SI VIS PACEM, PARA BELLUM !
Publié le 24 mai 2009
Pour répliquer au trop fameux malaise social qui ronge notre existence, nous avons eu droit en cette fin d’hiver à une manifestation. N’en n’avez-vous pas assez ? Nous, oui ! A un point tel que cela risque de nous transporter dans le désappointement et le scepticisme, voire même dans un pessimisme schopenhauerien... Mais il ne peut en être, le renoncement n’est pas notre affaire !
L’entendement commande que l’on n’évacue pas ces deux questions : combien d’années (" Le temps perdu qu’on ne rattrape plus ", comme le dit la chanson) à déambuler et se perdre dans ces maudits centres-villes marchands ? Tel Sisyphe, faut-il battre le goudron ? Assurément, non !
Alors que la manifestation devrait traduire l’expression d’un rapport de force déjà à l’œuvre et de nature protéiforme (c’est-à-dire que ces initiateurs sachent se doter et user de moyens adaptés sur tous les endroits où l’Etat et le capital sévissent), elle n’est plus depuis fort longtemps que le rituel de l’impuissance qui se meut dans un espace socio urbain complètement déconnecté (ces maudits centres-villes marchands). Les bigots de gauche pense par là un établir un rapport de force. De fait, ils s’y retrouvent juste pour se compter et se tenir chaud dans leur huis clos. En effet, les bigots de gauche n’arrivent même plus à concevoir cette évidence. A part peut-être pour des apprentis politiciens dont la seule envie est d’intégrer les staffs qui s’emploient consciemment à amuser et illusionner les bigots de gauche, afin de mieux les diriger également vers les isoloirs ; ainsi, les bigots de gauche éliront leurs prochains maîtres qui se surpasseront dans le cynisme et la cuistrerie tout en chantant qu’"Il n’est pas de sauveurs suprêmes : ni Dieu, ni césars, ni tribuns ", etc. Ah, bigots de gauche ! Vous nous ferriez grassement rire s’il n’était que nous en payons très chèrement le prix.
On peut toujours incriminer les bureaucraties syndicales et leurs partis qui nourrissent savamment le mythe des lendemains qui chantent tout comme la religion. En l’occurrence, le rédempteur n’est plus Dieu mais l’Etat grâce à ce mensonge qui consiste à nous faire croire que ce dernier ne serait pas ex mais in petto, c’est-à-dire dans notre plus grand fort intérieur. Certes, si l’Etat découle d’une volonté et d’une action immanente de l’homme, il n’est pas le fruit d’une essence interne à l’homme, il n’est que le produit conventionnel lié aux sociétés inégalitaires. De fait, ces bigots de gauche en viennent même à rabrouer le marxisme auquel ils sont censés se référer. Celui-ci prétend que l’Etat est une incarnation de la superstructure qui est le reflet de l’infrastructure matérielle (économique) qui se modifient selon les processus sociaux historiques. Précisons également que la fonction de l’Etat est de maintenir par tous les moyens l’infrastructure, afin que les nantis puissent profiter sans crainte du profit (plus-value absolue et relative et spéculation...). La nature de l’Etat ne peut être que coercitive et elle se manifeste par les appareils répressifs d’Etat (la justice, la magistrature, la police, l’armée) ; mais il y a d’autres appareils d’Etat qui eux fonctionnent à l’idéologie (les médias, les syndicats-réformistes, l’école, la famille...) : ils assujettissent pour désubjectiviser toute conduite et pensée en les bridant dans cet impersonnel de masse sur lequel repose les contours du politiquement acceptable. Les appareils idéologiques d’Etat et les appareils répressifs d’Etat se complémentent. L’Etat est ce nouvel opium du peuple et le barbu doit s’en retourner dans sa tombe. Avec leur foi dans l’Etat, les bigots de gauche sacralisent l’exploitation et la domination. Mais ils prétendent comme la curaille délivrer l’homme des forces du mal dans leurs sermons doloristes à la petite morale compassionnelle, de cet humanisme misérable qui clame la rédemption, la réparation et la réconciliation ; au contraire, nôtre humanisme est absolu car il part du principe que chaque moment de l’existence est déterminé par la liberté qui s’acte et se structure dans le choix : il est impossible de s’y soustraire ("les salauds n’auront jamais aucune excuse à nos yeux").
Partant de ce présupposé éthique, nous sommes de plus en plus nombreux qui attendons l’instant propice pour nous jouer de l’ennemi... et ainsi redonner à la manifestation son sens véritable : l’intelligence politique de la situation qui permettra de consumer ce vieux monde spectaculaire, avarié par l’argent que les parvenus célèbrent. Nous voulons renouer avec l’esprit et la fièvre des communes de Paris (1871), de Barcelone, de Carthagène et d’Alcoy (1873). Notre appétit qui nous porte n’est rien d’autre que d’y parvenir. Nous avons à développer notre puissance qui doit s’incarner dans notre autonomie collective, dont les bourses du travail et les athénées ont été le prototype. Il nous faut prendre notre mal en patience et accepter que cela puisse être l’œuvre de toute une existence, comme celle de Michel Bakounine, qui n’a jamais eu cesse de conspirer et de combattre pour l’idéal du communisme-anarchiste. Certains diront qu’il s’agit là du pessimisme, lequel ? Il sera serein et rationnel, dixit le philosophe Camillo Berneri, à l’instar de celui de Schopenhauer. D’autre part, nous partons de ce constat : l’esprit de défaite dans lequel le mouvement révolutionnaire s’est abîmé par son incapacité à être en situation. Comme le stipule le préambule de la déclaration de l’assemblée générale des travailleurs insurgés d’Athènes : "L’histoire sera écrite par nous ou à notre insu". Dans ce dernier cas malheur à nous, la postérité appréciera et jugera de notre finitude.
Paul-Anton,
mars 2009.