CLERMONT-FERRAND
Publié le 6 janvier 2012
Des journes libertaires à la lutte des classes
Nous souhaitons débuter cet article par une bonne nouvelle. Dans le numéro précédent d’Anarchosyndicalisme ! (numéro 126), nous parlions, entre autre, de la lutte que nous menions pour la régularisation de « I ». Depuis, il a obtenu des papiers, et un travail. Toute la lutte a été menée selon ses souhaits. Il tient (et nous avec) à remercier le syndicat CNT-AIT de Toulouse pour sa précieuse aide financière et à souligner le travail efficace, dans une ambiance chaleureuse, menée par un petit syndicat ! Dans les lignes qui vont suivre, nous souhaitons d’une part dresser un bilan des Journées Libertaires, et détailler la lutte globaliste que nous avons décidé de mener par la suite.
Les Journées Libertaires
Du 14 au 18 novembre dernier, l’UL de la CNT-AIT 63 organisait ses premières Journées Libertaires, sous le slogan « Et si on essayait une fois par nous-mêmes ? ». Ces journées furent un succès de notre point de vue.
Le lundi, le débat sur l’anarchosyndicalisme a attiré du monde, plus de 25 personnes, à notre surprise. Le débat qui a suivi l’intervention de deux compagnons fut très intéressant et constructif, avec la présence de personnes que nous ne connaissions pas, des individuel-le-s, mais aussi des membres de SUD ou même de la CGT... Les retours furent positifs, l’ambiance d’une « conférence » animée par des militants et pas des professionnels a mis les gens à l’aise pour discuter. Le mardi, débat sur la Tunisie. Un compagnon de Toulouse a proposé un débat autour d’une table avec les 25 personnes présentes, ce qui fut apprécié. La présentation reçut un accueil mitigé, y compris de la part de compagnons. Mais les précisions sur le fait que nous ne sommes pas des pros ont permis un débat très intéressant par la suite. Si la présentation a pu être éparpillée par moment, peut-être certaines personnes s’attendaient aussi à de l’exceptionnel.
Le mercredi, nous accueillions Lucio Urtubia, anarchiste et faux-monnayeur. Ce fut la conférence qui accueillit le plus de monde (50 personnes). Le public nous a semblé plus être venu pour voir le personnage. Malgré cela, dans le débat qui a suivi la projection du film Lucio a parlé de l’anarchisme, mais sans aller plus loin. Le débat a plus tourné autour de l’illégalisme, sans que Lucio n’y soit vraiment pour quelque chose. Les personnes présentes ont bien apprécié la soirée, Lucio est rentré satisfait. Le jeudi, à travers la conférence sur Sacco et Vanzetti présentée par R. Creagh, nous souhaitions parler de l’anarchisme ouvrier. La présentation fut complète, ce qui a fait que le débat avec les 25 personnes présentes (dans la salle en face, une conférence sur l’école démocratique avec tout le beau monde des profs de gauche... réunissait 200 personnes, sponsorisée par la fac elle-même...) a tourné sur la répression (ce qui n’est pas plus mal). Remercions R. Creagh.
Le vendredi, le salon du livre fut le seul échec : très peu de monde, un manque de contact humain aussi... Le concert de soutien le soir fut par con-tre un excellent moment. D’une part, il nous a permis de nous en sortir financièrement avec environ 120 personnes (dont des personnes venues de la Creuse !). Nous remercions les Critical Sound System, la Fibre (qui entre les morceaux de rap anarchiste rappelait qu’il faudra s’abstenir...), les Akestekoï et Last Fuckin’Delight, groupes qui sont venus parfois de loin pour nous soutenir, sans demander de frais ou si peu... Ce concert a pu être tenu grâce à des sympathisant-e-s également très présent-e-s... Au total, plus de 100 personnes différentes ont assisté aux débats, avec un groupe de personnes revenant chaque soir, le tout dans une bonne ambiance, malgré les présences difficiles à gérer de personnes alcoolisées - ce qui nous a poussé à mener une réflexion sur l’alcool par la suite. Selon un compagnon de la Creuse, on a « frappé un grand coup ». On a en effet dû lutter pour organiser ces Journées Libertaires, la mairie refusant de nous donner la Maison du Peuple sous des prétextes fallacieux (un numéro SIRET...), les 200 affiches et 400 programmes ont été tirés par nos soins... Nous pouvons aussi noter les nom-breux passages aux tables de presse, environ 50 Anarchosyndicalisme ! ont été vendus... Une semaine éprouvante, à une poignée d’enragé-e-s, mais qui fut plus que satisfaisante. On recommence en 2012 !
Contre le corporatisme, pour la lutte des classes !
Suite à ce succès des Journées Libertaires, nous avons décidé collectivement d’être présent-e-s un maximum dans la rue, à toutes les manifs, en interco, pour y montrer notre solidarité d’une part, mais surtout pour y dénoncer le corporatisme, et montrer, avant notre campagne anti-électoraliste, que la lutte c’est sur le pavée, pas dans les urnes. Depuis quelques semaines donc, les anarchosyndicalistes apparaissent régulièrement. Nous pouvons classer les différentes actions auxquelles nous avons participées en plusieurs catégories.
