équipe pluridisciplinaire en vue de lui supprimer partiellement ou totalement son RSA car elle n’a pas « respecté les disponsitions contenues dans le PPAE ».

Lesquelles ? Elle n’en a pas signé pour ce chantier et la signature téléphonique n’a aucune valeur juridique en France. Mais le RSA n’étant pas un droit, nous sommes en plein para-légal. K. décide de contacter plusieurs syndicats qui, quand ils ne l’envoie pas promener, avouent qu’ils ne peuvent rien pour elle. Elle envoie une bafouille à Creuse-Citron (sympathique feuille de chou libertaire, connue en Creuse) qui, à son tour, nous contacte (CNT-AIT 63) pour savoir si nous pouvons l’aider. Bien sûr, nous la contactons, l’écoutons et constituons avec elle son dossier avec toutes les pièces nécessaires appuyées par les conseils d’une militante conseillère de « Peu-Emploi » : le compte rendu de l’entretien téléphonique avec Pôle-Emploi (qu’ils ne pourront pas fournir), ses démarches, son certificat médical, la photocopie du contrat d’insertion du RSA (sur demande, l’assistante sociale est obligée d’en fournir un) pour y voir les clauses… Bien sûr, il sera égaré par l’administration..., etc. Très inquiète (insomnie, stress,...), elle désirait être accompagnée, ce que nous fîmes.

Nous nous rejoignons un peu avant l’heure fatidique (10 h 20) afin d’affûter ses arguments, au centre médico-social de sa circonscription. Nous attendons notre tour. 10 h 45, une femme sort, précipitamment, en pleurs de la salle de torture. Nous restons un peu cois et nous sentons K. craquer. Nous essayons de la rassurer  : elle n’est pas seule, s’il le faut je parlerai à sa place, le cas échéant nous créerons une caisse de solidarité, des pétitions ou des actions plus dures pourront être faites, que la CNT lâche jamais, que ce n’est pas un syndicat de co-gestion et que donc nous resterons à ses côtés...ça marche. Avec une demi-heure de retard, nous sommes enfin conviés à entrer dans la fameuse salle où nous attendent quatre femmes (qui n’ont pas l’air de vouloir faire une partie de belote) et une chaise vide. Être accompagné-e ne semble pas être de coutume. D’ailleurs ma présence n’enthousiasme personne (elles ne sont pas là, non plus, pour faire de la thérapie par le rire) mais le service compétent me fournit rapidement une chaise. K. décide de commencer par fournir une lettre résumant ce qui précède et donc son étonnement. La déléguée du président du Conseil Général, chargée de mission insertion, blabla… bref, la Procureur, la lit à voix haute, à fort renfort de réflexions personnelles désobligeantes. Puis, d’un ton autoritaire et froid, explique à la - peut-être - ex-allocataire du RSA, ce pourquoi «  vous êtes convoquée et, sans couper la parole, s’il vous plaît. Je vous inviterai, ensuite, à vous s’expliquer  ». Chose que K. excellera à faire, appuyée par le nombre assez conséquent de ses démarches en recherche d’emploi.

Pas signé de PPAE (un appel téléphonique ne vaut pas signature), tendinite, bonne foi... mais La Proc’, avec la voix de Rambo  :

  •  «  Depuis combien de temps n’avez-vous pas signé de contrat (de travail) ? ».
  •  «  2 ans , 2 ans et demi  », répond K. hésitante.
  •  «  Vous voyez donc bien que vous tournez en rond, que vous brassez de l’air ! (sic) C’est pour cela que l’on vous a dirigé vers un chantier d’insertion !  ».

La proc’ est appuyée par une médiatrice (entre P-E et C.G.), sorte d’avocat général (son avocate aurait pu être son A.S. pourtant présente mais elle s’est totalement tue, la 4e personne étant la secrétaire du proc’) avec plus de pédagogie mais pas moins moraliste   :

  •  « Mais oui, vous bénéficierez d’un accompagnement personnalisé afin d’établir un projet professionnel. »
  •  « A 56 ans ! ».

Après, on lui a demandé pourquoi, d’après elle, elle ne trouvait pas d’emploi. «  La crise, ça correspond aux dates. Avant je trouvais du boulot, au moins des petits. Et mon âge », et elle énumère des exemples anecdotiques. « Alors, avant que l’on vous dise nos conclusions, si, là, on vous propose un autre chantier d’insertion (il est à plus de 30 km de chez elle), acceptez-vous ? » clôture la Proc’.. K. dit oui, couteau sous la gorge, avec les yeux perdus devant ce chantage. D’ailleurs, à chaque mot, à chaque instant, on sentait la sentence pouvant tomber lors de cet entretien-tribunal. Elle saura, par lettre, 8 jours plus tard, que, sa seule ressource économique, son allocation est maintenue, sous réserve d’accepter le poste de l’entreprise d’insertion blablabla... Le business des entreprises d’insertion, n’assurant pas, au passage, le suivi social (en échange des larges exonérations étatiques) , faisant leur marché aux esclaves à Pôle Emploi, pressant ses conseillers, dans l’indifférence des trade-unionistes (qui se disent syndicalistes), aboutit à un harcèlement scandaleux sur les demandeurs d’emploi. K. a gardé son allocation, peut-être, car elle était accompagnée et, avait un bon dossier. Mais, combien sont seul(le)s et désemparé(e)s ?

Pour tous détails, conseils ou aides, vous pouvez nous contacter (CNT-AIT 63) car, avec le nouveau tri en trois catégories de chômeurs par Pôle Emploi, ce dispositif mis en place par Sarkozy, va s’épanouir sous la gôche.

DiDon de la CNT-AIT 63

PPAE :Plan Personnalisé d’accès à l’emploi. Une équipe pluridisciplinaire comprend aussi un représentant des bénéficiaires du RSA, absent ce jour-là. (oui, les allocataires du RMI sont devenus bénéficiaires depuis le RSA).