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La Commune de Paris, la gréve de loyer la plus réprimée de l’histoire

Publié le 7 mai 2021

À la fin du Second Empire et au moment de la Commune, les conditions de logement des ouvriers parisiens sont déplorables.
Les logements sont petits, insalubres, dépourvus de tout élément de confort. La situation a été aggravée par les travaux du baron Haussmann qui ont livré le centre de Paris à la spéculation et rejeté les couches populaires vers les arrondissements périphériques. Pendant le Second Empire, les loyers ont plus que doublé.

Les salaires sont très loin d’avoir évolué dans les mêmes conditions. La guerre et l’encerclement de Paris par les Prussiens ont aggravé la situation. La plupart des ouvriers se retrouvent au chômage.

(Chapitre de la Brochure sur l’histoire de la grève des loyers)

À la fin du Second Empire et au moment de la Commune, les conditions de logement des ouvriers parisiens sont déplorables. Les logements sont petits, insalubres, dépourvus de tout élément de confort. La situation a été aggravée par les travaux du baron Haussmann qui ont livré le centre de Paris à la spéculation et rejeté les couches populaires vers les arrondissements périphériques. Pendant le Second Empire, les loyers ont plus que doublé. Les salaires sont très loin d’avoir évolué dans les mêmes conditions. La guerre et l’encerclement de Paris par les Prussiens ont aggravé la situation. La plupart des ouvriers se retrouvent au chômage.

Dès sa formation en septembre 1870, après la chute de Napoléon III, le Gouvernement de la Défense nationale du Général Trochu décide d’un régime d’exception pour les loyers et les logements parisiens : les payements des termes des locataires sont suspendus. C’est l’une de ses premières mesures, car le gouvernement est préoccupé par le risque de révolte populaire. Mais en retour l’une des premières mesures de l’assemblée conservatrice et monarchiste, élue en février 1871 et qui s’est installée à Versailles, est de mettre fin au moratoire sur les loyers. Cette disposition a certainement l’une des causes de l’insurrection qui déclenche la Commune de Paris. À tel point que certains n’hésitent pas à dire qu’elle fut «  la grève de loyers la plus réprimée de l’histoire  ». [1]

L’historienne Jeanne Gaillard, sans aller jusqu’à la, montre bien que le décret versaillais qui met fin le 13 mars 1871 au moratoire des loyers, alors en vigueur depuis six mois, a probablement joué un rôle important en solidarisant différentes couches sociales [2].

Décret de la Commune du 29 mars 1871

D’ailleurs la Commune, dès sa troisième séance du 29 mars, décrète le rétablissement du moratoire sur les loyers [3], avant d’ordonner un mois plus tard, le 25 avril 1871, la réquisition des logements inoccupés en faveur des habitants de maisons bombardées par les Versaillais [4].

Les réquisitions de logements vides furent aussi monnaie courante, que ce soit en faveur des habitants de la banlieue réfugiés à Paris lors de l’investissement de la ville par l’armée prussienne, ou encore en faveur des habitants de Paris chassés de chez eux par les bombardements prussiens, ou, plus tard, par ceux de l’armée versaillaise lors du second siège. Les autorités qui prononçaient ces réquisitions étaient la plupart du temps les mairies d’arrondissement.

Le 19 mai, une affiche officielle déplorait que les propriétaires et les concierges ne s’empressent guère de signaler aux mairies les locaux vacants… En conséquence, «  les logements, appartements et chambres garnies de meubles, abandonnés, appartenant aux fuyards sont réquisitionnés et mis à la disposition des citoyens dont le mobilier aura été atteint par un obus Versaillais, et cela, après enquête.  »

Toutefois, le simple moratoire du payement de trois termes pour les locataires «  ordinaires  » (non bombardés) mis en œuvre par la Commune semblait insuffisant pour les anarchistes. Ainsi dans son fameux livre «  la Conquête du Pain  », l’anarchiste russe Kropotkine dans son chapitre sur le logement en fait-il la critique. Il est aussi le premier à parler de la grève des loyers et de la gratuité du logement :

«  En révolution ou non, il faut au travailleur un abri, un logement. Mais, si mauvais, si insalubre qu’il soit, il y a toujours un propriétaire qui peut vous en expulser. Il est vrai qu’en révolution le propriétaire ne trouvera pas d’huissier ou d’argousins pour jeter vos hardes dans la rue. Mais, qui sait si demain le nouveau gouvernement, tout révolutionnaire qu’il se prétende, ne reconstituera pas la force et ne lancera pas contre vous la meute policière  ! On a bien vu la Commune proclamant la remise des termes dus jusqu’au 11, avril, – mais jusqu’au 1er avril seulement  ! Après quoi il aurait fallu payer, lors même que Paris était sens dessus dessous, que l’industrie chômait, et que le révolutionnaire n’avait pour toute ressource que ses trente sous  !

