ACTUALITE APRES L’INFAMIE, L’ÉCŒUREMENT
Publié le 7 avril 2014
Celui-là, on le disait partisan de la rigueur budgétaire. Il devint ministre du budget. L’homme « de tous les sacrifices » planquait en fraude des millions d’euros en Suisse, à Singapour ou sur l’ile de Man. Cahuzac, l’homme de « la rigueur pour tous », était surtout l’homme des privilèges pour lui. Tout cela fit grand bruit. Un ministre du budget qui chaque année nous exhorte à payer nos impôts, qui est censé lutter contre la délinquance fiscale, et qui escroque lui-même le fisc, c’est le plus haut degré du cynisme.
D’autant plus que son prédécesseur, Eric Woerth, est maintenant renvoyé devant le tribunal correctionnel aux motifs de conflits d’intérêts et de trafic d’influence, pas moins. Et cet autre grand personnage, ex-dirigeant de l’IUMM, la puissante fédération patronale de la métallurgie, il vient, en ce qui le concerne, d’être condamné à trois ans de prison pour avoir corrompu — à grand coup de fonds occultes — des parlementaires, des politiciens et des syndicalistes, qui sont devenus autant de mercenaires prompt à défendre les intérêts des grands patrons contre les travailleurs. Des vendus, tout simplement…
Cahuzac et ses comptes cachés, Sauvagnac et sa caisse noire,… Eux tous, qui nous faisaient la morale au sujet de la moindre « incivilité », de la moindre peccadille ; eux qui nous ont si franchement menti « les yeux dans les yeux » ! L’un, après moults mensonges et rebondissements, a fini par avouer, la mort dans l’âme, sa fraude ; l’autre a été reconnu coupable de corruption. Mais voici qu’on s’aperçoit qu’ils ne sont que l’avant garde d’une honteuse parade. Certes, elle n’est pas franchement nouvelle, mais elle est particulièrement fournie, car derrière eux, s’organise un long cortège d’infamie, celui d’une multitude impressionnante de grands délinquants, issus de la classe politico-financière de ce pays : trafics d’influences, marchés truqués, conflit d’intérêts, abus de biens sociaux, fraudes, corruptions et valises de billets,… ils sont maires, députés, « syndicalistes », ils sont élus de toutes sortes, ils sont ex-ministres et même ex-président… Mais combien sont-ils ? Le chiffre grossit chaque jour. Les faits reprochés sont de plus en plus graves et atteignent le sommet de l’État.
Le poisson, dit le proverbe chinois, pourrit par la tête. Nous vivons un moment de l’Histoire qui illustre parfaitement les accointances pourries entre l’État — soi-disant garant de la morale — et le Capitalisme — à l’origine d’une crise qui fait faire les plus juteuses affaires aux affairistes. On comprend mieux pourquoi des millions d’euros ont été lâchés à un Tapie et d’autres milliards furent généreusement versés aux banquiers.
Cela n’a pas de limites et ne se vérifie pas qu’en France. Ces derniers mois, les médias nous ont beaucoup parlé de la corruption des oligarques ukrainiens. Elle est colossale. Ils se sont moins étendus sur les filouteries de la famille royale espagnole. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur cette dernière.
Partout, les populations ne peuvent que constater la puissance des liens qui unissent ceux qui prétendent les représenter — et qui les gouvernent – à ceux qui organisent la misère mondiale.
Comme après la pluie vient le beau temps, l’écœurement succède maintenant au mépris ; et tout à fait logiquement, de l’Est à l’Ouest de l’Europe, de l’Ukraine à l’Espagne, des mouvements de masse remettent en question ces situations. Dans ce contexte, le rôle des anarchosyndicalistes, dans toute la mesure de leurs modestes moyens, est d’éviter que ces mouvements ne se fourvoient dans le chauvinisme ou dans des querelles politiciennes stériles. Il est de mettre en avant les revendications sociales. Cette intervention est déterminante parce que, si certains événements historiques ont la même origine, il n’est pas dit que leur trajectoire soit obligatoirement identique. Ce qui explique le succès (espérons-le éphémère) de l’extrême-droite locale sur la place Maïdan, c’est l’absence quasi-totale de revendications sociales et d’intervention autonome des travailleurs.
A l’opposé, les dernières manifestations de ce 22 mars en Espagne ont mis en avant la lutte pour la dignité ouvrière avec une participation anarchosyndicaliste importante [1].
Ce qui sépare fondamentalement ces deux situations, c’est le degré de conscience de classe, ni plus, ni moins.
Autrement dit, si la colère est appelée à grandir sous des formes diverses — et y compris sous forme de la montée spectaculaire de l’abstention observée en France au premier tour des élections municipales — l’enjeu sera plus que jamais d’être attentifs au contenu idéologique des révoltes qui désormais semblent s’annoncer un peu partout dans le monde pour des raisons identiques.