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COMMENT LE CAPITALISME VERT AFFAME L’AFRIQUE

Publié le 26 septembre 2011

Depuis début juillet 2011, la Corne de l’Afrique connaît une famine extrêmement grave : 11 300 000 personnes ont actuellement besoin d’une aide alimentaire en urgence. Début août, la famine avait déjà tué 29 000 êtres humains. Cette situation catastrophique n’est pas arrivée comme ça, par une colère inexplicable des dieux de la nature. Les causes sont multiples. Pour la plupart, elles résultent de choix politiques.

La première explication (et d’ailleurs la seule) avancée sur Wikipedia est celle d’une sècheresse, elle-même causée par un phénomène naturel, « el Nina » (refroidissement de certaines eaux du Pacifique) particulièrement intense en ce moment. Cette sècheresse a entraîné un important déficit de pluviosité pendant deux années. Cependant, le caractère « naturel » du phénomène est déjà discutable, et certains scientifiques s’interrogent sur le rôle du réchauffement climatique global.

Mais il y a bien d’autres grandes causes, pas du tout naturelles, qui s’ajoutent au phénomène climatique, lui-même plus ou moins naturel.

La première est l’extrême volatilité des prix des matières premières et surtout leur hausse inconsidérée  : plus 57 % entre juin et décembre 2010 par exemple. Et cet envol ne s’est pas calmé depuis. Nous sommes devant un phénomène que nous avions déjà décrit en 2008 (cf. « Le retour des accapareurs ») : lorsque les marchés financiers sont instables, les spéculateurs se rabattent sur les matières premières. Agissant en véritables accapareurs, ils achètent en masse des denrées alimentaires dont ils n’ont pas besoin dans le but de provoquer artificiellement une pénurie. Alors, les prix s’envolent, et ils n’ont plus qu’à revendre fort cher ce qu’ils ont acheté au plus bas. Des aliments aussi indispensables que le riz, le blé, les produits laitiers… servent de terrain de chasse à ces affameurs.

Sans oublier la libéralisation au niveau mondial du marché de l’agriculture, qui entraîne une spécialisation des divers pays dans des cultures qui ne sont pas les cultures traditionnelles ; ce qui provoque rapidement un appauvrissement des sols et une désertification accrue… Ainsi est obtenu le cocktail dévastateur actuel.

Les ravages du capitalisme vert

Mais si l’on consulte la documentation de la FAO (une agence de l’ONU spécialisée dans l’alimentation) les constats que l’on peut tirer ne s’arrêtent pas là. Une autre cause peut être mise en avant, et non des moindres.

L’explosion des cultures de production de carburants verts (les « agrocarburants », produits dérivés de canne à sucre, palme et autre plantes) a eu une conséquence des plus perverse. En effet, voyant qu’il y avait de l’argent à se faire, les puissants de cette région du globe ont loué des terres fertiles (qui ne sont pas légion dans la zone) à des compagnies, avec des concessions allant de 30 à 100 ans, pour la production de ces fameux agrocarburants. A cela s’ajoute la construction de trois barrages sur les fleuves de la région afin de permettre l’irrigation de ces terres, ce qui entraîne une disparition des crues qui, ici, sont vitales pour l’agriculture vivrière. Voilà grâce à quoi nos véhicules peuvent rouler « propre » : en faisant crever de faim des millions d’africains qui eux, non seulement ne pourront jamais se payer une voiture, mais ne peuvent même plus couvrir leurs besoins les plus élémentaires.

On le voit, bien loin d’être une catastrophe d’origine naturelle, ce sont les décisions politico-économiques qui jouent ici un rôle majeur. Le capitalisme en tant que tel est pleinement responsable de cette situation.

C’est lui qui mondialise les échanges, qui marchandise tous les aspects possibles de notre quotidien. Il détruit ainsi les modes de vie qui permettaient à l’homme de s’adapter à son milieu. La logique est primaire, simpliste  : pourquoi, en effet, le pouvoir permettrait-il aux paysans de continuer à produire des produits agricoles indispensables à la vie quotidienne de la population mais non exportables (donc non « profitables ») alors qu’en concédant les terrains aux producteurs de biocarburants, il peut renflouer les caisses de la bourgeoisie locale ?

Les conséquences n’empêchent pas de dormir nos décideurs. Ni que les dégâts soient difficilement réversibles (le terrain gagné par le désert dans ces zones met des dizaines d’années à être reconquis par les hommes) ni que 11 millions d’Africains soient condamnés à la famine… du moment que notre propre air peut devenir plus pur en roulant « propre ».

Ajoutons enfin que la situation pourrait être contenue avec seulement 120 millions de dollars, (toujours d’après la FAO), soit moitié moins cher que les 176 millions d’euros (258 millions de dollars) que nous a coûté l’achat de « Air Sarko One », l’avion privé de notre président.

Amartya Sen, fameux économiste libéral, affirmait que les famines étaient dues à un déficit de démocratie : l’absence de liberté d’informer crée des déséquilibres qui entraînent une mauvaise distribution des ressources disponibles (pour simplifier). Nous affirmons nous, anarchosyndicalistes, que la famine est la conséquence du capitalisme. Avec ses outils nationaux (Etats) ou internationaux (FMI -hier piloté par un « socialiste », aujourd’hui par une sarkoziste-, Banque mondiale - toujours pilotée par un « socialiste ») le capitalisme est directement responsable des dizaines de milliers de morts à venir dans la Corne de l’Afrique. Que ce soit en essayant de se rendre plus «  vert » (et ainsi plus vertueux aux yeux des populations occidentales) que le capitalisme condamne ces millions de femmes, d’hommes et d’enfants à une torture atroce, celle de la faim, montre à quel point il est pervers.

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