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Gauche, syndicats, patronat : ensemble, tout devient possible !

Publié le 15 juin 2014

En ces temps de « crise économique », François Hollande et son gouvernement s’appliquent à mettre en place les lois et mesures nécessaires à la poursuite de la logique libérale de développement capitaliste, sous l’égide de l’UE et de Bruxelles. C’est aujourd’hui officiel : malgré les discours de façades, la « gauche » ne prend même plus la peine de préserver un semblant de social-démocratie. On peut même penser qu’elle fait mieux que ses homologues de droite pour la préservation des intérêts capitalistes. L’ANI en 2013 et le « pacte de responsabilité » de 2014 en sont de très bons exemples.

L’OFFENSIVE DU CAPITAL CONTRE LES TRAVAILLEURS

Commençons tout d’abord par rappeler quelques mesures importantes contenues dans l’Accord national interprofessionnel (ANI) signé en 2013 par le gouvernement et 5 syndicats « représentatifs » : choix unilatéral de la complémentaire santé par l’employeur, renforcement de la mobilité interne dans les entreprises avec licenciement pour motif économique si refus du salarié, possibilité pour l’employeur de déroger aux garanties de branches dans certains cas (ce qui permet d’imposer modifications du salaire et du temps de travail), expérimentation du Contrat de travail intermittent (CTI) dans certains secteurs équivalent à des CDI annualisés renforçant la précarité des salariés... La liste est longue, et pour mieux appréhender cette attaque frontale contre les droits des travailleurs, nous vous conseillons de vous référer à la brochure sur l’ANI de nos compagnons de la CNT-AIT 63 (que nous avons repris pour ces rappels). Par ailleurs, le MEDEF poursuit son objectif de destruction du code du travail et ambitionne déjà de nouvelles réformes.

Hollande remet le couvert cette année avec l’annonce de son « pacte de responsabilité » qui promet aux entreprises de supprimer leur participation aux cotisations familiales d’ici 2017. Pour rappel, les cotisations familiales sont une taxe, payée par les employeurs, pour chaque salarié. Elles représentent, 5,25 % du salaire brut et 35 milliards d’euros qui permettent le financement de la Sécurité Sociale. Concrètement, il s’agit des allocations familiales, touchées par toute famille de deux enfants ou plus sans condition de revenu, ou de la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), qui regroupe différentes aides à la garde d’enfant. Les cotisations familiales représentent environ les deux tiers du financement de cette branche famille, le reste provenant de la CSG ou d’autres impôts et taxes (source : Le Monde 15/01/2014).

Il va donc falloir trouver 35 milliards d’euros pour continuer à financer la Sécu, en sachant que vu son déficit abyssal il en faudrait surement plus encore. Et pour cela, rien de plus efficace que de rogner sur la dépense publique : au total, Hollande affirme «  qu’entre 2015 et 2017 il faudra dégager 50 milliards de plus », et pour cela « mener des réformes structurelles, redéfinir les principales missions de l’État et revoir nos mécanismes de distribution » (source : Le Monde 15/01/2014). Les cibles sont peu à peu dévoilées : salaires des fonctionnaires, hôpital public, prestations sociales,...

Le MEDEF applaudit et Montebourg négocie en demandant 2 millions d’emplois sur 5 ans en contrepartie de ces cadeaux au patronat. Le MEDEF ne demandait rien de moins que 100 milliards d’euros d’abaissement de cotisations sur 5 ans contre 1 millions d’emplois en contrepartie d’ici 2020 ; devant l’apathie générale, le MEDEF ne veut maintenant même plus parler d’objectifs chiffrés... Il n’est pas difficile de comprendre l’essentiel : l’addition sera plus ou moins salée mais on connaît déjà ceux qui vont la payer : les travailleurs, les précaires... Et cela a déjà commencé avec le rehaussement de la TVA qui s’inscrit dans ce projet global. Même si le gouvernement affirme que la baisse des cotisations des entreprises augmentera les recettes d’impôts sur les sociétés, ou qu’il pourrait récupérer jusqu’à 2 milliards d’euros en 2014 en luttant contre la fraude fiscale, cela ne sera pas suffisant.

