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ÉLECTIONS EN TUNISIE

Publié le 16 novembre 2011

Vue de France, la victoire du parti islamiste Ennahda (qui signifie mouvement de la renaissance) est écrasante  : nos médias nous l’ont suffisamment asséné, parfois avec quelques frissons d’inquiétude, souvent avec un brin de commisération et même de mépris pour cette population si primitive, finalement avec assez de satisfaction : personne dans la gent médiatico-politique ne semble mécontent que, comme cela a été joliment écrit dans une gazette, au « printemps arabe » succède désormais « l’automne islamique ». Maintenant, il s’agit que tout rentre dans l’ordre –dans un certain ordre- en Tunisie… et ailleurs.

Ennahda (« le mouvement de la renaissance ») occupe parmi ceux qui vont se charger d’écrire une Constitution, une place incontournable. Nous comprenons l’écœurement, la déception, la souffrance de ceux qui ont les premiers osé se rebeller, de ceux qui ont eu le courage de s’opposer à la police du régime, de ceux qui, avec leur seule détermination et leur seule énergie ont réussi à le renverser. Cette génération fait sa première expérience de désenchantement de la politique politicienne. Aveuglée par le miroir trompeur de l’Occident, elle pensait que « les élections », c’est « la démocratie ». Nous savons qu’il n’en est rien : les élections, en Tunisie, comme ailleurs ne servent qu’à stopper les luttes, à entretenir l’attentisme, à faire progresser le découragement, à favoriser le repli identitaire. Nous sommes, hélas, particulièrement bien placés en France de ce point de vue !

Cependant, en rassemblant seulement –et c’est bien seulement qu’il faut écrire- 40 % des voix Ennahda fait beaucoup moins que ce que le mouvement islamiste pouvait secrètement espérer. Ennahda en effet, jouait sur du velours : par ces temps troublés, dans un pays de très longue tradition musulmane, il en appelait comme socle à la religion ancestrale, au rassemblement des croyants. Ses militants, pendant de si nombreuses années réprimés, emprisonnés, torturés, contraints à l’exil, par leur persévérance et leur obstination ne pouvaient que s’attirer à la longue des sympathies. Surtout, cette militance islamique s’est massivement investie « en profondeur », dans les couches les plus modestes, parmi les oubliées, ceux qui sont restés hors « du décor de cinéma ». De Bourguiba à Ben Ali en effet, les politiques de développement n’ont été centrées que sur les cités balnéaires et le centre ville de Tunis. C’était la partie visible du pays, la seule qui comptait. Celle qui permettait de justifier auprès des visiteurs et du monde extérieur le statut de pays modèle dans le domaine du développement et de la modernité. Immergés parmi les plus pauvres, les islamistes ont développé des systèmes d’aide, de soutien, de débrouille dans les domaines les plus essentiels de la vie quotidienne. Évidement, la « charité », la « bonté d’âme » des religieux n’a jamais exclu le stratagème, c’est pourquoi, en période électorale, cela s’appelle clientélisme. Mais ça peut rapporter des voix. La preuve.

Il ne suffit pas de dénoncer. Il faut tirer les leçons de cette histoire. Ce qui a largement payé, pour les islamistes, c’est leur travail d’implantation. A nous d’en faire autant. Si nous voulons qu’il y ait une révolution, c’est à l’implantation de nos conceptions qu’il faut œuvrer. En Tunisie comme en France et comme partout, il faut labourer en profondeur la société pour y planter les graines de la révolution, y diffuser les idées et les pratiques. Soyons-en convaincus, il n’y aura pas de Révolution (celle à laquelle nous aspirons, et qui mérite bien une majuscule) sans révolutionnaires. On ne naît pas révolutionnaire, on le devient jour après jour. Si ceux qui, en Tunisie, ont porté le Mouvement de janvier s’engagent dans cette voie, les élections et la Constitution ne seront que des épiphénomènes et le printemps refleurira.

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