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ROYAUME-UNI : RESISTANCE A L’AUSTERITE  !

Publié le 1er septembre 2012

Et oui, après la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’austérité (ce moyen de mettre définitivement à bas la classe ouvrière sous prétexte de réaliser des économies, alors que le capitalisme sait trouver de l’argent) s’étend désormais au Royaume-Uni. Voici un petit aperçu de la situation britannique, et des résistances qui s’organisent, car oui, les britanniques aussi savent faire grève !

En 2010, peu avant les élections, un compagnon anarchosyndicaliste an-glais me disait « la crise a durement secoué la Grande-Bretagne, à cause de la prédominance du secteur financier. Le gouvernement a renfloué les banques, et les partis se battent seulement sur le timing de l’austérité ».

Mais d’abord, un petit retour : le 6 mai 2010, David Cameron (membre des Tories, le Parti Conservateur) est élu Premier ministre. Le Labour Party (le PS local) est laminé, et un nouveau parti, les Lib-Dems (Libéraux-Démocrates, le MODEM en gros) s’invite à la fête et termine troisième. C’est la première fois qu’un parti autre que Labour et Tory s’immisce si haut. Il faut dire que ce parti, nouveau, jeune, a fait souffler un vent d’espoir... vite retombé, car une fois leur score assuré, ils ont passé une alliance avec les Tories... Le BNP (le FN local) est un petit parti, et ne « profite » pas de la crise. Notons 35 % d’abstention !

Depuis, les attaques pleuvent sur les travailleurs-euses britanniques. Mais ne nous faisons aucune illusion, elles ne font que poursuivre les attaques lancées par le Labour Party lorsqu’il fut au pouvoir, car désormais, depuis Thatcher, tout les partis sont néo-libéraux... pendant ce temps là, la classe ouvrière souffre … mais elle s’organise  !

Autre particularité anglaise, il y a une seule « confédération » syndicale, le TUC. Tous les syndicats y sont affiliés, qu’ils soient clairement traîtres ou un minimum combatifs... Le TUC est à peu près aussi « combatif » que la CFDT ou la CGT. En Irlande et en Écosse, ce n’est plus le TUC, mais c’est la même chose... Mais sur les lieux de travail, impossible ou presque de lutter sans s’y affilier. Revenons sur les attaques.

A peine élu, Cameron annonce une série massive de suppressions d’emplois, des coupes budgétaires énormes (les « cuts »), et une augmentation mirobolante des frais d’inscription dans les universités (multipliés par 3). Une année coûte... 10 700 euros ! Dès lors, le TUC appelle à la grève, ce que nous autre anarchosyndicalistes appelons le « Spectacle de la contestation » (ils n’appellent qu’à la grève dans le secteur public). Autre précision, en Angleterre, une grève sur un lieu de travail n’a lieu qu’après un vote, et les grèves de solidarité sont interdites (merci Maggie, merci le TUC de n’avoir rien fait...). Mais le TUC est débordé : dans les facs, dans les lieux de travail, dans les magasins (Vodafone, la BBC...), les occupations se multiplient. Le mouvement « Anti-Cuts » est lancé. Des banderoles apparaissent : « No Tory Cuts. No Lib-Dem Cuts. No Labour Cuts ». Le SWP (notre NPA...) se concentre sur la démission de David Cameron... il ne peut se présenter nationalement et vote donc... Labour. Le TUC (très proche du Labour Party) tente d’encadrer en vain. A Leeds, le local du syndicat étudiant est occupé... par ses affilié-es ! En Irlande, le 27 novembre 2010, 100 000 personnes manifestent à Dublin (record historique) ! Le ICTU (TUC irlandais) est débordé...

Solidarity Federation (SolFed) est la section britannique de l’AIT. Après des années de stagnation, elle s’est développée, a accueilli de nombreux jeunes et est très dynamique. Elle a remporté des victoires par l’action directe. Aujourd’hui, elle se compose de 13 groupes, dont 2 en Écosse. Lors de ces mobilisations, elle organisait des «  Blocs des Travailleur-euses Radicaux-ales » avec l’Anarchist Federation (qui n’a que peu à voir avec la FA française) et d’autres anarchistes. En novembre, les actions directes se multiplient, les locaux des Torys sont attaqués, des millions de personnes manifestent, 30 universités sont occupées... Le TUC a bien du mal à canaliser cette rage. La police est ultra-violente, et d’ailleurs il lui est demandé d’appliquer des nouvelles stratégies, telles le kettling qui consiste a encercler les manifestant-es en centre-ville, et à contrôler les papiers... ça peut durer 4 heures... Les médias dénoncent les « Minorités Violentes ». SolFed répondra publiquement, réponse bien accueillie. Mais le gouvernement refuse de céder, la pression retombe... pas pour longtemps.

