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Science, ni s’y soumettre, ni la détruire...

Publié le 31 janvier 2022

C’est sous un titre qui nous rappelle le style des « décodeurs »
« Les vaccins à ARNm susceptibles de modifier notre génome, vraiment ? »

Que l’on peut encore lire à ce jour sur le site de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (ou Inserm) le paragraphe qui suit :

Il est important de préciser que l’ARN injecté via le vaccin contre la Covid n’a aucun risque de transformer notre génome ou d’être transmis à notre descendance, dans la mesure où il pénètre dans le cytoplasme des cellules, mais pas dans le noyau. Cette donnée est confirmée par 30 ans de recherche plus générale en laboratoire sur les vaccins à acides nucléiques, qui confirment que les molécules d’ARN du vaccin ne se retrouvent jamais dans le noyau. Or, c’est dans ce noyau cellulaire que se situe notre matériel génétique. ‘ 

Pourtant, la phrase ‘ Or, c’est dans ce noyau cellulaire que se situe notre matériel génétique’’ est fausse.
En soulignant cette erreur je ne veux pas dire que les personnes qui l’ont commise ignorent que dans le cytoplasme cellulaire il existe des organites, les mitochondries, qui possèdent également de l’ADN, appelé précisément ADN mitochondrial, cela ils le savent parfaitement.

Je n’entends pas non plus affirmer que l’ARN messager artificiel qui se retrouve dans le cytoplasme pourrait interférer avec cet ADN mitochondrial. J’en suis totalement incapable (même si je suis obligé de remarquer que la mitochondrie est un élément clé de la vie cellulaire et que son dysfonctionnement est impliqué dans nombre de pathologies).

Non, mon propos est de dénoncer un mécanisme classique que j’appellerai le mensonge pieu lequel a sévi tout au long de l’histoire des idées religieuses et politiques en se justifiant par la lutte du Bien contre le Mal, il s’agit selon l’horrible formule de traficoter la connaissance pour ne pas « désespérer Billancourt ».
En l’occurrence pour respecter une démarche de vulgarisation scientifique un tant soit peu honnête, il était très simple de ne pas trahir la vérité en écrivant ‘‘ Or, c’est dans ce noyau cellulaire que se situe l’essentiel de notre matériel génétique’ ‘ et cela n’a pas été fait. Pourquoi ?

Il me semble clair que le mobile des auteurs était que le grand public reçoive un message fermé ne laissant aucune place au doute. C’est celui de dire qu’il n’y aucun risque. « Puisque 30 ans d’études » confirment que l’ARN artificiel s’il pénètre dans le cytoplasme ne se retrouve jamais dans le noyau de la cellule. Le public doit ainsi être persuadé que le noyau de la cellule est un coffre-fort inviolable qui renferme tout notre patrimoine génétique. Le mensonge pieu permet de ne pas laisser de place à l’incertitude pour ne pas affaiblir la structure d’une théorie, ici celle d’un vaccin ‘risque zéro ‘.
https://presse.inserm.fr/les-vaccins-a-arnm-susceptibles-de-modifier-notre-genome-vraiment/41781/

Les anarchistes et la Science

Ce petit exemple démontre s’il le fallait comment la Science est dépendante de l’esprit du temps et pire encore quand elle devient officielle, et c’est le cas de L’INSERM, comment elle se soumet à une volonté politique majoritaire. La crise du covid n’a pas échappé a cette règle et l’opinion publique en a subi le rouleau compresseur. Selon un mécanisme classique, le pouvoir officialisait le savoir qui lui convenait, ce savoir devenu officiel légitimait le pouvoir qui s’en prévalait.

Mais comment expliquer en cette période la quasi-absence de critique libertaire alors que la variable d’ajustement de cette crise a été la Liberté ?
À mon avis cela vient du mythe de Galilée, de son opposition à la religion date la place de la Science dans le mouvement pour la Liberté. Il en a découlé que dans le mouvement anarchiste qui a pourtant une forte tradition de critique face à aux croyances religieuses et aux dogmes idéologiques cette reconnaissance s’est transformée en confiance absolue puis en croyance. Cet état d’esprit fût renforcé par la concomitance entre l’éclosion des plus fameux théoriciens anarchistes à la fin de XIX et une foi quasi absolue dans le Progrès qui régnait à cette époque en Occident. Entre l’invention du télégraphe et avant les grands conflits mondiaux et leur technologie meurtrière la science fût une illusion féerique grâce à laquelle tous les problèmes devaient se résoudre, il restait peu de place pour le doute…

Assez rares furent ceux qui comme Bakounine posèrent les bases d’un scepticisme qui s’avère finalement plus proche de la démarche scientifique moderne que du scientisme de son époque. Dans Dieu et l’État il nous met déjà en garde contre les experts Tant qu’ils forment une région séparée, représentée spécialement par le corps de savants, ce monde idéal nous menace de prendre à l’égard du monde réel la place du bon Dieu réservant à ses représentants patentés l’office des prêtres et le gouvernement de savants. Le gouvernement de la science et des hommes de la science, s’appelassent-ils même des positivistes, des disciples d’Auguste Comte, ou même des disciples de l’école doctrinaire du communisme allemand, ne peut être qu’impuissant, ridicule, inhumain, cruel, oppressif, exploiteur, malfaisant, Un corps scientifique auquel on aurait confié le gouvernement de la société, finirait bientôt par ne plus s’occuper du tout de science, mais d’une tout autre affaire ; et cette affaire, l’affaire de tous les pouvoirs établis, serait de s’éterniser en rendant la société confiée à ses soins toujours plus stupide et par conséquent plus nécessiteuse de son gouvernement et de sa direction. ’’

Car il existe une relation évidente entre savoir et pouvoir, tout le travail de l’autorité consiste en un renforcement du pouvoir sous le prétexte du savoir. Dans une version modérée cela consistât à réserver le savoir à une caste selon le mot de Voltaire à d’Alembert « On n’a jamais prétendu éclairer les cordonniers et les servantes ». Mais ce sont les idéologies totalitaires du XX siècle qui pousseront cette logique à son degré maximal que ce soit chez les marxistes « La direction devrait venir d’en haut, de ceux qui savent davantage » dans une lettre de Jules Guesde à Marx en 1879, ou bien sûr chez les nazis « L’homme s’érige sur la base de la connaissance de certaines lois et secrets de la nature, en maître parmi les êtres vivants à qui précisément cette connaissance manque » peut-on lire dans Mein Kampf
Le combat contre ce triptyque « Savoir, pouvoir et hiérarchie » repose donc sur des bases épistémologiques, la science, il ne faut ni la détruire ni s’y soumettre, il faut la penser. À ce sujet, je ne peux que terminer en citant Karl Popper qui écrivait dans la préface de son ouvrage « La logique de la découverte scientifique ».

« Pour ma part je m’intéresse à la science et à la philosophie que parce que je souhaite apprendre quelque chose au sujet de l’énigme que constitue la connaissance que l’homme a de ce monde. Et je crois que seul un renouveau d’intérêt pour ces énigmes peut sauver la science et la philosophie de la spécialisation étroite et de la croyance obscurantiste en l’habileté particulière de l’expert. Cette croyance s’adapte d’ailleurs tout particulièrement à notre époque post-rationaliste et post –critique ». 

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