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Vers un totalitarisme...

Publié le 16 mai 2020

La mise en œuvre de mesures de distanciation sociale (le confinement en est une) est, si l’on en croit les scientifiques, la manière la plus efficace pour éviter la propagation des virus . Pour mettre en œuvre ces mesures simples , il n’existe que deux solutions : soit on fait confiance au bon sens des gens, soit on les impose par des moyens coercitifs. A l’évidence, c’est cette seconde solution que l’état français à choisi : depuis quelques semaines, nos modes de vie , de travail, de loisirs ont été radicalement transformés et des choses qui jusqu’alors nous semblaient totalement impossibles,inimaginables sont devenues notre quotidien.

Nous acceptons que l’état surveille, contrôle et vérifie le moindre de nos actes ; nous acceptons sans rechigner de rendre compte, de remplir des formulaires pour de simples actions que jusqu’alors nous effectuions presque sans réfléchir (faire son marché, sortir son chien…), des libertés que nous considérions jusqu’alors comme essentielles (se réunir, se déplacer,manifester, aller aux spectacles etc) sont abolies et le moindre manquement à ses règles est sévèrement sanctionné.

Les médias, les autorités , et l’opinion publique disent que toutes ces mesures ont été prises pour nous protéger, qu’elles sont dans notre intérêt exclusif et de l’avis général, en agissant ainsi, l’état républicain est dans son rôle. Et effectivement, c’est toujours cette motivation de protection des citoyens que l’état met en avant lorsqu’il s’agit de justifier la mise en place de mesures diminuant nos libertés. Ainsi c’est pour nous protéger contre le terrorisme que l’état a mis en place des systèmes de surveillance généralisées ( Vigie pirate etc ), c’est pour nos protéger des vandales que les municipalités installent des réseaux de caméras dans les rues, qu’elles arment les policiers municipaux, et c’est pour nous protéger des gens mal intentionnés que la délation devient une pratique encouragée.

Impossible aujourd’hui de sortir dans la rue sans ses papiers, et comme Bertrand Russel, nous ne pouvons que regretter le temps où il suffisait d’une carte de visite pour faire le tour du monde. Rien de bien nouveau, déjà au dix neuvième siècle, nombre de penseurs, de philosophes dénonçaient cette tendance de l’état à vouloir tout contrôler, tout surveiller. Mais aujourd’hui, il met au service de cet objectif des techniques autrement inquiétantes qui sous prétexte de nous protéger permettent de suivre partout nos déplacements, vérifier nos relations, contrôler nos conversations .

On ne peut que saluer le caractère visionnaire d’Élisée Reclus qui en 1880 disait : « on a inventé l’anthropométrie, un moyen de changer la France entière en une grande prison. On commence par mesurer les criminels, vrais ou prétendus, puis on mesure les suspects, et nous finirons par y passer tous. La police et la science se sont entre-baisées ». La poursuite de cet objectif aussi prétendument vertueux qu’utopique, la sécurité parfaite pour tous les citoyens, une société débarrassée du vol, du crime et du terrorisme, justifie pour les tenants de l’ordre établi la mise à mort de toutes les libertés individuelles. Petit à petit nous les voyons fondre comme neige au soleil et quand les gouvernants occidentaux se posant en défenseurs de la démocratie montrent du doigt les pratiques de certains états dictatoriaux, c’est pour détourner l’attention du public et camoufler les atteintes aux droit de l’homme dans leurs pays.

Comme tous leurs prédécesseurs, ces dirigeants rêvent d’une société où le moindre manquement aux règles sera immédiatement sanctionné grâce aux technique modernes. Avec l’appui de tous les médias, ils y travaillent sans cesse, ils façonnent l’opinion en ce sens ; les nantis du vingt et unième siècle vivent avec la peur au ventre, peur des terroristes, du chômage, des voleurs etc et maintenant du corona virus et ils sont prêts à échanger leur liberté contre n’importe quelle promesse de sécurité. La peur les amène à se comporter comme des enfants et pour le moindre problème avec un voisin, leur employeur ou un commerçant, incapables de régler le problème par eux mêmes par l’action directe, ils s’adressent à l’état pour régler le litige.

Les sages paroles d’Emma Goldman « prolétaire l’état est ton pire ennemi » n’ont aucun sens pour eux, ils sont comme des poulets qui vont chercher refuge auprès d’un renard. L’installation des premiers systèmes de surveillance dans les villes suscitait des tollés, aujourd’hui la majorité bien pensante veut toujours plus de systèmes de contrôle, de protection car l’ennemi est partout, tous est l’ennemi de tous.

A toutes les époques, des penseurs, des intellectuels, des philosophes ont dénoncé l’abominable chantage étatique : sécurité contre liberté. Les penseurs anarchistes ont suffisamment montré qu’il était dans la nature même de l’état de contrôler surveiller, maîtriser toujours plus la société, que la soif de pouvoir et la peur de perdre leurs privilèges autorisaient les castes dirigeantes à toutes les ignominies. Rien d’étonnant donc si profitant de l’irruption sur la scène mondiale d’un virus jusqu’alors inconnu, les états poussent leur avantage et diminuent d’autant nos droits. Temporairement nous disent-ils mais que vaut cette parole quand on sait que les mesures des premiers plans Vigie pirates vieux de quelques décennies sont toujours en application.

Pourtant une autre voie existe. Est-ce être utopique que de penser que les gens sont suffisamment sensés pour appliquer d’eux même les mesures de distanciation sociale, suffisamment adultes pour d’eux même limiter leurs déplacements ? Est-ce être fou que de faire confiance au bon sens des populations et penser qu’elles sont capables de voir où se situe leur intérêt ? Faut-il être anarchiste pour comprendre que les menacer de sanctions, c’est les encourager à violer les interdictions ?

Si dans cette matière comme dans toutes les autres, l’état est obligé de manier le bâton pour faire respecter sa loi, c’est parce que sa nature même l’y oblige : il est le gardien intraitable d’un ordre fondamentalement injuste, inégalitaire et criminel. Proudhon, disait déjà au dix neuvième siècle : « Être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale !

Et dire qu’il y a parmi nous des démocrates qui prétendent que le gouvernement a du bon ; des socialistes qui soutiennent, au nom de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, cette ignominie ; des prolétaires, qui posent leur candidature à la présidence de la république ! Hypocrisie ! ». Au vingt et unième siècle, ces phrases sont toujours aussi véridiques.