En parallèle, Bercy prévoit de diminuer de 3 milliards d’euros par an pendant 3 ans la dotation des collectivités locales, ce qui aboutirait à une diminution totale d’environ 10,5 milliards d’euros d’ici 2017 (source : Le Monde). Les collectivités ayant notamment pour missions l’accompagnement social, l’insertion, la prise en charge du handicap et de la dépendance ou encore la protection de l’enfance par exemple, cela aura forcément pour conséquences une dégradation des services publics de proximité, qui suit la logique d’austérité actuelle.

GOUVERNANCE LIBÉRALE ET COLLABORATION DE CLASSES

La gauche sociale-démocrate, habituellement favorable à un État-Providence de type keynésien, s’est aujourd’hui rangée aux grands principes du laissez-faire économique, dans la pure tradition libérale. En effet, que ce soit pour l’ANI ou le pacte de responsabilité, elle laisse les « partenaires sociaux » décider des grandes orientations économiques. Pour Hollande et son gouvernement, cette politique est avantageuse : si ces mesures échouent, il accusera les partenaires sociaux ; si son calcul politique fonctionne, il en retirera les lauriers

Les centrales syndicales prennent aussi part à ce processus. On voit 2 postures : soit elles négocient directement et ouvertement (CFDT, CGC et CFTC), soit elles entendent poser leurs conditions au préalable, se donnant ainsi une apparence de radicalité (CGT et FO). Dans les 2 cas, il n’y a aucune logique d’opposition et tous les syndicats persistent dans leur logique d’accompagnement du capitalisme. Pire  : ils ne défendent même plus les acquis sociaux des travailleurs. Les partenaires sociaux instituent ainsi une politique économique conforme aux désidératas du patronat.

D’autre part, il devient évident que le mythe de l’alternance gauche / droite ne tient plus : le gouvernement sarkozyste avait déjà préparé le terrain des réformes libérales avec les retraites, et la gauche de Hollande va encore plus loin avec l’ANI et son pacte de responsabilité. Plus globalement, tout cela se fait sous l’égide des institutions européennes, et Bruxelles rappelle encore la nécessité de réformer pour maintenir les objectifs de réduction du déficit. Comme disait Warren Buffet, il devient alors évident que l’oligarchie est en train de gagner sa guerre de classe contre les classes moyennes et populaires.

De plus, le nouveau projet de libre échange États-Unis et Europe (TAFTA) va aggraver la situation. Des firmes privées pourraient alors porter plainte contre des décisions d’un État qui porteraient préjudice à la firme concernée. Cela est l’évolution logique du capitalisme et de son fétichisme de la marchandise. Le code du commerce devient la source du droit.

QUELLE RÉPONSE ?

Face à cette situation, aucune réaction sociale ne semble émerger pour le moment, que ce soit de la part des syndicats ou des travailleurs eux-mêmes. On constate qu’au niveau national, les centrales syndicales sont clairement du côté de la négociation et de l’accompagnement. Localement, seules quelques résistances très isolées se font jour (notamment des salarié(e)s menacés de licenciement économique). Une opposition efficace nécessitera un développement d’une résistance généralisée des travailleurs. Cela demande de dépasser le corporatisme des luttes actuelles, en rappelant que la lutte des classes est plus que jamais d’actualité. Nous devons œuvrer à ce qu’une convergence des luttes soit possible, en favorisant des luttes autonomes vis-à-vis des partis et des syndicats responsables de la situation actuelle. A partir de ce moment là, l’autonomie populaire peut se développer et nous entraîner vers une émancipation sociale.

Avril 2014
Des membres de l’UL de Caen 

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