APRÈS LE DRAME DE REIMS, QUE FAIRE ?
Publié le 1er juillet 2023
À Reims, deux personnels de santé agressés. Une morte, une blessée. Ça devait arriver et malheureusement ça a fini par arriver. La violence s’est installée doucement, mais sûrement dans le système de santé depuis 30 ans, avec une grosse accélération sur les quinze dernières années. Cela fait depuis les années 90 que nous les dénonçons et que nous les condamnons. Malheureusement l’État, par l’intermédiaire de ses instances et les directions d’hôpital, a toujours cherché à minimiser l’impact de cette violence. Car l’État a fait naître, par sa politique sociale et hospitalière, cette violence, en faisant passer les personnes utilisatrices de santé, de patient à client, puis de client à consommateur. Nous sommes passés d’un système de santé que le Monde nous enviait, à un système comptable et managérial où le personnel est devenu la variable d’ajustement. Quelle belle évolution pour une société qui devrait être basé sur un système égalitaire de soin.
Les plus anciens d’entre nous se souviennent que c’est au milieu années 80 que le système de santé a commencéà décliner et à être martyrisé. À cette période, j’étais aide-soignant en psychiatrie et déjà, nous, nous sentions les parents pauvres de cette société, qui ne veut pas voir ni financer ce qu’elle ne comprend pas. Il y a 19 ans déjà, le double assassinat de deux consœurs à l’hôpital psychiatrique de Pau dans la nuit du 18 au 19 décembre 2004, n’émouvait que peu. D’ailleurs qui s’en souvient. Aujourd’hui, c’est l’agression d’une infirmière et d’une secrétaire médicale, du CHU de Reims, ayant entraîné la mort de l’infirmière qui réveille ce vieux démon de la prise en charge des personnes en défaillances psychologiques.
Les autres spécialités hospitalières ne sont pas intervenues pour nous soutenir, pensant qu’elles échapperaient à cet objectif comptable. Malheureusement, elles ont pratiqué la politique de l’autruche, refusant de voir, même quelques années plus tard, lorsque d’autres spécialités furent touchées, que ce rouleau compresseur purement comptable n’épargnerait personne. Aujourd’hui toutes les spécialités sont touchées, même les plus indispensables, comme nous l’a clairement rappelé la période Covid. Résultat, rien n’a changé, de moins en moins de personnel, de moins en moins de moyens, et des politiques qui essaient toujours de nous faire croire qu’ils gèrent la situation.
Mais ne vous leurrez pas, je sais qu’un jour viendra où se sera quelqu’un sans aucun problème psychologique qui passera à l’acte, et ce jour-là, quelle sera la réaction de nos politiques, sur qui pourront-ils se défausser ? Car finalement, qui sont les vrais responsables ?
D’abord, les responsables sont l’État et son système comptable, puis les politiques qui refusent d’agir objectivement, et enfin nous, chacun d’entre nous, qui regardons et ne faisons rien. Nous utilisateurs du système qui ne savons que nous plaindre quand nous sommes concernés, et détourner le regard quand nous le sommes plus. Cette violence à l’hôpital, nous la vivons tous les jours, dans vos impatiences, votre agressivité verbale et parfois physique, parce que pour vous, nous n’allons pas encore assez vite. Même si le degré d’agressivité et de menace varie - de l’intimidation à l’agression physique - cette violence est généralisée, elle touche toutes les classes d’âges et tous les niveaux sociaux de la société.
L’État lui-même n’a aucun complexe à appliquer cette violence, vis-à-vis du corps hospitalier, en rejetant sur nous un manque complet d’organisation, en nous maltraitant et nous matraquant lors des manifs quand nous exigeons des moyens décents comme lors de la manif du 16 juin 2020. Nous n’oublions pas non plus l’extrême violence de l’État pendant la période de la Covid : les mensonges de Véran sur l’inutilité des masques pour masquer l’imprévision de l’État qui avait détruit les stocks (ne dit-on pas pourtant que gouverner c’est prévoir ?) ou encore les soignants envoyés sur le front de l’épidémie lorsqu’ils étaient malades, mais asymptomatiques. Puis une fois que la vague fut passée et qu’il était temps pour l’État de rendre des comptes, de nouveau les mensonges de Véran - repris en chœur par Martin Hirsch - pour discréditer les soignants en soutenant qu’ils refusaient de se vacciner. Il est vrai que nous commençons à prendre trop d’importance avec notre implication lors de la première vague covid, et qu’il fallait, alors, absolument trouver un prétexte pour étouffer notre voix gênante pour le pouvoir. D’ailleurs, dans sa manœuvre pour éteindre le feu qui couvait, le Pouvoir a pu compter sur la collaboration des Syndicats représentatifs en faisant passer ‘insultant « Ségur » : 183 euros par mois, soit à peine l’inflation depuis 20 ans de non-revalorisation des salaires.
Le système de santé, actuel, appartient à tous, il est notre héritage mis en place par plus d’un siècle de lutte sociale. Il est temps de réagir, collectivement, soignants et utilisateurs. Ne laissons pas l’État détruire ce bien commun. Pendant le Covid, Macron a dit « la santé avant l’économie, quel qu’en soit le coût ». Chiche ! Prenons-le au mot : créons des comités « soignants / soignés » et exigeons :
- le salaire unique pour tous les soignants, sur la base du traitement des directeurs d’ARS (après tout, nous n’avons pas été moins déméritant qu’eux pendant la crise COVID) ;
- Création massive de lits supplémentaires,
- Embauches massives d’au moins 300 000 personnels en secteur hospitalier et EHPAD, ouverture de formations.
Nous mobiliser collectivement, c’est le meilleur hommage que nous puissions rendre à nos collègues morts en service.
Alors ne nous trompons pas de cible et agissons à la racine du problème : l’Etat et l’organisation capitaliste
CNT-AIT Paris Banlieue contact@cnt-ait.info