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CHRONIQUE D’UNE DÉFAITE ANNONCÉE

Publié le 23 septembre 2018

Lois El Khomry, code du travail, statut des cheminots … en apparence les grandes centrales syndicales CGT, FO, SUD …ont perdues le match les opposant à l’état. La responsabilité de la défaite leur incombe puisqu’elles s’affirment en charge de la défense des intérêts des travailleurs et que, à ce titre, elles ont décidé les stratégies et les modalités de la lutte. Pourtant, au final, ce sont les travailleurs qui paieront les pots cassés. Comment en est-on arrivé là ? La lutte pour la défense du statut des cheminots est exemplaire à plus d’un titre : dans ce secteur, et toutes les luttes passées l’ont montré, aucune victoire ouvrière ne peut être obtenue sans le soutien des usagers, sans leur solidarité, or une grève dans les transports publics les pénalise.

Une grève classique n’est donc peut-être pas la meilleure forme de lutte à adopter. Surtout si l’on considère qu’une grève doit d’abord pénaliser le patron en le privant de revenus ; dans le cas de la SNCF, il n’est même pas certain que la diminution des revenus consécutives à la grève gène beaucoup l’état propriétaire. Alors que faire ? Une solution : l’action directe et, par exemple, faire rouler des trains gratuits pour les usagers … Lorsque cette solution est évoquée, les syndicalistes se récrient : c’est formellement interdit par la loi, c’est illégal. Violer la loi ? Quelle horreur !!! Diantre, rappelons à tous ces Cassandre qu’ il y a à peine plus d’un siècle les grèves et les manifestations étaient interdites par la loi et sauvagement réprimées par les forces de l’ordre, et que c’est parce que les travailleurs se sont mobilisés et ont violé la loi que ces droits fondamentaux sont rentrés dans la constitution.

Au dix neuvième siècle, des gamins de huit ans travaillaient dans les mines, la retraite n’existait pas ni les congés payés ni aucune protection sociale. L’espérance de vie des ouvriers était deux fois inférieure à celle des bourgeois et, si les choses ont changé, c’est uniquement parce que des travailleurs se sont mobilisés, se sont révoltés contre les patrons, l’état et la loi, et ont imposé par la force leurs revendications. Nombre d’entre eux sont morts pour cela ou ont été emprisonnés, victimes de la répression menée par les forces chargées de faire respecter la loi. De même, en mai 68, c’est bien parce que des millions de travailleurs ont occupé les usines, se sont affronté aux CRS, et ont, par l’ampleur de leur mobilisation, fait vaciller le pouvoir que l’état et les patrons ont reculé sur bien des points.

Et si aujourd’hui tous nos chers bureaucrates syndicaux ont « oublié » ces faits, refusent de transgresser les lois, et se contentent de jouer les matamores dans les médias, c’est parce que les centrales syndicales qu’ils dirigent sont totalement intégrées dans le système, que leur budget est en pratique à plus de 60 % financé par l’état et les patrons, et que tout ce bel appareil (permanents, locaux, avantages divers etc etc) s’effondrerait si ils sortaient du rôle que l’état leur a imparti. Car qui oserait le contester, les syndicats institutionnels ont dans notre société un rôle convenu ; et ce rôle n’est pas celui que les travailleurs qui leur font confiance imaginent. Leur rôle réel est de s’asseoir à la table des patrons, de négocier avec eux les formes et les modalités de l’exploitation capitaliste, (horaires, conditions de travail, salaires…).

Bien sûr, leur rôle est aussi de veiller au respect par les patrons des lois sociales, de défendre les travailleurs contre les patrons voyous, mais ils ont depuis longtemps oublié que la loi n’était jamais que le reflet des rapports de force entre les classes, et qu’au final, la loi était faite par l’état pour défendre les intérêts de la classe dominante (et c’est bien pour cela que la loi définit strictement les formes légales de lutte basées sur la représentation et interdit absolument toutes les formes de lutte d’action directe). Leur rôle donc est de gérer les conflits sociaux et de faire régner la paix entre les classes.

A ce titre ils sont un des piliers du système capitaliste. Toutes les luttes récentes l’ont montré, les travailleurs n’ont plus rien à attendre des syndicats traditionnels et ce n’est qu’en créant de nouvelle formes d’organisation, gérées directement par les travailleurs eux mêmes, sans permanents et sans hiérarchie, pratiquant l’action directe (refus de toute représentation et prise en charge par les intéressés de leurs propres luttes), refusant de participer à toutes les institutions patronales ou étatiques qu’ils pourront renverser les rapports de force dans la guerre qui les oppose aux patrons.

Ces formes d’organisation et de luttes n’ont rien de nouveau, ce sont celles que déjà au 19e siècle les travailleurs avaient spontanément adoptées et développées pour faire entendre leurs revendications et conquérir les acquis sociaux que l’état et les patrons remettent en cause aujourd’hui.

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