Deux ou trois choses que je sais contre la répression...
Publié le 13 janvier 2008
Il y a officiellement en France, douze millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (dont deux millions d’enfants), et pour cela menacées quotidiennement d’expulsion de leur logement, de coupures d’électricité, et de continuelles tracasseries administratives. Il y aussi des centaines de milliers de sans papiers et leurs familles, traquées par la police, vivant en permanence dans la peur. Quant aux prisons elles débordent littéralement... on y est jeté pour tout et n’importe quoi (une seule condition : être pauvre...). De plus en plus le pouvoir, au moindre prétexte, criminalise les contestataires... Chaque fois, la question est "Qu’est-ce qu’on peut faire, tout de suite, en pratique ?" quand on est seul ou presque ?
Il est clair, pour nous, que la répression, sous ses multiples visages, ne prendra fin qu’avec la fin du système. Faut-il en conclure qu’on n’a rien à faire en attendant ? Certainement pas, tout d’abord parce que la lutte contre la répression peut être un des moyens de mener la lutte tout court ; ensuite parce que le meilleur allié de la répression c’est le silence. A l’inverse, plus le prix politique de la répression est élevé, plus le pouvoir hésite. Que faire donc ? Voici quelques idées basiques.
En ce qui concerne toutes les personnes en butte aux expulsions, elles ont en général, un peu de famille, des amis, des voisins, des collègues si elles travaillent... Pas besoin d’être des milliers. Réunir ce petit noyau de ces personnes de bonne volonté, et voici constitué un "comité de soutien".
Un noyau qui décidera, ensemble, en se réunissant régulièrement chez l’un ou l’autre, ce qu’il fera. A ce stade, la première idée qui vient souvent, c’est de penser qu’il suffit de contacter une association "droit de l’hommiste" ou un parti, un syndicat, un homme politique, pour qu’il s’occupe du dossier et le résolve. Ce n’est pas surprenant, l’immense majorité des gens conserve des illusions sur le système [1]. Or, ce qui est certain, c’est qu’un comité de soutien ne peut compter que sur lui-même (et sur des comités de son genre). Les "autres" (associations, partis, syndicats...) feront peut-être quelque chose, mais uniquement si le comité mène le combat, s’ils se sentent obligés de suivre. Si le comité (ou l’intéressé) leur livre "le dossier", c’est fini. Notre expérience, de multiples fois répétée, nous montre que leur rôle objectif est de décourager, de démoraliser les plus combatifs ("Il faut attendre que....", "On ne peut pas intervenir tant que la justice ne s’est pas prononcée", "Notre avocat va s’en occuper", "Surtout pas de vagues, la justice n’aime pas ça"...) et de noyer le poisson.
Donc, que peut faire un petit comité ?
D’abord expliquer de façon simple, par écrit, ce qui se passe. Et le diffuser : affichettes, tracts... tout cela peut être fait sans autre moyen que quelques photocopies. On peut les placarder, les mettre dans les boîtes à lettres, distribuer autour de l’administration concernée... les pétitions facilitent le contact direct avec les gens...
Ensuite, passer à l’action à son petit niveau, sans se préoccuper de l’avis des "gens bien informés" (qui ne manqueront pas de venir expliquer qu’il est urgent d’attendre). Par le passé nous avons vu des mères de famille monter au créneau, entamer des grèves de la faim. Nous les comprenons. Mais il nous semble plus simple et plus efficace de se rendre collectivement dans une administration quelconque mais facilement accessible. Une permanence d’adjoint au maire ou autre pèlerin de la sorte peut aussi faire l’affaire. Que ce lieu n’ait pas de rapport direct avec l’affaire n’a strictement aucune importance. C’est l’Etat qui réprime, et l’Etat est un tout. On débarque donc dans un bureau. On peut alors demander à parler à un responsable. Il dira qu’il n’y est pour rien. On lui demandera ce qu’il pense du problème, lui, en tant qu’être humain, pas en tant que rouage du système. On lui répétera ce qu’on a à dire.... On repart, on reviendra, ici ou ailleurs, porter la même protestation. A ce stade, il ne s’agit pas d’occuper quoi que ce soit ou de s’affronter avec qui que ce soit. Il y a des milliers de personnes harcelées par le pouvoir, on lui rend simplement la monnaie de sa pièce. Si chaque jour, il y avait des centaines de petits groupes de personnes qui faisaient ce modeste travail, le système serait certainement moins leste et la multiplication des actes sporadiques favoriserait un changement d’ambiance général, le passage de la résignation a la résistance.
Dans les cas de poursuites judiciaires, il faut également organiser un comité de soutien avec les proches. C’est ce comité qui permettra d’aider et de renforcer le "justiciable" de façon à ce qu’il puisse affronter cette lutte dans les meilleures conditions pénales, matérielles et morales. Ainsi en cas d’incarcération il faut l’encourager par la multiplication des courriers, de demandes de parloir, pour qu’il reste debout, pour ne pas qu’il soit écrasé. C’est très important parce qu’alors il pourra aider d’autres personnes écrouées, faire circuler les numéros d’écrous des plus isolés, informer sur l’actualité pénitentiaire, bref créer un rapport de force intra muros qui pourra être relayé par l’extérieur avec une véritable résonance politique et concrète.
Marielle