Bangladesh
Publié le 27 novembre 2021
La production de thé au Bangladesh a débuté lors de la période coloniale, au XIXe siècle. La première plantation a vu le jour à Malnicherra (district de Sylhet) en 1854. Depuis, ce sont toujours les mêmes conditions féodales qui sont imposées aux cueilleurs de thé. Ou plutôt aux cueilleuses, car ce sont quasi exclusivement aux femmes qui sont employés pour ce travail exténuant, debout toute la journée dans des conditions parfois suffocantes. Il y a 167 plantations de thé, auxquelles s’ajoutent environ 800 petites exploitations. Plus des trois quarts de la production de thé sont réalisée dans la division de Sylhet, au nord-est du pays, notamment à Maulvibazar et Habiganj qui bénéficie d’un climat humide et d’un relief légèrement escarpé.
Alors que le Bangledesh était un pays exportateur jusque dans les années 90, aujourd’hui la production de thé ne suffit pas à couvrir la consommation locale, notamment du fait de la faible productivité des plantations vieillissantes et mal entretenues par les propriétaires de plantation de thé. Les cueilleuses de thé sont certainement les plus exploitées et les plus pauvres de tous les travailleurs du Bangladesh, leur salaire étant le plus faible des 43 secteurs industriel du Bangladesh, selon Rajat Biswas, secrétaire général de la région de Maulvibazar du syndicat Shangha (BUTS).
En 2010, le gouvernement avait fixé le salaire minimum journalier à 45 Taka1, soit 44 centimes d’euros par jour ! Cela avait déclenché une grève immédiate et le salaire minimum avait été doublé à 99 Taka (0,98 euros/jour). Pour éviter de nouveaux mouvements de grève incontrôlés, le gouvernement et les propriétaires de plantation avaient alors eu l’idée de créer une Commission Paritaire des salaires, destinée à favoriser le dialogue social entre les représentants des employeurs et ceux des travailleurs. La Commission paritaire est nommée pour 5 ans, ses membres sont désignés par le Gouvernement qui les choisis parmi les organisations patronales et syndicales officielles et reconnues comme représentatives. Elle doit proposer une
révision des salaires minimum tous les deux ans et doit faire parvenir ses recommandations au gouvernement dans les 6 mois après avoir délibéré.
Après de nombreuses années de tergiversation, le gouvernement avait fini par nommer la Commission paritaire en janvier 2019. Celle-ci fixa alors pour deux ans le salaire minimal entre 116 et 120 Taka par jour (entre 1,15 € et 1,19 € par jour). Pourtant, les syndicats estiment que pour vivre décemment, ce salaire devrait être
au moins de 300 Taka (2,97 euros) plus le logement gratuit et un congé pour les fêtes de fin d’année équivalent à deux mois de salaires.
Cette recommandation arrivant à échéance en décembre 2020, la Commission tripartite aurait dû se réunir courant 2020 pour fixer le nouveau salaire minimal. Mais les patrons prirent l’excuse du Corona pour repousser sans cesse la réunion de la Commission. Finalement, la Commission a annoncé le 13 juin 2021, avec 6 mois
de retard, que le salaire minimum resté inchangé.
La Commission tripartite a également proposé de créer un salaire pour les apprentis de 110 Taka, ce qui est surtout un moyen de payer moins les adolescents et jeunes adultes qui travaillent aux côtés de leurs mères pendant la saison de la cueillette. La Commission a refusé le principe d’une augmentation annuelle automatique de 5% - pourtant recommandée par le Bureau des salaires minimum du gouvernement ! – a dénoncé Gita Rani Kanu, présidente du Forum des Femmes travailleuses du Thé du
Bangladesh. La Commission a par contre proposé de se réunir tous les 3 ans au lieu de tous les 2 ans !
Enfin si la Commission a recommandé aux employeurs de fournir une citerne ou un puit pour chaque 20 familles de travailleurs, elle n’a pas précisé comment les employeurs devaient s’assurer que l’eau était potable, alors que c’est pourtant obligatoire selon le Code du Travail du Bangladesh de 2006.
Le refus de la Commission d’augmenter les salaires a déclenché la colère des travailleurs. Comme le dit Rajdeo Kairi, Cha Sramik (travailleurs du thé) du syndicat Sangha : « 167 années se sont écoulées depuis le début de l’industrie du thé au Bangladesh, mais notre salaire journalier n’est même pas de 167 Taka ! » La BASF, région de Sylhet, et le Syndicat des travailleurs du thé du Bangladesh ont exigé l’annulation du projet de recommandation sur le salaire minimum. Ils maintiennent la revendication de 300 Taka [1] journaliers minimum, ainsi que le logement et les soins gratuits et deux mois de primes.
Des mobilisations sont en cours pour dénoncer cet accord de la honte. Cet exemple démontre encore une fois que les commissions paritaires qui réunissent les employeurs et les travailleurs pour soi-disant favoriser le dialogue social ne servent à rien pour les travailleurs : les commissions paritaires ne sont utiles que pour les
employeurs et pour les parasites bureaucrates syndicaux. Les travailleuses et les travailleurs ne peuvent compter que sur leur propre force si elles veulent obtenir justice et cesser de faire confiance aux syndicats officiels et aux commissions paritaires. C’est le rapport de force – et notamment la grève – qui permettra aux travailleuses et aux travailleurs d’obtenir leurs justes revendications.