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MESSIEURS LES DIRECTEURS, JE VOUS FAIS UNE LETTRE ...

Publié le 1er septembre 2012

Lettre ouverte à
Mesdames et messieurs les directrices et directeurs de : Pôle-emploi, Pôle-emploi Région Auvergne, Pôle-emploi Puy-de-Dôme, Pôle-emploi Clermont-Est,
Mesdames, Messieurs les Responsables d’équipe
Chères et chers collègues,

Je vous écris pour vous informer que j’ai décidé de refuser de me soumettre, le moment venu, à toute forme d’évaluation individuelle systématique et récurrente telle que prévue par l’art 21 de la convention collective de Pôle-emploi.

Ma décision a été mûrement réfléchie. Mes raisons sont de tous ordres, mêlant dans une réflexion que je crois rigoureusement cohérente des considérations politiques, éthiques, philosophiques. De tous ces points de vue, l’évaluation individuelle systématique et récurrente des conseillers à l’emploi particulièrement de « leur contribution aux résultats collectifs » m’apparaît comme inadmissible et fondamentalement néfaste.

Je n’afficherai pas au grand jour ma détermination à m’opposer personnellement à une mesure légale, qui dans les textes n’est pas obligatoire, m’exposant à d’éventuelles représailles sans de graves motivations. Je les expose ci-après en espérant que vous en prendrez connaissance et leur accorderez le temps de la réflexion.

Je passerai rapidement sur le problème logistique que soulève l’évaluation individuelle. Aucun moyen humain et financier n’est prévu pour sa mise en œuvre, dont la lourdeur est stupéfiante. Il est dès lors inévitable que cette procédure tourne à la parodie, sauf à adopter des critères purement quantitatifs, ce qui à l’évidence reviendrait encore à une farce.

Je passerai un peu moins rapidement sur ce qu’a de foncièrement contradictoire avec la dimension collective -qui est l’essence de notre travail- le fait d’isoler les conseillers pour individualiser les mérites de chacun. La prégnance de l’idéologie du succès personnel, de l’individualisme triomphant, du carriérisme Rolex est parfaitement visible dans cette conception du métier. C’est une conception moralement détestable du moment que nous travaillons au contact d’êtres humains.

D’autre part la mise en pratique d’une évaluation systématique de chacun par certains de ses collègues, semble faite tout exprès pour détériorer en profondeur la qualité des relations personnelles et professionnelles. Si l’on voulait dans ce pays vicier la coopération au sein d’équipes il suffirait de laisser s’appliquer cet EPA (entretien professionnel annuel).

J’en viens à la question de fond. S’il s’agit bien d’évaluer la qualité du travail, on est en droit d’exiger que soient distinctement énoncés les critères qualitatifs sur lesquels les évaluateurs sont supposés s’appuyer (cf le descriptif EPA page 3 : préciser et apprécier la manière dont les résultats ont été atteints).

Or j’affirme qu’aucun cénacle d’esprits aussi bien faits soient-ils, qu’aucun aréopage de spécialistes aussi reconnus qu’on voudra, qu’aucun think thank de penseurs aussi remarquables qu’on puisse l’être n’est et ne serait en mesure de dresser une liste satisfaisante et suffisamment claire de tels critères qualitatifs, seuls susceptibles de permettre une évaluation objective et sensée. Nous travaillons, et auprès et avec des humains.

L’EPA est un mécanisme destructeur il permet le contrôle des gens (les gens auront intérêt à rentrer dans le moule), l’autocontrôle (l’individu intériorise tous les mécanismes pour mieux les anticiper). Quid des discussions, des réunions d’équipes, des partages d’expériences, de savoir-faire ?

Les arguments paternalistes et débonnaires en faveur d’un entretien professionnel annuel ne changent rien au fond de l’affaire L’entretien individuel dans lequel il sera demandé la contribution aux résultats collectifs attendus, l’initiative au travail, ne peut rien amener d’autre qu’une destruction de la dimension collective du travail, de l’apport amené dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi et du service auprès des entreprises. Rien de moins que notre emploi de conseiller à l’emploi qui ne peut être chiffré et ne peut répondre à des objectifs si ce n’est celui du fondement de notre fonction : accompagner la personne a trouver un emploi le plus conforme à son parcours professionnel et ses compétences, répondre aux demandes des entreprises et, à l’aide d’un outil informatique, calculer l’indemnisation du demandeur d’emploi.

Les évaluateurs se transformeront en chefs de la droite pensée qui se soumettront à une définition de la recherche d’une qualité et de ce qu’elle n’est pas. Je ne me soumettrai pas non plus à cet entretien au vu des conditions de travail dans [lequel] (lesquelles) je me vois obligée d’exercer ma profession : Pas ou peu d’informations claires, un système informatique souvent dégradé, un bureau pour deux, un accueil saturé dans les agences, une gestion administrative des demandeurs d’emploi, une pression aux chiffres, une non prise en compte des handicaps, un contrôle accru (pour exemple : les statistiques de prise d’appel au téléphone service employeur), le discours sur les chiffres, la prégnance de l’envoi auprès des partenaires privés, la prégnance du service téléphonique et internet plutôt qu’un accueil humain.

Cet entretien qui, au départ, selon l’article de la convention article 21 («  Tout agent, quelle que soit la nature de son contrat de travail et de son secteur d’activité peut bénéficier de cet entretien annuel »), était juste possible, devient quasiment obligatoire dans la structuration de sa mise en place. La possibilité de refus n’est notée que sur la fiche technique salarié. De plus l’EPA sera planifié par écrit (courriel) environ 15 jours ouvrés à l’avance, convocations, informations, invitations ??? Les EPA seront saisis sous l’outil informatique People Soft (SIRH) le même outil sur lequel les agents candidatent pour une mutation, lecture ouverte ensuite à qui ? Pour toutes ces raisons, et pour toutes celles qu’on peut en inférer, je ne me soumettrai pas à une procédure individuelle quasi contrainte. Il en va de ma conception même de notre métier, et du rôle qu’il joue pour moi dans la cité.
Veuillez agréer, chères et chers collègues, l’expression de mes meilleures salutations collégiales.

Une compagne. UL CNT-AIT 63

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