Par exemple, une manif CFDT-FO-CGT-SUD (sans FO dont le local était à 100 mètres du rassemblement) contre la casse de la Convention 66 des travailleurs-euses sociaux. Nous étions les seuls non travailleurs-euses sociaux (actifs ou en formation) à être venus. Trois ans que la lutte dure, trois ans pour se rendre compte que CFDT, FO et CGT n’étaient pas vraiment contre la casse de la convention, et que SUD dans sa stratégie intersyndicale n’offrait aucune alternative... Un bon encadrement syndical en somme... Autre exemple, le 15 novembre (deux jours après un rassemblement, le 13), manif traîne-savate de l’Éducation nationale, donc de la FSU. De rares étudiant-e-s anarchosyndicalistes s’y sont rendu-e-s, mais ce ne furent que les palabres habituelles... Autre manif. Celle du RéSEL, pour le droit au logement. Plus de 20 signataires (partis, syndicats et associations habituels) pour 35 personnes présentes ! Alors que nous n’avons pas signé l’appel, à notre habitude, nous n’étions pas les moins nombreux-euses... Nous en avons profité pour differ un tract, « Attaques globales, réponses globales » contre le corporatisme...
Le 13 novembre, nous avions décidé d’apporter notre petite présence anarchosyndicaliste au rassemblement CFDT - UNSA - CGT - FSU... contre l’austérité qui s’annonce. Pas de préavis de grève, donc des compagnes-ons n’ont pu venir. Ce fut un rassemblement de 200 permanent-e-s, mais notre message globaliste [1] et notre présence (une petite dizaine quand même) fut remarquée, les journalistes venant nous voir rapidement (mais nous refusons la société du spectacle et les médias dominants...). Si notre table de presse a vu peu de passage, le fait que notre café était gratuit, alors que celui de la CGT était payant fut salué... Si le rassemblement fut une preuve supplémentaire du rôle réel des syndicats institutionnels, notre présence fut un bon coup au niveau stratégique.
Enfin, des actions directes qui prouvent la validité de nos idées et pratiques. Tout d’abord, un rassemblement devant le CROUS. En effet, le ministère a donné un 10e mois de bourses, fêté en grandes pompes par l’UNEF… sans augmenter les moyens alloués aux CROUS... donc retards, non paiements des bourses, et des étudiant-e-s endetté-e-s... L’UNEF appelait à un rassemblement... 20 personnes (absence du « syndicat de lutte » SUD Etudiant-e), dont des militant-e-s de la CNTAIT 63. Il est décidé d’aller occuper le Conseil d’administration, l’UNEF veut y apporter ses pétitions et revendications. Le recteur, gêné par les échanges parfois vifs (la CNT-AIT, ils n’ont pas l’habitude) nous a sorti des phrases types du mépris, un mépris de classe, anti-pauvres... « Si vous n’êtes pas contents, allez habiter ailleurs », « S’il y a des retards de paiement, c’est la faute des étudiants » ou encore, lorsqu’un militant UNEF fait remarquer que sur les 13 000 boursiers de Clermont, 250 n’ont pas encore perçu les bourses (et crèvent donc de faim...) « 250 ? C’est un petit couac, une broutille ». Le recteur, qui sera outré, annule le CA. Les bourses sont tombées 10 jours plus tôt qu’en novembre...
Pour terminer, nous avions décidé de nous rendre à un rassemblement devant Leclerc, qui a licencié une militante CGTiste. Non pas que nous cautionnons le militantisme de la CGT, mais pour y montrer notre solidarité de classe. D’ailleurs, à part la CGT, la CNT-AIT (une nouvelle fois) était la seule organisation présente ! Ce rassemblement s’est poursuivi par une manif sauvage dans le Leclerc. Pas de négociations avec la direction. Action directe. Si chaque licenciement entraînait une telle réaction (on pense à notre compagne de la CNT-AIT espagnole, licenciée de Carrefour et réintégrée après une mobilisation internationale, jusqu’au Brésil ou en Argentine...). Cette manif sauvage dans le centre Leclerc, en période de fête, a fait son effet... Mais on apprendra ensuite que la CGT ne poursuivra pas la lutte directe et s’en remet aux prud’hommes... N’empêche, l’action directe, sans intermédiaires, donne des résultats !
En conclusion, nous pouvons dire que nous sommes actuellement les seul-e-s à vouloir globaliser et radicaliser les luttes. Et d’ailleurs, les retours sur la CNT-AIT sont très positifs, et nous motivent encore plus, ils sont pour nous significatifs de la véracité de nos idées et pratiques. Sans participer à aucune intersyndicale, sans accorder d’importance aux partis politiques (refus de signer avec eux), nous tentons de montrer que l’action directe et l’autonomie des luttes sont une des solutions pour apporter une réponse radicale à la destruction de nos conditions de vies. Que la solidarité de classe, c’est pas sur le papier, mais dans la rue. Vive la lutte des travailleurs-euses, sans permanent-e-s, ni subventions !
_ Quelques compagnes-ons de l’UL CNT-AIT 63