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Il n’y a pas de petite lutte

Publié le 26 novembre 2006

En juin dernier une jeune femme a pris contact avec notre syndicat pour se plaindre de harcèlement moral de la part de son employeur. "Etrangère extra communautaire" (d’où une interdiction de travailler plus de vingt heures par semaine), elle était donc obligée de travailler partie déclarée, partie au noir, et pouvait, de ce fait, difficilement porter plainte contre son employeur, craignant une éventuelle reconduite à la frontière pour situation irrégulière. Notons ici que son patron dénigrait régulièrement la qualité de son travail, la payait mal, ne lui accordait pas de congés payés (depuis 3 ans !!!) et tentait d’établir un rapport affectif malsain en lui suggérant que c’était grâce à lui qu’elle avait du travail et pouvait s’en sortir... Quand elle vint nous voir, son patron, devant sa résistance, venait de lui intimer l’ordre de "ne plus remettre les pieds dans son restaurant". Nous lui avons d’abord conseillé, malgré l’ordre de son de patron, de se représenter à son travail pour ne pas tomber sous l’accusation "d’abandon de poste", mais pas toute seule. Elle s’est donc représentée le lendemain matin accompagnée par l’un de ses amis ainsi que d’un membre de la CNT-AIT.

Rentrée seule dans le restaurant, elle a commencé à se faire bousculer et insulter.Elle est alors sortie pour rejoindre les personnes qui l’accompagnaient et qui ont demandé poliment mais fermement au patron de changer d’attitude. Il a alors répété qu’il la licenciait mais que la procédure se ferait "dans les formes". Il devait au moins 800 euros d’arriérés mais n’était prêt à en céder que 250. On voit tout de suite la conception "des formes" de ce gargotier !

Nous avons alors décidé d’établir un petit rapport de force consistant en des tractages réguliers et massif devant le restaurant afin d’en dénoncer les conditions de travail.
Cependant, dans l’après midi, le patron la rappelle pour lui proposer une entrevue à 6 heures du soir, et se dit prêt à la reprendre, et à "tout oublier". La jeune femme, quant à elle, bien décidée à ne plus travailler dans ce restaurant, ne désirait qu’en partir et obtenir son dû.

Nous décidons donc de l’accompagner à une dizaine de personnes (ses copains, ainsi que des membres de la CNT-AIT et des JL ) afin de mettre fin aux menaces et aux intimidations tout en montrant qu’elle avait des amis déterminés. A 6 heures, la salariée est entrée dans le restaurant accompagnée des deux personnes présente le matin, pendant que le reste des soutiens attendait sur le trottoir d’en face. Le patron a dans un premier temps refusé de rencontrer la salariée si elle était accompagnée, prétextant que la discussion ne concernait qu’elle et lui. Elle refusa de le rencontrer seule car elle craignait pour sa sécurité. La discussion montant en intensité, le patron a voulu expulser de force les deux personnes accompagnant la salariée. Alors, celles qui attendaient de l’autre côté de la rue sont intervenues, ordonnant au patron de cesser ces menaces. Miraculeusement, la conversation prit alors un ton normal. Finalement, trois personnes sont restées pour en observer le déroulement de la discussion. Pendant que la salariée demandait 1 000 euros, le patron restait sur sa position et ses 250 euros. A noter ici que durant l’entretien, il a essayé de faire vibrer la corde affective, en avançant qu’il l’avait sorti de situations difficiles, qu’il la considérait comme sa fille, etc. Bien que la conversation ait eu tendance à s’éterniser, aucun accord ne fut trouvé. La salarié, pas encore licencié, a quitté le restaurant et s’est mis en arrêt maladie, afin de ne pas être licenciée pour abandon de poste, ce qui pouvait lui faire perdre des droits.
Prévoyant un harcèlement téléphonique par le patron pour la faire craquer, les compagnons lui ont conseillé de refuser tout contact avec ce dernier pendant deux ou trois jours. Au bout de 3 jours, elle a daigné répondre au téléphone (il avait essayé de l’appeler de nombreuses fois depuis leur dernière rencontre. Elle a alors immédiatement répété qu’elle n’avait pas changé ses revendications. Lui, a déclaré qu’il était prêt à la licencier et à lui accorder tout ce qu’elle demandait plus 300 euros et une lettre de recommandation. Il demandait juste un peu de temps pour réunir la somme. Elle exigea un acompte immédiat afin de ne pas se laisser endormir par ces belles promesses. Une semaine plus tard, elle avait gagné, son dû et une lettre de recommandation lui furent remis.

Voilà. C’est un tout petit événement, une toute petite histoire. Mais une petite histoire qui montre que la lutte et l’action directe gagnent, même si c’est modestement.

Trop souvent, en particulier dans les "petites et moyennes entreprises", les travailleurs confrontés à la rapacité patronale croient "qu’on peut rien faire" ou, ne voyant comme recours que la "justice" portent tout de suite leur affaire sur ce plan (avec tous les aléas et le temps perdu que cela suppose). Or, se faire accompagner par quelques copains, faire au cas la publicité qui s’impose, mettre éventuellement à jour les magouilles du patron (fraîcheur des produits, truanderies comptables ou autres...) sont des armes à disposition de tous les salariés. L’important est de créer un rapport de force, et, dans le cas de petites entreprises, de petits moyens peuvent suffire. Exprimer dans les actes de la solidarité, imposer le respect dû aux travailleurs, obtenir la reconnaissance de ses droits par la lutte, ce sont des choses qui comptent, qui peuvent faire boule de neige et qui nous renforcent donc tous.

C’est la victoire des petits pots de terre contre le pot de fer, sans chef ni dirigeant, par une lutte autonome. Encore félicitations à cette jeune femme qui a su se mobiliser face à l’oppression.

Des membres de la CNT-AIT de Toulouse

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