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HOMMAGE A LA REVOLUTION ESPAGNOLE

Publié le 9 juillet 2007

Samedi prochain, samedi 19 juillet, c’est le 72 ème anniversaire de
l’insurrection libertaire espagnol qui, dans le prolongement d’un
processus révolutionaire de plus de cinquante années, déboucha sur l’un
des plus riches mûrs et profonds bouleversements sociaux.

A l’occasion de cet anniversaire est organisée à Toulouse une journée de
rencontres, débats, projections et repas où partage et convivialité
devraient être au rendez-vous, et cela entre militants de multiples
générations.

Seront présents notamment des anarchistes espagnols ayant construit et
traversé cette période riche de l’histoire du mouvement et beaucoup auront
sûrement l’occasion d’entendre et de partager en direct des témoignages
d’une révolution bien réelle et bien vécue...

VIVE l’ANARCHIE !

TOULOUSE :

14h : Projections du film « UN AUTRE FUTUR »

Film de 4 heures très documenté en nombreux épisodes

Local de la CNT-AIT (7 rue st Rémésy)

19h : Table de presse, discours, apéritif
Place Fédérica Montsény

20h30 : Repas : PAELLA
chez un compagnon (transport assuré)

co-organisé par les syndicats CNT-AIT de Toulouse et de Montauban et sa
région)


19 JUILLET 1936 :
REVOLUTION SOCIALE & VICTOIRE SUR LE FASCISME

Mille neuf cent trente six. Le talon de fer De l’État et du capitalisme écrase l’Europe. En URSS le capitalisme d’État s’installe dans une dictature sanglante. En Allemagne c’est le cauchemar nazi. En Italie règne le fascisme mussolinien. Au Portugal, Salazar impose la terreur.

A l’opposé de cette domination bestiale qui étendra rapidement ses tentacules à tout le continent, les idéaux de liberté et d’égalité vont triompher un moment en Espagne grâce à la Révolution sociale et libertaire du 19 Juillet 36.

Les militaires espagnols imbibés d’autoritarisme et de colonialisme, se sentaient un destin national de mercenaires au service des industriels et des grands propriétaires.

Quand ils font leur coup d’État, le 18 Juillet 1936, ils pensaient que tout irait vite, qu’en Espagne comme ce fut le cas en Allemagne ou en Italie, la population se soumettrait à la brutalité de la force armée. C’est l’inverse qui se produisit. Contre les généraux traî-tres, il se leva dans les 24 heures un ras de marée révolutionnaire qui allait submerger non seulement les militaires fascistes mais également la bourgeoisie dominante.

Dans leur calcul, les réactionnaires et les fascistes d’Espagne avaient oublié que le contexte social de ce pays était différend du reste de l’Europe.

Depuis des décennies que se succédaient dans ce pays les grèves de solidarité et que se multipliaient les “aténéos” (centres culturels libertai-res), il s’y était développé une culture d’auto-organisation. Les luttes dans les quartiers et dans les entreprises, menées par la base, avaient forgé une mentalité qui refusait la soumission. Les ouvriers et les paysans ne suivaient pas les politiciens. Contrairement à de nombreux pays dans ces années, le Parti communiste et le parti fasciste (en Espagne, les phalangistes) étaient groupusculaires. Cette situation inédite qui a permis la première défaite historique du fascisme fut l’œuvre de l’anarchisme militant. La spécificité des militants anarchistes espagnols était d’être majoritairement issus des classes exploitées. D’origine paysanne ou ouvrière ils restaient dans leur milieu pour y mener la lutte de classe. A l’inverse de ce qui s’est produit en France, ils ne rejoignaient pas les appareils syndicaux réformistes. Ensemble, avec leurs collègues et avec leurs voisins, ils ont construit une fédération de groupes et de syndicats qui avaient tous pour projet le communisme libertaire et dont le fonctionnement et les tactiques essayaient d’être en cohérence avec leurs finalités.