Il faut cependant que le travailleur sache qu’en ne payant pas le propriétaire, il ne profite pas seulement d’une désorganisation du pouvoir. Il faut qu’il sache que la gratuité du logement est reconnue en principe et sanctionnée, pour ainsi dire, par l’assentiment populaire  ; que le logement gratuit est un droit, proclamé hautement par le peuple.  »

Souvenir de la Commune

– Eh bien monsieur Vautour on s’la déménage
– Et mes trois termes  ?
– Et Vive la Commune… ça compte donc pour des prunes  !
Procès-verbaux de la Commune de Paris – Séance du 24 avril 1871

Citoyens, nous avons tous les jours, aux différentes mairies, une foule de gens, qui viennent nous demander des logements. Nous ne pouvons satisfaire à toutes ces demandes. Il faudrait un décret d’urgence, autorisant les mairies à réquisitionner les logements inhabités pour les mettre à la disposition des nécessiteux. Les municipalités se trouvent très embarrassées  ; elles ne peuvent faire ce qu’elles désireraient pour le bien de tous  ; il faut donc leur donner formellement l’autorisation indispensable pour qu’elles puissent procéder comme je l’indique. Je demande donc un décret d’urgence. Ainsi, pour moi, comme adjoint, au maire, j’ai dû, pendant le Siège, loger dans des hôtels une foule de réfugiés. Depuis, je suis assailli de réclamations incessantes. On m’accuse de violation de domicile, etc., etc. Je le répète, cette position est intolérable  ; il faut absolument un décret d’urgence. (Approbations.)

Trinquet. – J’ai déposé, il y a trois jours, une proposition relative aux maisons abandonnées  ; j’en demande la lecture.

Le président. – Voici le texte du projet de décret présenté par le citoyen Malon :

«  La Commune de Paris,

«  Considérant qu’il est indispensable de fournir le logement aux victimes du second bombardement de Paris, et considérant qu’il y a urgence,

«  Décrète :

«  Art. 1er. — Réquisition est faite de tous les appartements abandonnés depuis le 18 mars.

«  Art. 2. — Les logements seront mis à la disposition des habitants des quartiers bombardés au fur et à mesure des demandes.

«  Art. 3. — La prise en possession devra être précédée d’un état des lieux, dont copie sera délivrée aux représentants des possesseurs en fuite.

«  Art. 4. — Les municipalités sont chargées de l’exécution immédiate du présent décret. Elles devront, en outre, dans la mesure du possible, faciliter les moyens de déménagement des citoyens qui en feront la demande  ».

Arnould. – Il y a une lacune dans la proposition Malon. Le citoyen Malon demande la réquisition des logements de tous ceux qui ont quitté Paris depuis le 18 mars  ; il faut réquisitionner tous les logements vacants quels qu’ils soient. (Appuyé.)

Le président. – Le citoyen Amouroux propose un amendement qui n’a pas trait directement au projet Malon, mais qui peut s’y rattacher. En voici le texte :

«  Chaque arrondissement sera tenu…  ».

Un membre. – C’est là une question de réglementation et non pas de décret.

Malon. – Je crois, en effet, qu’il n’est pas possible d’obliger les municipalités à fournir chacune un nombre de 50 voitures  ; les unes le pourront, et ce sera impossible pour d’autres. Qu’on les invite seulement à faire ce qu’elles pourront. Aujourd’hui, à Batignolles, nous avons plus de 50 voitures toutes prêtes, mais, je le répète, beaucoup de mairies ne pourront en faire autant.

Amouroux. – Ma proposition est plutôt une invitation urgente à faire aux municipalités qu’un amendement  ; elle n’aurait d’effet que pour l’armistice.

Babick. – On parle d’armistice ici. Je ne sache pas cependant que la Commune ait voté un armistice.

Le président. – Si tout le monde parle ici, nous ne ferons rien de sérieux.

Lecture du projet Malon.

Tridon. – Il faut ajouter au projet que l’on mettra les scellés sur les armoires. (Bruit.) Mais, il faut mettre les points sur les i.

Clémence. – J’ai déposé un projet analogue, dans lequel je demandais d’abord qu’on disposât des logements de ceux qui ont été décrétés d’accusation.

Malon. – C’est l’affaire des municipalités.

Le décret, proposé par le citoyen Malon et amendé dans le sens indiqué par les citoyens Arnould et Tridon, est adopté.

Vaillant. – Il y a aussi beaucoup de gardes nationaux qui se trouvent sans asile, par suite de la loi sur les loyers. Il faut qu’on en fasse mention.

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