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POINT SUR LA RÉPRESSION DANS L’ÉTAT ESPAGNOL

Publié le 7 décembre 2015

Le 28 octobre 2015 a eu lieu l’opération « Pandora II », avec neuf personnes détenues par les Mossos d’Esquadra [1] après que leurs domiciles, ainsi que l’Athénée Libertaire de Sants, aient été fouillés et pillés. Le juge a décrété la libération conditionnelle de deux d’entre eux, la libération sous caution (avec des cautions allant de 3 000 à 4 000 euros) de six personnes, et la détention préventive du compagnon Quique, avocat de l’opération « Pandora I », qui a passé 22 jours en prison.

Une semaine après, le 4 novembre 2015, a eu lieu l’opération « Ice », avec six membres du collectif « Straight Edge Madrid » détenus, dont quatre sont sortis le matin du 5 novembre contre une caution totale de plus de 20 000 euros, les deux autres ayant été placés en détention provisoire avec un « secret de l’instruction » poussé à l’extrême (les pièces n’ayant été communiquées ni aux inculpés ni à leurs avocats). L’une d’entre elles est sortie de prison le 20 novembre, tandis que la dernière personne se trouve encore incarcérée à Navalcarnero (Madrid).

Ces deux affaires sont la continuation de différentes opérations menées par le passé en Espagne : elles sont toutes caractérisées par une ligne judiciaire et des procédures similaires.

Le 16 décembre 2014, 11 anarchistes sont arrêté•e•s à Barcelone, Sabadell, Manresa et Madrid, dans la première partie de l’opération Pandora. La police fouille des athénées libertaires, des squats ainsi que leur domicile. De ces détenu•e•s, sept sont envoyé•e•s en prison préventive où ils passent un mois et demi avant de sortir le 30 janvier, toujours avec un « secret » extrême et sous caution (3 000 euros par personne).

Trois mois et demi après, le 30 mars 2015, 39 personnes sont détenues dans les villes de Madrid et Palencia, dans le cadre de l’opération « Piñata ». En plus, les policiers fouillent 11 domiciles et six centres sociaux autogérés dans ces deux villes ainsi qu’à Grenade et Barcelone. L’objectif réel de l’opération était de pouvoir accuser 15 personnes d’appartenance à une organisation à finalité terroriste ; les autres personnes sont arrêtées pour des délits de résistance à l’autorité pendants les perquisitions dans les centres sociaux et d’usurpation d’identité. De ces 15 dernières personnes, 10 ont été relâchées en attente de jugement sous contrôle judiciaire, et les cinq restantes sont envoyées en prison préventive. Trois d’entre elles sortent après deux mois (en attente de jugement et sous contrôle judiciaire) ; les deux autres, après un mois.

Enfin, la première de ces opérations est l’opération « Columnas », le 13 novembre 2012, avec l’arrestation de cinq personnes, dont trois sont relâchées sans poursuites tandis que les deux autres, Mónica Caballero et Francisco Solar, sont encore aujourd’hui en prison préventive en attente de jugement. Elles sont accusées tout à fait faussement d’appartenir au groupe « Mateo Morral », un groupe parfaitement inconnu de l’ensemble du mouvement libertaire, qui aurait revendiqué une bombe dans la Basilique du Pilar (Zaragoza).

Toutes ces opérations policières sont justifiées en accusant les divers•e•s détenu•e•s d’« appartenance à une organisation criminelle à finalité terroriste », à savoir de faire partie du groupe GAC (Groupe Anarchiste Coordonné), un réseau de coordination créé en 2012 par plusieurs groupes anarchistes en Espagne[ voir le [Communiqué de création du GAC, voir en espagnol. ]], dont le but exclusif est la diffusion des idées anarchistes, mais qui a été intentionnellement et artificiellement associé par les forces de police à la signature « FAI-FRI » que quelques groupes utilisent au niveau international pour revendiquer des actions de sabotage et qui est considérée dans l’UE comme une organisation terroriste.

Les indices qu’utilise le juge pour déterminer la finalité terroriste du groupe GAC sont entre autres que : les accusé•e•s utilisaient le réseau de courriels sécurisé Riseup et que certain•e•s étaient en possession d’un livre écrit par les GAC intitulé « Contra la Democracia ». Certain•e•s ont aussi été inculpé•e•s pour des actes qui pourraient être qualifiés de sabotage de basse intensité, comme le fait de brûler des distributeurs automatiques de billets, mais qui, dans le contexte d’une « organisation terroriste », prennent tout de suite une ampleur sans commune mesure.

Toutes ces procédures judiciaires et toute cette répression, avec un total de 63 arrestations d’anarchistes en moins d’un an, ne peuvent s’expliquer que par une volonté politique. À partir de 2011 avec le mouvement des Indignés, également connu sous le nom de 15 M, la montée des mouvements sociaux en Espagne s’est vue opposer une réaction répressive visant tout type de mouvement ou protestation, pacifique ou « violent ». On a ainsi pu assister à une tentative de diabolisation, en les qualifiant de « terroristes », d’un grand nombre de groupes, mouvements et individus, comme la PAH (Plataforma de afectados por las hipotecas) [2] à cause de leurs piquets de protestation devant les maisons des politiciens responsables des expulsions... Et aussi comme les anarchistes, transformés en nouveaux monstres terroristes antidémocratiques avec le prétexte des GAC, un réseau de coordination métamorphosé tout d’un coup par le pouvoir en groupe terroriste.

Par ailleurs « le code pénal espagnol, jusqu’à la réforme de l’année 2010, punissait les délits d’appartenance à une bande armée, en soulignant le fait que le groupe en soi devait être armé pour être considéré comme dangereux. Mais la réforme a fait passer de la notion de « bande armée » à celle « d’organisation terroriste », établissant que le terrorisme devait : 1) avoir pour finalité politique de subvertir l’ordre institutionnel, 2) avoir des moyens violents et 3) être organisé » [3]

C’est une définition très ambiguë, conçue pour élargir le spectre des conduites et actes pouvant être qualifiés de terrorisme. Que signifie « subvertir l’ordre institutionnel » ? Quel degré de violence est-il nécessaire pour qu’on nous qualifie de terroristes ? Un blocage d’une entreprise pendant une grève générale ? Barricader une route ? Ou l’utilisation d’engins incendiaires pour détruire des distributeurs automatiques de billets ?

Pendants des années l’État s’est servi des organisations armées comme ETA ou le GRAPO avec lesquelles il pouvait maintenir sa position de médiateur indispensable après les périodes sanglantes de la guerre civile et de la dictature, et avec lesquelles il a pu justifier les mesures de sécurité qui lui ont servi à combattre «  l’ennemi intérieur » et à réprimer tout type de dissidence politique.

Mais maintenant que ces deux bandes armées ont disparues, les forces et corps de sécurité de l’État ont créé, avec la collaboration des médias, la figure des nouveaux terroristes, des nouveaux ennemis intérieurs du système dominant grâce auxquels ils pourront justifier leurs postes de travail et créer un climat de peur leur permettant d’adopter des mesures de contrôle social, et de criminaliser plus facilement les mouvements sociaux et les exclu•e•s de la population en les cataloguant comme terroristes.

Les dernièr•e•s détenu•e•s de l’opération « Pandora II » résument très bien cette situation : « (…) l’organisation terroriste est construite, modifiée et amplifiée par l’action policière elle-même, et non l’inverse. La "lutte contre le terrorisme" crée le terrorisme, de la même façon que la loi crée le délit. »

NI INNOCENT•E•S NI COUPABLES, SIMPLEMENT ANARCHISTES

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