  LA FORCE ET LA CONFIANCE COLLECTIVE DES MASSES

En conséquence, Le 19 juillet 1936 vit non seulement la défaite des militaires factieux battus par le peuple en armes mais la naissance d’une Révolution sociale et libertaire. Cette journée fut historique car la force et la confiance collective furent telles que spontanément des masses d’hommes et de femmes descendirent dans la rue pour s’opposer au coup d’État. Dans la plus grande partie du territoire on vit des militaires, au départ arrogants et prêts à toutes les brutalités, reculer devant des foules décidées à ne pas se laisser faire puis finir par se rendre au premier venu.

Tout comme ils avaient gagné leur liberté, tout aussi naturellement et dans un même mouvement les paysans se réappropprièrent les terres des grands possédants et les ouvriers prirent en main les machines. Dans les champs, surtout en Aragon, Valence et Catalogne, il y eut un regroupement des terres cultivées en commun au sein des Collectivités villageoises. Chacun était libre de participer ou pas à ces Collectivités. Mais même les plus sceptiques y adhéraient quand ils constataient que la Collectivité produisait mieux pour tous et avec moins de travail. Quant aux ouvriers catalans ils placèrent leur entreprise en autogestion et au service de tous.

Bien entendu les privilèges, les traditions et l’obscurantisme religieux furent jetés par la fenêtre. Dans le pays de l’inquisition, on eut le droit de vivre en union libre ou de divorcer. C’était dans une atmosphère de liesse, de bonheur partagé et de fraternité que le peuple marchait vers un futur plus juste et plus humain en cet été de 1936.

Cela pouvait être contagieux. La bourgeoisie ne pouvait supporter un tel exemple. Elle était consciente de l’ampleur du vide politicien occasionné par la socialisation et l’autogestion des moyens de production qui ne laissaient aucune place aux gesticulations politiciennes. Le communisme libertaire était en marche et rendait inutile toute forme de pouvoir et de hiérarchie. Le premier acte des anciens dirigeants politiques fut d’inciter les anarchistes à participer à un gouvernement de front populaire. Ceux ci commirent l’erreur d’accepter. Certains, dont Fédérica Montseny, furent nommés ministres et ce n’est que trop tard qu’ils s’avisèrent d’avoir ainsi remis le pied à l’étrier aux adversaires de la Révolution sociale. Ces derniers préféraient tout plutôt que l’émancipation sociale. Ils allaient peu à peu accomplir leur travail de sape. Les politiciens professionnels socialistes et communistes, alors qu’ils ne représentaient rien, siégèrent également dans le gouvernement républicain unitaire qui sera de moins en moins symbolique et de plus en plus réactionnaire. De plus, le capitalisme avait de nouveau un pied dans chaque camp et pouvait manœuvrer au niveau international. Dans le camp fasciste, bien sûr, les nazis de Hitler et les chemises noires de Mussolini vinrent soutenir Franco. Dans le camp “démocrate”, les bourreaux staliniens furent invités par les dirigeants républicains. Le but des uns et des autres était commun : écraser les libertés et liquider les militants et les conquêtes révolutionnaires. Après les journées de mai 1937 à Barcelone ceci se réalisa au grand jour. On assista alors à la répression ouverte contre les dissidents anarchistes ou marxistes, puis à la destruction des collectivités par les chars du Parti Communiste Espa-gnol. Ce fut la militarisation de la société. La transformation par la force de la révolution en une guerre traditionnelle, dont l’épisode culminant fut l’imbécile bataille de l’Ébre, et qui n’apporta que du sang et des larmes.

Ce fut à l’aube de la deuxième guerre mondiale -dont elle constitua de bien des manières une répétition générale- que prit fin la république espagnole.

C’était en 1939.

Un militant


  ALLEE FEDERICA MONTSENY

"Nous sommes des hommes sans dieu, sans maître et sans patrie", aimait à rappeler Fernand Pelloutier, un des fondateurs du syndicalisme français. Nous ne pratiquons pas l’idolâtrie fut-ce envers l’un des nôtres, aurait-il pu ajouter. Militante réputée du mouvement libertaire espagnol, Fédérica Montsény joua dans "l’histoire officielle" un rôle de premier plan. C’est pourquoi une allée de Toulouse, où elle vécut longtemps, lui a été dédiée. Mais, pour nous, elle est avant tout une militante. Ni plus ni moins que chacun des centaines de milliers de militants que l’anarchosyndicalisme a compté.