En août 2011, un jeune est tué par la police à Londres. S’en suit un mois d’émeutes. Dans les bus, on trouve des affiches pour dénoncer les émeutiers. Un compagnon m’expliquera que parfois, lorsque des magasins sont pillés, la nourriture et l’argent sont redistribués...

Le 30 novembre, les « cuts » n’ont pas diminué, et une énorme grève est convoquée. Elle battra des records dans plusieurs villes. On entend parler de 60 % de grévistes. Cameron ne parade pas vraiment... Mais le TUC veille, tout comme le Labour Party. Mais comme on l’entend toujours depuis la grève des mineurs, « I’d rather be a piquet than a scab, and I still hate Thatcher  » [1].

Et là, il y a quelques mois, une nouvelle attaque. Nommée « Workfare ». Simple. Elle consiste à faire travailler les chômeurs-euses gratuitement ou à les payer 80 euros par semaine durant 6 mois s’ils ou si elles veulent continuer de toucher leurs allocations. Deux stratégies : une « expérience volontaire de travail » non rémunérée. Si une fois commencé, vous voulez arrêter... vous perdez vos allocations. L’autre : faire bosser gratos les handicapé-es pour les « intégrer ». en réduisant de 20 % les personnes incapables de travailler... Sans oublier que le fait d’engager des esclaves permet de licencier à tour de bras. Le gouvernement lui-même dans un rapport avoue que ça ne « relance pas l’économie ». Cette attaque inouïe n’est pas passée inaperçue. Tesco, ligne de supermarchés, a commencé à employer des esclaves (non-payé-es donc...). Devant les protestations, quelques piquets et des pétitions, Tesco a renoncé à ces pratiques dignes d’un autre âge. La résistance s’organise (« Boycott Workfare »), des piquets ont commencé à fleurir un peu partout. Le 3 mars, première journée nationale contre le Workfare. En mars la SolFed a lancé une campagne nationale d’actions directes contre Holland and Barret, chaîne de cosmétiques bios, qui planifiait d’utiliser 1 000 travailleurs-euses sous workfare, sur 3 500 salarié-es ! Depuis des mois, des piquets anarchosyndicalistes ont fleuri devant les boutiques H&B, la Solfed étant rejointe par des membres du collectif anti workfare, des syndicalistes, des anarchistes...

Le 5 juillet, 24 heures avant une nouvelle semaine d’action contre la chaîne, Holland and Barret annonce l’abandon du workfare, reconnaissant que c’est sous la pression des manifestant-es et le boycott des consommateurs-trices. La victoire, principalement obtenue par SolFed, fut répercutée dans la presse nationale. C’est une énorme victoire pour des centaines de travailleurs-euses, mais surtout une victoire obtenue par une petite organisation anarchosyndicaliste, par des pratiques d’action directe, de boycott, de solidarité de classe. Cette toute récente victoire de nos compagnes-ons nous prouve qu’une nouvelle fois, le syndicalisme institutionnel est une impasse, et que l’anarchosyndicalisme permet de riposter efficacement. Fort de ce succès, le réseau Boycott Workfare, ainsi que la SolFed, vont s’attaquer à d’autres entreprises [2]. La classe ouvrière britannique n’est pas réputée pour sa combativité. Néanmoins, face à de telles attaques, la riposte s’organise, presque naturellement. Pas encore massive, mais de plus en plus nombreuse, et déterminée. Là aussi, quelque chose se prépare, pas encore une rupture, mais on y viendra. Ce qui se passe en Grande-Bretagne est ce qui va arriver en France très bientôt, quel que soit le gouvernement. C’est ce que nous devons tirer comme enseignement. Ça et aussi que seule la résistance auto-organisée, de classe, et l’action directe mettrons les exploiteurs à genoux. Je concluerai par deux slogans de nos compagnes-ons de la SolFed : « L’action directe ne donne que du bon » et « Ne vote pas, organise toi  !  » [3].

Wildcat, Union Locale CNT-AIT 63