Liberté d’expression !
Publié le 14 février 2009
Aux alentours du 20 novembre, deux élèves du collège de Lauzerte dans le Tarn-et-Garonne, franchissent la porte de l’espaceCo (local autogéré ouvert à tous). Ils souhaitent pouvoir imprimer un tract. Après quelques explications, ils nous montrent le texte qu’ils ont rédigé. Il y est dit que l’école est une prison, les droits des personnes/élèves y sont niés. Ils ne supportent plus cet état de fait et ils revendiquent plus d’autonomie, de liberté.
Et pour commencer, ils souhaitent pouvoir gérer eux-mêmes leurs temps libres (espaces entre deux cours). Le tract se termine en proposant une réunion générale de tous les collégiens pour discuter de cette proposition. Autant dire que le tract plut. Très vite il fut imprimé. Les collégiens le distribuèrent. A la réunion qui suivit, nombre de collégiens décidèrent une grève pour le lendemain. Le mardi 25 novembre, une bonne quarantaine de collégiens refusèrent d’entrer en cours et se massèrent, pacifiquement, devant l’entrée de l’établissement. La réaction de la direction fut immédiate et très vive. Aucune tentative de dialogue, mais menaces, injonctions voire hurlements divers. Au bout de 10 minutes, cédant aux pressions, les collégiens mirent fin à leur mouvement et reprirent les cours sauf deux qui avant de rentrer en classe voulurent passer à l’EspaceCo pour raconter les évènements. Cela leur prit très peu de temps. Une heure après, ils étaient de nouveau à l’EspaceCo.
Dés leur arrivée au collège, l’administration les convoque, leur remet une lettre leur signifiant leur expulsion pour 15 jours du collège et les convoquant à un conseil de discipline. Il leur est par ailleurs interdit de s’approcher des abords du collège (et donc des arrêts de bus : n’habitant pas dans le village, ils sont donc dans l’impossibilité de rentrer chez eux !!). Dans la même matinée, un responsable du collège, sans se préoccuper du sort des deux expulsés, se rend chez le père de l’un d’entre eux (souffrant d’un handicap mental majeur) pour lui faire signer la lettre d’expulsion de son fils. Devant le refus de l’administration d’entamer un dialogue, les collégiens organisèrent un sit-in pendant la récréation du matin. Plus d’une centaine de jeunes y participèrent. Malgré ce beau mouvement de détermination et de solidarité, l’administration campe sur ces positions. La défense des deux expulsés s’organise. Des parents d’élèves sont contactés, le règlement intérieur est épluché, des vices de procédure sont mis en évidence. Un nouveau tract, rédigé par des collégiens et cosigné par des parents d’élèves appelle à la solidarité la plus large. De son côté, l’administration ne reste pas inactive : tous les moyens sont utilisés, même les plus scabreux. Par exemple, les élèves convoqués devant un conseil de discipline ont en théorie le droit d’accéder à leur dossier pour organiser leur défense, mais en fait, ils ne pourront les consulter sur place qu’après plusieurs heures d’attente et en présence de la supérieure du collège, seule autorisée à en tourner les pages, très rapidement qui plus est et en leur posant des questions stupides dans le même temps afin de perturber les collégiens !
À l’inverse, les deux expulsés firent preuve d’un remarquable sens de la solidarité. Ayant droit chacun à un défenseur, ils choisirent de s’autodéfendre l’un l’autre. C’est donc ensemble qu’ils passèrent devant leur tribunal. Le jour J, des affiches appelant à la solidarité sont collées autour du collège, des fax et des appels téléphoniques venus de la France entière saturent le secrétariat de l’administration. La direction de l’établissement essaye de répliquer en faisant placarder dans les couloirs le tract d’appel à la solidarité annoté par elle. Elle se déconsidère encore un peu plus aux yeux des collégiens. Enfin les sanctions tombent : les deux expulsions sont commuées en blâme alors que pourtant ils sont déjà exclus depuis quinze jours. Pour l’un des deux collégiens, s’agissant de son deuxième blâme, cette sanction se traduit par... une expulsion. Ce genre d’évènement n’est pas anecdotique ; au contraire, il nous semble très représentatif de l’état du système éducatif ; malgré la mise en place de systèmes de concertation, d’élection de délégués de classe, etc.
Quarante ans après mai 68, l’école est toujours aussi peu démocratique. Pour l’élève, le collégien ou le lycéen, la seule règle qui vaille est "étudie et tais-toi !". C’est que la fonction essentielle de l’école est toujours de former les travailleurs -consommateurs dont la France (c’est-à-dire l’état et le patronat) à besoin. L’élève y apprend le respect de l’autorité, de la hiérarchie et les valeurs d’un système fondamentalement inégalitaire et injuste. L’école est un rouage du système capitaliste et pour assurer sa fonction, peu lui importe de broyer des êtres humains. Il est donc normal que des élèves revendiquent et s’opposent et il est remarquable que, à l’opposé des valeurs enseignées, les élèves de Lauzerte aient redécouvert et mis en oeuvre les valeurs de solidarité et de liberté.
Des militants de la CNT-AIT
de Montauban et sa région