Le chemin militant est parsemé d’embûches. Poussées par les circonstances, les structures nationales de la CNT et de la FAI commirent une erreur tragique, que Fédérica Montsény, avec trois autres compagnons, acceptèrent d’incarner en prenant chacun un ministère dans le gouvernement de la république espagnole. Fédérica Montseny eu le courage de reconnaître cette erreur. Elle continua le combat au sein de la CNT et de la FAI jusqu’à son dernier souffle, restant toute sa longue vie cette femme pétrie des idées de liberté, de solidarité et de justice sociale, à travers qui vibrait l’idéal libertaire.

En dehors de cette Allée qui porte son nom, rien ne rappelle à Toulouse la présence de nos compagnons espagnols. L’union locale CNT-AIT de Toulouse appelle les 19 juillet à 19 h. à venir y rendre hommage à tous ceux, militants connus ou anonymes, qui ont écrit avec la Révolution espagnole une des plus belles pages de l’histoire de l’humanité.

F.


  COLLECTIVISATIONS . L’ŒUVRE CONSTRUCTIVE DE LA REVOLUTION ESPAGNOLE

La C.N.T. d’Espagne (Confederacion Nacional del Trabajo, section espagnole de l’Association Internationale des Travailleurs) s’était construite sur un objectif : liquider le capitalisme & l’État et les remplacer par une société libre, reposant sur une économie autogérée égalitaire et solidaire.

Dès les origines de la C.N.T., les militants anarchosyndicalistes avaient étudié la question économique et sociale, analysé les difficultés qui surgiraient inévitablement lors d’une révolution, inventé des solutions, popularisé leurs idées dans la population par de multiples discutions, conférences, publications*1.

Surtout, par la lutte quotidienne et une réflexion critique constante ils avaient développé à l’extrême leur capacité à conjuguer autonomie d’action individuelle et organisation fédérative.
Il n’est pas étonnant dès lors que la réponse au coup d’État fasciste fut non seulement la levée en masse populaire du 19 juillet 36 mais aussi la mise en pratique, partout où cela était possible, d’une nouvelle société qui reposait sur les Collectivisations.

"C’est à la campagne que la réalisation du Communisme Libertaire revêt la plus grande simplicité car elle se réduit à mettre en vigueur la Commune Libre"*1, écrivait Isaac Puente.

De fait, en Aragon, Catalogne, Levant, Castille, Andalousie, Es-trémadure,... les Collectivisations se répandirent comme une traînée de poudre. En Aragon par exemple, il y avait 36 collectivités en février 1937 et 57 en juin de la même année. Le chiffre de 400 fut rapidement atteint.

Dans la région du Levant (Valence), on dénombrait plus de 500 collectivités en 1938.

Dans une paysannerie imprégnée depuis des années par l’idéal anarchosyndicaliste, elles résultérent de la constitution spontanée des groupes de travailleurs qui se partageaient les cultures ou les terres.
Également spontané fut la réunion des délégués élus par ces groupes dans le but d’orienter le travail général. Outre ces réunions et les réunions des groupes spécialisés dans telle ou telle tâche, des réunions de la Collectivité toute entière avaient lieu : Assemblées Générales hebdomadaires, bi-mensuelles ou mensuelles selon les cas. On s’y prononçait sur l’activité des mandatés nommés par la Collectivité, sur les cas spéciaux, sur les difficultés imprévues...

Tous ceux qui avaient adhéré à la Collectivité, hommes et femmes, qu’ils fussent producteurs ou non, intervenaient dans le débat et participaient aux décisions. Souvent même les "individualistes" (personnes qui n’avaient pas rejoint la Collectivité et qui gardaient leur propriété individuelle ; la seule limite étant qu’ils ne pouvaient avoir plus de terre qu’ils n’en pouvaient cultiver) pouvaient se prononcer et voter dans ces assemblées.

La solidarité portée au degré extrême était la règle générale des Collectivités agraires. Non seulement le droit de tous à la vie était assuré, mais dans les fédérations de collectivités le principe de l’appui mutuel était toujours de plus en plus développé grâce aux fonds communs dont profitaient les zones moins favorisées.


  DE CHACUN SELON SES FORCES A CHACUN SELON SES BESOINS

Les Collectivités étaient en pratique des structures qui appliquaient le grand principe communiste libertaire "De chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins". Dans les Collectivités qui avaient aboli l’argent, chaque membre recevait directement la quantité de ressources matérielles nécessaires.

Là où l’argent avait encore été maintenu, c’était un salaire familial qui était versé. Des expériences de "monnaie fondante" (ne permettant pas la capitalisation) furent également faites. La méthode technique de répartition différait en fonction des choix faits par l’assemblée générale des collectivistes, mais le principe moral et les résultats pratiques étaient les mêmes.

La collectivisation ne s’arrêta pas aux portes des villes. Au moment de la Révolution il s’agit de "prendre possession collective des usines, ateliers et chantiers, des logements, des édifices et des terres, des services publics et des marchandises et matières premières emmagasinés" [1]. Dans de multiples industries (métallurgie, bâtiment, textile...) les usines furent collectivisés et les assemblées générales de producteurs géraient leur fonctionnement. Le travail fut rationalisé dans un objectif social ; Toutes les observations démontrent que, loin de s’effondrer, la production des usines autogérées, dans ce pays en guerre, soit se maintint au niveau antérieur, soit, souvent, se développa. Dans de nombreux cas, les transports et les services (coiffeurs, restauration, distribution...) furent également socialisés et les collectivisations urbaines complétèrent leur action en créant d’autres lieux de socialisation de l’économie comme des coopératives de consommation.

Une conquête d’énorme importance dans ce pays écrasé pendant des siècles par la religion a été le droit de la femme à la vie, quelles ques fussent ses fonctions sociales. De même, les enfants ont vu leur droit reconnu spontanément, non comme une aumône accordée par l’État, mais comme l’exercice d’un droit que nul ne pensait plus nier.

Les Collectivités n’ont pas été l’œuvre exclusive des anarchosyndicalistes, bien qu’elles se soient construites sur les bases préconisées par eux. L’élan que les anarchosyndicalistes avaient su créer leur a permis souvent de recueillir la participation spontanée de personnes venues d’ horizons les plus divers (socialistes, républicains ou mêmes catholiques en Estrémadure par exemple).


  CHARS FASCISTES ET COMMUNISTES CONTRE LES COLLECTIVITES

Les Collectivités se heurtèrent à de nombreux obstacles, dus à l’opposition que leur manifestaient non seulement certains propriétaires mais surtout l’ensemble des partis et les organisations syndicales conservatrices (socialistes, républicains, communistes [2]) et bien sûr le gouvernement. Cependant, les échecs furent peu nombreux. Dans ses enquêtes, Gaston Leval [3] qui s’est particulièrement intéressé à la question déclare "J’ai rencontré seulement deux insuccès : celui de Baltana et celui d’Ainsa, au nord de l’Aragon".

Les Collectivités ne furent vaincus que la force militaire. A la fois celle des troupes fascistes de Franco qui détruisaient les Collec-tivités au fur et à mesure de leur avancée et, à l’intérieur des frontières de la république par les bataillons du Parti Communiste. Ce dernier équipé et soutenu financièrement par Staline avait constitué des brigades (Brigade Karl Marx dans la province de Huesca, Brigade Maria Companys dans celle de Terruel...) qui, loin de combattre l’armée de Franco [4] lançaient leurs chars d’assaut contre les paysans désarmés des Collectivités.

Ecrasés par la force brutale, les Collectivistes espagnols ont cependant démontré pendant des mois, à la face du monde, en plein XXe siècle qu’une autre économie et qu’une autre société étaient réellement possibles.
Francesito

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